Quelle est la situation en Grèce depuis l’entrée au parlement du parti fasciste Aube Dorée (AD) et avec l’augmentation des agressions racistes au cours de l’été ?
Petros Konstantinou : L’approfondissement de la crise politique et économique après les élections de juin a augmenté la colère populaire. Le gouvernement de coalition avait promis qu’il renégocierait le Mémorandum afin de soulager la situation des gens. Non seulement il ne l’a pas fait, mais il a en outre présenté cet été un vaste plan de privatisations et un nouveau paquet de mesures d’austérité.
La mobilisation contre ces mesures à Thessalonique (la seconde ville du pays) a rassemblé plus de 40.000 personnes. La grève du secteur public du 12 septembre dernier et les dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté le 24 août à Athènes à l’appel du mouvement antiraciste et antifasciste contre la volonté du gouvernement de maintenir les migrants dans des camps de concentration, tout cela sont autant de symptômes de la gravité de la situation sociale.
La crise est en de submerger les partis néolibéraux et favorise le vote en faveur des fascistes. Face à ces derniers, il existe aujourd’hui une gauche forte, avec des organisations syndicales et antifascistes très actives, présentes dans les lieux de travail et dans les rues.
Les sondages d’opinion semblent montrer une augmentation du soutien à ce groupe néonazi…
P.K : Les sondages réalisés par les médias démontrent en effet une augmentation des intentions de votes pour l’Aube Dorée. Mais il faut tenir compte du fait que les médias évitent de les appeler « nazis » ou « fascistes ». Ils présentent AD comme un parti comme les autres et les questions des sondages ne sont pas du type : « Soutenez vous les attaques fascistes contre les immigrés ? ».
Les médias se montrent réceptifs aux provocations et aux messages xénophobes d’AD tandis qu’ils occultent des faits importants. Un seul exemple : il y a quelques semaines, une jeune nazi est mort à Sparte, après plusieurs jours d’hospitalisation à la suite de blessures produites en manipulant un explosif. La police a trouvé dans son domicile 60 bombes, mais aucun média n’en n’a parlé. Ils n’ont pas considéré cela comme un fait relevant.
Les médias mettent à l’arrière plan les attaques fascistes et les actions criminelles de ces gens. Ils offrent des visions partielles ou fausses sur la question, disant qu’il s’agit de la crise, du vide laissé par l’Etat. Mais cela n’est pas vrai. L’Etat est en faveur des politiques racistes, comme des politiques d’austérité, antisociales et anti-ouvrières. Il n’est pas vraiment « absent ». Les médias affirment également que quand le Mémorandum fonctionnera bien, la situation des gens s’améliorera et le fascisme disparaîtra. La réalité est plus complexe ; les attaques contre la classe ouvrière – de « souche » ou immigrée – proviennent des partis de droite et de l’Etat. Il n’y a pas non plus de « vide » ici ; l’Etat soutien les nazis et détruit l’avenir des gens.
Quelle est la position de l’Aube Dorée par rapport à la caste dirigeante ?
P.K : L’AD est financée par des industriels, des patrons, des banquiers, parce qu’ils se servent de cette organisation pour terroriser les travailleurs immigrés – tout particulièrement dans les industries lourdes et de la pêche – ou pour briser les grèves, comme ils l’ont fait à Volos. Cette milice patronale offre en outre aux gros commerçants le « nettoyage » des rues des pauvres, des drogués ou des vendeurs ambulants, en se présentant comme les seuls capables de garantir la sécurité.
Les connexions et la coopération entre l’Aube Dorée et la police sont claires et notoires. Quand les bandes fascistes attaquent un quartier, la police n’y apparaît pas et il n’y a aucune arrestation. La police leur permet d’agresser les immigrés parce que la majorité d’entre eux sont régularisés et qu’elle ne peut donc légalement rien faire contre eux. Beaucoup de pogroms et d’attaques fascistes se passent ainsi. Telle est la façon dont coopèrent les organisations para-étatiques fascistes et les forces de sécurité.
Le Ministre de la Justice, Antonis Roupakiotis, a récemment annoncé le durcissement du Code Pénal pour les actes de violence raciste. Que penses-tu de cette déclaration ?
P. K : L’augmentation des dénonciations sur la coopération entre la police et les agresseurs racistes, ainsi que la montée de la pression exercée par le mouvement antifasciste l’ont forcé à faire ces déclarations. Mais en même temps, il autorise des manifestations nazies et permet aux gros bras de l’Aube Dorée de se rassembler face au camp de concentration pour immigrés de Corinthe et d’organiser des patrouilles autour de lui. Ses propos sont non seulement contredits par les politiques racistes de son gouvernement mais aussi par sa connivence avec l’AD.
Quelle est la situation des immigrés avec ces agressions continues ?
P. K : Ils sont de plus en plus organisés et ont une capacité de résistance admirable. Ce qui s’est passé le 24 août dernier est fantastique : près de 30.000 immigrés ont osé manifester dans les rues, malgré les cordons de policiers, les contrôles d’identité, les autobus venant d’en dehors d’Athènes arrêtés pour les empêcher de poursuivre leur route…
C’était un formidable défi. Une manifestation aussi grande contre la menace fasciste démontre que la colère des immigrés s’est canalisée dans leur auto-organisation. Ca été un choc pour le gouvernement parce qu’il pensait que cela ne pouvait pas se produire.
Comment s’organise le mouvement antifasciste ?
P. K : Il est clair qu’avant les attaques dirigées par des députés d’AD il n’existait pas de véritable mobilisation populaire. Mais en peu de temps on a mis sur pied une organisation décentralisée, présente dans de nombreux quartiers et localités et terriblement active. Et c’est une très bonne chose. Nous sommes en pleine bataille ouverte, mais je convaincu que nous la gagnerons parce qu’il y a de grandes mobilisations, tant de la classe travailleuse dans son ensemble contre les mesures d’austérité, que du mouvement antifasciste contre les politiques xénophobes.