Sur le dossier européen, le chef de l’Etat se voit ainsi épargner une révision constitutionnelle incertaine sur un sujet qui divise à droite, mais aussi à gauche. Il pourra donc inscrire dans le droit français cette règle d’or, qui limite à 0,5 % du PIB le déficit public, via une simple loi organique.
Les Sages du Palais Royal s’étaient réunis jeudi pour leur dernière séance d’avant vacances, avec à leur menu deux dossiers copieux : le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », et le premier acte budgétaire du gouvernement Ayrault, la loi de finances rectificatives.
INSCRIPTION DE LA RÈGLE D’OR DANS LES CONSTITUTIONS
Du côté du traité, signé le 30 janvier par 25 des 27 pays européens (sans la Grande-Bretagne et la République tchèque) sur fond de dettes galopantes et de finances en crise, les juges constitutionnels avaient été saisis le 13 juillet par le chef de l’Etat. Le traité recommande l’inscription de la règle d’or dans les constitutions des pays signataires, mais ne l’impose pas.
Nicolas Sarkozy souhaitait cette inscription. Son successeur socialiste, qui s’est rallié au traité après l’ajout, en juin, d’un volet croissance de 120 milliards d’euros, préférait une loi organique. Celle-ci évite en effet d’avoir à trouver une majorité de trois cinquièmes au Parlement, nécessaire pour réécrire le texte fondamental de la Ve République.
Les juges constitutionnels ont notamment observé qu’un taux limitant les déficits publics, à 3 %, figurait déjà dans les traités de Maastricht et Lisbonne. Ils ont donc jugé qu’une telle contrainte n’était pas contraire à la Constitution. Abaisser le taux à 0,5 % ne change en effet pas la nature juridique de la mesure.
PRÉPARER « RAPIDEMENT » UN PROJET DE LOI
Suite à cette décision, François Hollande a demandé au gouvernement de préparer « rapidement » un projet de loi pour ratifier le traité budgétaire européen. Celui-ci doit être ratifié par 12 des 17 pays membres de l’euro pour entrer en vigueur. Plusieurs pays, dont l’Italie et l’Allemagne, ont déjà franchi le pas.
« Un projet de loi est d’ores et déjà en préparation pour autoriser la ratification du traité. Il sera délibéré en conseil des ministres et déposé au Parlement dans les meilleurs délais », a annoncé le ministre des affaires européennes, Bernard Cazeneuve, qui s’est aussi félicité de la décision des Sages, qui « valide l’approche retenue par le gouvernement ». « Cette décision confirme qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire la ’règle d’or’ dans la Constitution, s’est-il réjoui. Nous allons donc procéder ainsi, au moyen d’une loi organique, contrairement à ce que prévoyait le précédent gouvernement. »
LE PARTI DE GAUCHE APPELLE À UN RÉFÉRENDUM
Cette décision « ouvre une nouvelle voie pour la France et l’Europe », a estimé jeudi Martine Aubry, première secrétaire du PS. « Le Parti socialiste se félicite de cette issue, ouvrant la voie à une ratification par le Parlement des décisions actées lors du dernier sommet européen et qui permettront de remettre l’Europe sur les rails de la croissance et de l’emploi », écrit Mme Aubry dans un communiqué. Selon la première secrétaire du PS, « l’objectif de croissance, qui doit aller de pair avec le redressement financier, a été remis au cœur de l’agenda européen avec un plan de relance de 120 milliards d’euros », adopté lors du sommet.
L’ancienne ministre UMP du budget, Valérie Pécresse, a quant à elle estimé que François Hollande et le PS avaient « fait perdre un an à la France et à l’Europe » en raison de leurs « atermoiements » sur la régle d’or. « Le gouvernement du président François Hollande fait fausse route sur le pacte budgétaire. Il en fait une question juridique ou, pire, politicienne – dans ses relations avec Les Verts ou le Front de gauche, déclare l’élue. La France doit s’engager solennellement et rapidement aux yeux de tous dans la voie du redressement budgétaire et de la réduction de la dette, mais aussi des réformes de compétitivité qui seules ramèneront la croissance. »
Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, a déclaré dans un communiqué : « Nous sommes stupéfaits de cette réponse dès lors que le traité Merkozy implique un abandon de souveraineté du Parlement national sur le budget. Nous n’avons pas battu Nicolas Sarkozy pour en arriver là. Il faut un référendum ! » De son côté, Elisabeth Guigou, la présidente PS de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée, a déclaré vouloir que « le Parlement soit rapidement saisi du traité, [...] ainsi que du dispositif global obtenu par la France pour réorienter l’Europe vers la croissance et l’emploi. »
L’ESSENTIEL DU BUDGET RECTIFICATIF VALIDÉ
Le haut conseil avait par ailleurs été saisi par les députés UMP sur la loi de finances, votée définitivement le 31 juillet. Ils contestaient 14 articles, notamment le « détricotage » des heures supplémentaires défiscalisées, de l’aide médicale d’Etat, de l’ISF. Toutes ces mesures du premier acte budgétaire du nouveau gouvernement ont toutefois été jugées conformes.
En revanche, le Conseil s’est saisi de deux autres points. Non pas sur le fond, mais en considérant qu’ils n’étaient pas à leur place dans une loi de finances. Il a ainsi considéré, au nom de la séparation des pouvoirs, que la diminution de 30 % des rémunérations du président et du premier ministre voulue par François Hollande n’avait pas à y figurer. Le gouvernement a toutefois assuré que cette disposition s’appliquera comme prévu. Elle sera fixée « par voie réglementaire dans les plus brefs délais », a précisé l’Elysée. « Le président de la République confirme que la baisse de 30 % des traitements s’appliquera à compter de son investiture et de la nomination du gouvernement », a-t-il ajouté.
Le Conseil a aussi censuré ce qui avait été surnommé l’« amendement Bolloré », imposant une taxe sur la revente de chaînes de la TNT. Il a jugé que la disposition relevait d’une autre législation, celle sur la communication.
Les Sages ont par contre validé la contribution ISF créée par la loi de finances. Mais en avertissant qu’à l’avenir il faudrait prévoir des règles de plafonnement, pour éviter une situation confiscatoire. Comme la contribution était exceptionnelle, ils n’ont pas exigé qu’elle comprenne ce plafonnement.