D’après les journaux depuis plusieurs jours, Mélenchon n’aurait pas été le bienvenu cette année à la fête de l’Humanité. En cause, la trop grande place occupée médiatiquement par l’ex-candidat et ses déclarations unilatérales, comme celle annonçant sans discussion préalable la marche du 30 septembre, annonce qui a hérissé le poil des dirigeants communistes et d’une partie du mouvement social.
Que l’on se rassure, tout a été fait ce week-end pour afficher l’unité et la parfaite complicité entre Mélenchon et Laurent, incarnant ainsi les deux forces politiques structurant le Front de Gauche. Pourtant les déclarations n’ont pas toujours été à l’unisson ces derniers jours. Concernant le rôle qu’il entend jouer pour la suite, Mélenchon déclarait humblement « Je suis au patrimoine commun ! »... Pour Éric Coquerel du PG « il incarne et synthétise le Front de Gauche ». Difficile dans ces conditions de faire rentrer Mélenchon dans le porte-parolat collectif du Front de Gauche souhaité par la direction du PCF.
Mais l’essentiel n’est certainement pas là, même si derrière ces bisbilles de personnalités se jouent des positionnements un peu divergents.
Une déception
Que ce soit dans les rangs des directions du PCF, du PG ou dans les colonnes de l’Humanité, tout le monde aura regretté l’absence des dirigeants du PS. Pas grand-monde n’est venu de ce côté-ci, comme en témoigne cette chaise restée vide samedi lors du grand débat entre représentants des différents partis de gauche (débat où était pourtant invité le PS... mais pas le NPA).
Le PCF aurait particulièrement apprécié de voir Martine Aubry ou son récent remplaçant Harlem Désir déambuler dans les allées de la fête, mais seule la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a affronté un public particulièrement remonté sur la question du TSCG que veut imposer le PS.
La déception unanime devant ces absences socialistes illustre bien les préoccupations d’un Front de Gauche assez soucieux dans sa direction de renouer le dialogue avec un PS pourtant vilipendé sur la question européenne.
Une contradiction
Car derrière ces oppositions supposées ou réelles entre dirigeants, le Front de Gauche doit faire face à une tension qui le travaille depuis sa fondation et qui s’est amplifiée depuis l’élection d’Hollande.
Dans le partage des tâches, Mélenchon a le verbe haut, très haut même pour exécuter le gouvernement, les dirigeants socialistes et les « politiques austéritaires » qu’ils entendent mettre en œuvre. Et il est évident qu’il se construit ainsi une image d’opposant à Hollande.
Pourtant, cela n’a pas empêché les députés du Front de Gauche de voter le collectif budgétaire en juillet et même les fameux « contrats de génération » il y a quelques jours. Sans même aborder ici la question des rapports locaux de cogestion avec le PS qui font le quotidien de bien des collectivités locales (régions, communes...).
Aussi, si tous se revendiquent de la formule plus qu’ambiguë de « l’autonomie conquérante », il apparaît que les uns et les autres n’envisagent pas obligatoirement la fin du scénario de la même façon. Dans la suite de sa campagne présidentielle, Mélenchon parie sur l’échec d’Hollande pour apparaître comme un recours, celui qui est prêt à assumer les responsabilités. Du côté du PCF, on se verrait plutôt comme un aiguillon qui, s’appuyant sur les mobilisations, pousserait plus à gauche l’actuel gouvernement.
Une chose est sûre : construire ces prochaines semaines une opposition unitaire de gauche au gouvernement n’est pas à l’ordre du jour de la direction du Front de Gauche. Pourtant, sous le coup de la crise, la pression de la situation sociale risque d’imposer à tous de choisir : soit le ralliement au social libéralisme, soit la rupture franche et nette.
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 162 (20/09/12).
PAS D’ABSTENTION CONTRE L’AUSTÉRITÉ !
Mardi, à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault a tenu son discours de politique générale, un discours en trompe-l’œil qui tente de donner le change. Le Premier ministre n’a cessé de répéter qu’il refusait l’austérité alors que toute sa politique vise, selon ses propres mots, au redressement budgétaire pour mettre fin aux déficits par... l’austérité. Au nom du « réalisme de gauche », Ayrault met en musique le pacte budgétaire de Merkozy, l’austérité imposée à tous les peuples.
La veille, le président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, avait préparé le terrain en annonçant les conclusions de son rapport sur l’audit des finances publiques demandé par Hollande. Le ton alarmiste vise à culpabiliser la population pour lui faire accepter de nouveaux sacrifices au nom de la lutte contre les déficits. D’ici la fin 2012, l’État devra trouver entre 7, 5 et 8 milliards d’économies supplémentaires et 33 milliards voire 40 en 2013. Pour le pouvoir, la conclusion est claire et simple : effort, rigueur, en un mot l’austérité.
Certes, Ayrault a fait le geste de revenir sur certaines mesures les plus injustes de Sarkozy, sa réforme fiscale devrait épargner un peu moins les plus riches. Ces quelques mesures ne peuvent masquer l’essentiel, une attaque sans précédent contre les services publics dont les effectifs baisseront de 2, 5 % par an. Ce seront bientôt deux fonctionnaires sur trois partant à la retraite qui ne seront pas remplacés, le tout accompagné d’un probable gel des salaires.
Ayrault vient de confirmer le choix qu’avait indiqué le dérisoire coup de pouce donné au Smic : se plier aux exigences des marchés, du pacte budgétaire, des classes dominantes. Loin de créer la croissance une telle politique conduit à la récession, à l’aggravation du chômage. Il faut y mettre un coup d’arrêt.
Les députés du Front de Gauche se sont abstenus dans le vote de confiance qui a suivi le discours du Premier ministre, « une abstention constructive » disent-ils. Comment peut-on s’abstenir face à l’austérité ? L’heure est à la préparation de la riposte en construisant une opposition de gauche au gouvernement.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 156 (05/07/12).