Le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme
Le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail
Le bâtonnier de l’Ordre national des avocats
A Monsieur Hamadi Jebali, le chef du gouvernement,
Sujet : réponse à votre correspondance à propos de la formation d’un gouvernement de compétences nationales
Salutations respectueuses,
Comme suite à votre correspondance susmentionnée en référence, nous
le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail,
le bâtonnier de l’Ordre national des avocats,
et le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme,
avons le plaisir de vous exprimer notre gratitude pour votre initiative de consulter nos organisations au sujet de la formation d’un gouvernement de compétences nationales que vous avez proposée pour sortir de la crise politique actuelle que traverse notre pays, surtout après l’aggravation de la situation suite à l’assassinat du militant politique et des droits humains, martyr Chokri Belaïd.
Partant de votre diagnostic dans le même document, nous vous transmettons ce qui suit :
1 - notre accord de principe avec votre décision de former un gouvernement de compétences nationales indépendant sur la base de la compétence et la loyauté envers les principes de la révolution, et ce, pour gérer les affaires du pays. Nous insistons qu’il soit un gouvernement à effectifs réduits dont les membres n’assument aucune responsabilité partisane et ne se présentent pas aux prochaines élections, présidentielles ou législatives, et que les ministres auront des prérogatives suffisantes et un pouvoir d’initiative ;
2 – nous vous proposons - par consécration du principe de la neutralité et la distanciation de l’appareil exécutif de l’Etat vis-à-vis des agissements électoraux - de revenir sur les nominations et les désignations partisanes qui ne sont pas basées sur la compétence, et la formation d’un comité supérieur de consultation sur les nominations et désignations selon des critères objectifs, comme indiqué dans le « mémorandum politique pour un nouveau contrat politique », que vous avez émis le 26 janvier 2013 ;
3 – nous partageons votre opinion qui considère la sécurité du citoyen et de la société parmi les premières priorités du prochain gouvernement, mais nous soulignons que cela nécessite des mesures urgentes suivantes :
– dissoudre tous les comités et toutes les milices, les ligues et les groupes organisés qui terrorisent la population et sèment la culture de la haine, de la rancœur et de la violence, à l’instar des ligues de protection de la révolution, et consacrer le principe du monopole de l’Etat seul de la responsabilité concernant la sécurité et la protection des libertés publiques et privées des Tunisiennes et des Tunisiens ;
– assurer la neutralité des mosquées et les éloigner des luttes politiques et partisanes et poursuivre tous ceux qui appellent à l’excommunication (takfir) et incitent à la violence ;
– poursuivre tous les prédicateurs de la division, de la haine et de la violence sous toutes leurs formes dans tous les espaces ;
4 - nous croyons que votre succès dans la formation du gouvernement et la capacité de lancer ses travaux dépend de la nécessité de pousser l’initiative de l’Union pour un dialogue national. Un dialogue qui rassemble toutes les forces politiques et la société civile pour parvenir à un consensus autour des principaux thèmes de la phase transitionnelle et la préparation d’élections libres et transparentes dans un délai raisonnable avec l’accélération du parachèvement de la rédaction de la constitution. Mais aussi accélérer l’installation de la commission indépendante de la justice et la haute commission indépendante des médias, de la haute commission indépendante des élections et la révision de l’imprécision des critères adoptés pour la nomination de leurs membres. Il est également nécessaire d’adopter une approche claire et décisive pour lutter contre la corruption au moyen d’un mécanisme indépendant de justice transitionnelle ;
5 – nous mettons l’accent sur l’importance d’aborder la situation sociale à travers un dialogue sérieux sur les dossiers les plus importants avec l’activation de ce qui a été convenu dans le dernier contrat social signé à l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution.
Nous ne manquerons pas de remarquer que l’accélération de révéler la vérité sur toutes les violences et les assassinats, plus récemment l’assassinat du martyr Chokri Belaïd, et la traduction des criminels et ceux qui se tiennent derrière eux devant la justice, permettra de restaurer la confiance au sein des Tunisiens et de renforcer leur unité contre toute tentative de faire glisser le pays dans l’inconnu.
Nous espérons vivement que nos propositions soient prises en compte en fonction de l’intérêt suprême du pays en ce moment critique que vit notre si chère Tunisie.
Que Dieu vous assiste.
Salutations et paix sur vous,
Pour l’Union générale tunisienne du travail
le secrétaire général : Houcine Abbassi
Pour la Ligue tunisienne des droits de l’homme
Le président : Abdessattar Ben Moussa
Pour l’Ordre national des avocats
le bâtonnier : Chawki Tabib