Ces derniers mois, la direction a multiplié les gestes vers le centre-gauche (modération sur le programme, recherche du soutien d’une partie des classes dirigeantes et d’alliances avec des forces du centre). La Plateforme de gauche (principalement composée du « Courant de gauche » de Synaspismos et du « Réseau rouge » qui regroupe trois organisations révolutionnaires – DEA, Kokkino et APO — et des militants non affiliés de Syriza) a tenté de répondre à ces enjeux en soumettant cinq amendements au congrès.
Le premier amendement affirmait la nécessité d’une « deuxième vague de radicalisation » tant en terme de programme que d’implication dans le mouvement de résistance. Les quatre autres amendements exigeaient :
– l’annulation de la dette et des accords avec la troïka et, si besoin, la cessation de paiement pour obtenir son annulation ;
– la nationalisation sous contrôle ouvrier et populaire de l’ensemble des banques et des secteurs stratégiques de l’économie ;
– l’engagement d’en finir avec l’austérité « par tous les moyens nécessaires », y compris l’engagement de sortir de la zone euro et d’affronter l’UE en cas de chantage de Bruxelles ;
– la perspective d’un gouvernement de gauche et non d’un gouvernement dont la gauche serait le « cœur », ce qui exclut toute alliance avec le centre-gauche ou les forces qui ont mené ou accepté des politiques d’austérité dans le passé.
Malheureusement, les débats du congrès étaient organisés autour de questions « organisationnelles », la direction faisant tout pour empêcher toute forme d’opposition de gauche organisée.
Dissolution des organisations
Les organisations d’extrême gauche de Syriza ont reçu un ultimatum les enjoignant de se dissoudre dans les 2-3 mois qui viennent. Manolis Glezos, héros de la Résistance, a prononcé un discours très remarqué, rejetant non seulement le droit de la majorité de décider à la place des autres, mais mettant aussi en garde contre le danger d’un parti « présidentialiste ».
Lors du vote sur les nouveaux statuts du parti, il y a eu un débat très vif principalement à l’initiative de DEA. Nous avons tenu ferme contre cette dissolution forcée, trouvant des alliés tant du côté du Courant de gauche que de Anasa (tendance Syriza à la « gauche » de la majorité), ce qui a obligé la direction à faire un compromis, l’avenir des « composantes » n’étant décidé qu’après des « concertations » qui prendront un « certain temps ».
Droits des tendances
Alexis Tsipras a tenté de remettre en cause le droit des minorités à présenter des listes alternatives. Devant la levée de boucliers de la Plateforme de gauche, il a proposé que toute minorité soit dans l’obligation de constituer des listes séparées, figurant sur des bulletins différents. Jusqu’à présent, il y avait sur un même bulletin différentes listes, ce qui donnait la possibilité aux délégués de panacher et d’élire (de manière limitée) des candidats d’une autre liste. Ce droit a été supprimé, le but étant de faire apparaître la Plateforme de gauche comme « un corps étranger » opposé au « parti en tant que tel ».
L’opération s’est néanmoins retournée contre ses instigateurs, nombre de délégués, choqués par le comportement de la majorité, soutenant la Plateforme même s’ils ne partageaient pas l’intégralité de son programme. Loin d’être marginalisée, elle a obtenu 30, 15 % des voix contre 25 % lors de la conférence nationale de décembre dernier, la liste majoritaire obtenant 67, 61 %, soit sept points de moins.
Élection du président
Beaucoup (même dans le camp majoritaire) ont reconnu qu’il était contraire aux traditions de gauche d’élire un « leader » et que s’il fallait un « président », celui-ci devait être élu et contrôlé par le Comité central. Les délégués ont approuvé l’élection du président par le congrès et sans autre candidature sérieuse face à lui, Tsipras a remporté une victoire à la Pyrrhus avec 72 % des voix (le reste étant principalement des votes blancs exprimant une défiance vis-à-vis de Tsipras lui-même ou de la procédure de désignation).
Premier bilan
Si la majorité a remporté une victoire (les amendements de la Plateforme de gauche obtenant 30-40 % des voix notamment en raison du climat ambiant qui a conduit de nombreux délégués à voter automatiquement contre tout ce qui émanait de « l’opposition »), la direction a échoué à nous marginaliser et les médias ont dû admettre que « si la direction a gagné, elle doit faire face à une opposition renforcée ».
En ce sens, le score significatif de la Plateforme de gauche est un triple message : un message à la majorité qui devra faire face à une opposition interne massive si elle opère un « tournant droitier », un message à la classe dirigeante (Syriza ne sera pas facile à « gérer »), et un message adressé au KKE et à Antarsya : il y a une forte opposition de gauche dans Syriza qui mène une lutte qu’ils doivent soutenir.
La lutte pour la direction de Syriza est loin d’être terminée...
Panos Petrou, Athènes
Membre de la DEA (Gauche ouvrière internationaliste), composante de Syriza.