Annoncée comme un grand rassemblement citoyen anti-Hollande, la manifestation à l’appel du collectif « Jour de colère » n’a pas eu l’ampleur des mobilisations contre le mariage pour tous l’année dernière (17 000 personnes selon la police, 160 000 personnes selon les organisateurs). Sur Facebook, 25 000 personnes avaient indiqué leur participation sur la page de l’événement. Dimanche, le mouvement était marqué par une omniprésence de groupuscules d’extrême droite. Il a été ponctué de slogans antisémites, homophobes et antijournalistes.
Le collectif avait annoncé un mouvement de « convergence des luttes », organisé sous huit bannières différentes : fiscalité, éducation-jeunesse, famille, identité nationale, chômage, respect des convictions religieuses, liberté d’entreprise, respect des libertés fondamentales. La première difficulté était de contenir dans un même cortège des associations antifiscalité, identitaires, catholiques intégristes, catholiques traditionalistes, anti-islam, des partisans de Dieudonné et des groupuscules d’extrême droite antisémites.
Dès le départ de la manifestation, place de la Bastille, l’une des organisatrices prévient, au micro : « Nous marchons à côté de gens qui n’ont pas les mêmes convictions que nous. Nous l’acceptons. Ce qui nous unit, c’est la volonté de changer le gouvernement. Nous sommes un mouvement patriote. » Le speaker qui lui succède chauffe la foule : « Je vous rappelle que c’est une manifestation pacifique, mais ce n’est pas une raison pour ne pas montrer votre colère ! (…) Les journalistes qui sont des collabos, nous n’en voulons pas ! » Il cible « les pourrisseurs de l’État » et « les médias », et invite les participants à dénoncer les « provocateurs envoyés par Valls ».
Pendant trois heures, de la place de la Bastille aux Invalides, des groupes hétéroclites défilent contre le mariage pour tous, le « matraquage fiscal », la hausse du chômage, l’immigration, pour la défense de la famille traditionnelle, de « la souveraineté et l’identité » de la France. Parmi les slogans, certains ciblent directement les membres du gouvernement et le président : « Najat à coups de batte », « Taubira casse-toi ! » et « Hollande au poteau, le peuple aura ta peau ». Mais les deux qui reviennent en boucle sont : « Hollande démission » et « journalistes collabos ».
Les organisateurs du collectif sont anonymes, mais les coïncidences avec le Printemps français, branche radicale de la Manif pour tous, sont troublantes, comme l’a démontré Mediapart [1]. Dimanche, on pouvait voir un petit noyau s’affairer au départ de la manifestation, avec oreillettes et téléphones portables. On y retrouvait Frédéric Pichon, ancien leader du Groupe union défense (G.U.D.), figure du Printemps français et avocat de plusieurs manifestants antimariage pour tous prônant la radicalisation, recroisé une heure plus tard avec… un bonnet rouge.
Était aussi présent Axel Loustau, le trésorier du microparti de Marine Le Pen, à la tête d’une société de sécurité privée prestataire du FN en 2012. Ce proche de l’ex-chef du G.U.D., Frédéric Chatillon, a déjà été interpellé dans les manifestations contre le mariage pour tous en avril [2].
Dans le cortège, on croise un grand nombre de groupuscules gravitant à l’extrême droite : les Groupes nationalistes révolutionnaires (G.N.R.), le Front nationaliste, Terre et peuple, ou encore Yvan Benedetti, ex-FN et leader de l’Œuvre française, le groupuscule pétainiste et antisémite dissout en juillet après la mort de Clément Méric. Avec les Caryatides, il lance des « Hollande ça suffit, travail famille patrie ! », « La France aux français », « Français, réveille-toi, tu es ici chez toi ! », « Israël hors d’Europe ! », ou « On n’entend plus chanter Ariel Sharon ».
« Faurisson a raison, la Shoah c’est bidon », entend-on plus loin. Parmi les personnalités présentes, on trouvait l’écrivain Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement » (théorie selon laquelle les Français seraient en passe d’être démographiquement évincés par des peuples non européens), l’essayiste Alain Soral, passé par le PCF puis le FN, aujourd’hui à la tête d’Égalité et réconciliation.
Ellen Salvi, Nicolas Serve, Marine Turchi