Cela fait un an que la CGT a fait connaître le plan de fermeture d’Aulnay, SevelNord et Madrid. Depuis, la direction a largement anticipé en liquidant les emplois de centaines de CDD, intérimaires et prestataires et en transférant des productions d’un site à l’autre pour préparer la fermeture d’Aulnay.
La direction ne cache même pas qu’elle a attendu la fin des élections pour annoncer son plan. Et elle en rajoute : Aulnay devrait fermer, Rennes perdrait 1 200 postes, Sochaux près de 600, Poissy près de 900, Vélizy 684. Dans la foulée, chez les sous-traitants et dans les villes, les départements, les régions concernés, des milliers d’emplois dits indirects vont disparaître. Dans l’automobile, dès mars dernier, Carlos Ghosn énonçait : « Si quelqu’un commence à restructurer, cela obligera tout le monde à suivre ». Déjà à Flins, à Douai, il est question de 400 suppressions de postes.
De l’argent, il y en a
PSA invoque la baisse des ventes. Pourtant le groupe a cumulé 10 milliards d’euros de bénéfices depuis dix ans. Il y a un an, le PDG annonçait 11 milliards d’euros de réserves financières. Les actionnaires ont touché 250 millions d’euros en 2011 et PSA a racheté la même année pour 257 millions d’actions Peugeot. Avec cet argent, il y avait de quoi payer les salaires d’Aulnay pendant quatre ans ! Il faut y ajouter les salaires des dirigeants : en 2010, 3 253 700 euros pour Varin, et quatre directeurs autour de 1 300 000 euros.
François Hollande : « J’ai grand respect pour les entrepreneurs qui se battent. »
Séisme, tsunami social : de grandes phrases pour les responsables politiques mais aucune décision concrète. Le gouvernement convoque les PDG, reçoit les syndicats pour discuter de revitalisation industrielle, des aides de l’État, mais accepte son impuissance face à des patrons privés. Même la très insuffisante loi sur l’interdiction des licenciements boursiers est repoussée à plus tard. Des dizaines de milliers de suppressions d’emplois, souvent retardées à l’après-élections, sont programmées. Quant au dialogue social, on sait ce que cela cache : de SevelNord à General Motors en passant par Renault Valladolid ou Fiat Mirafiori, cela consiste en des reculs sociaux sans précédent (perte de jours de congés, flexibilité accrue, blocage des salaires). Car telle est la logique du sommet social de la mi-juillet. Donnant-donnant, diagnostic partagé ne servent qu’à tenter de masquer la guerre sociale rendue incontournable par l’amplification de la crise économique.
Du sommet social, il n’est rien sorti de concret, d’immédiat face à l’urgence sociale. Quant aux pistes ouvertes, on les connaît : non-remplacement de deux départs sur trois (hors éducation et justice) et blocage des salaires dans la fonction publique ; pour le financement de la protection sociale, relèvement de la CSG ; pour l’emploi, de nouveaux emplois aidés par des baisses de cotisations pour les jeunes. Le respect du carcan du paiement de la dette, de la réduction du déficit de l’État, impose la poursuite des reculs sociaux. Le refus de l’intrusion dans les pouvoirs des intérêts privés patronaux, laisse la place aux plans de restructuration destructeurs d’emplois, à l’aggravation des conditions de travail, au développement de la misère. La politique du dialogue social est mortifère pour les salariéEs et les classes populaires.
Construire la riposte
La riposte doit se préparer dès maintenant en s’appuyant sur les mobilisations déjà engagées. Le combat des salariés d’Aulnay ne doit pas être un combat exemplaire mais isolé car la défaite serait inéluctable, et désastreuse pour les salariés de l’automobile, mais aussi pour tous les salariés menacés par des suppressions d’emplois. Chez SFR, Air France, Doux, Arcelor, Carrefour et pour des milliers de salariéEs, et au-delà des frontières, l’enjeu est le même : se battre, coordonner les mobilisations pour imposer par un rapport de forces national, voire international, l’arrêt des fermetures d’entreprises, des licenciements, de la misère sociale. L’interdiction des licenciements, la réduction du temps de travail, nous devrons les imposer par notre mobilisation dans les entreprises, dans les quartiers, dans l’unité des organisations politiques, syndicales, associatives.
Robert Pelletier
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 158 (19/07/12).
PSA, l’heure de vérité
Le temps « normal » de l’industrie automobile européenne depuis 30 ans est celui des restructurations. Après les fermetures des usines de montage de Renault Vilvoorde, Opel Anvers, Fiat Termini Imerese, l’usine de PSA à Aulnay se trouve à son tour menacée de fermeture.
Depuis plus d’un an, alors que les plans de PSA avaient été dévoilés par le syndicat CGT de l’usine, la direction patronale ruse en différant l’annonce. Seul le ministre Montebourg s’interroge encore sur la réalité de cette décision.
Certains opposent le « bon » capitalisme industriel d’antan au capitalisme financier mondialisé d’aujourd’hui. PSA remet les pendules à l’heure : l’actionnaire de référence du groupe est constitué depuis plus d’un siècle par la même famille, les Peugeot. Jusqu’à cet hiver 2012 elle avait refusé toute fusion avec plus gros. Renault satellisé par Nissan ou Fiat recentrant son activité autour de Chrysler ont fait des choix différents.
PSA s’est retrouvé en retard dans la voie de l’internationalisation, comparé, par exemple, à Renault En 2009, 73 % de la production totale de Renault était réalisée hors de France, contre 62 % pour PSA. Pour investir davantage dans les nouveaux pays de conquête automobile, les ressources nécessaires sont à trouver dans le profit réalisé grâce aux travailleurs des usines européennes. Jamais, en 2012, les firmes automobiles n’auront, dans le monde, produit et vendu autant de voitures. Tant pis pour le dérèglement du climat et tant mieux pour les profits !
PSA a conclu une alliance avec General Motors en mars 2012. Arrivée de GM dans le capital de PSA, plans des bureaux d’études échangés, achats mis en commun, logistique partagée, et restructuration coordonnée des appareils de production en Europe : cette alliance se fixe comme objectif encore plus de suppressions d’emplois et de fermetures d’usines. Autant être prévenus !
Toutes les usines sont concernées. PSA Rennes est menacée par le déplacement de la production du véhicule successeur de la C5 à Opel Russelheim. La fabrication des petits modèles fabriqués à Russelheim devrait être déplacée à Ellesmere Port en Grande-Bretagne ou Gliwice en Pologne. L’usine Opel de Bochum fermerait. La fabrication des moteurs à PSA Tremery pourrait être mise en concurrence avec Opel à Kaiserlautern. L’usine de boîte de vitesses de GM à Strasbourg est mise en vente.
Après plus d’un an d’enfumage, la direction de PSA n’a pas encore dévoilé tous ses plans. En attendant, PSA laisse fuiter dans la presse économique des informations sur l’état de ses finances justifiant des mesures encore plus violentes contre les salariés. Intox ou pas, il est sûr que c’est un chantage pour faire accepter encore plus de suppressions d’emplois et quémander quelques nouvelles subventions publiques.
Le journal La Tribune parle même de risque de faillite. Chiche ! Aux appels au secours de la famille Peugeot, la seule réponse qui conviendrait est celle de son expropriation. Car des milliards d’euros, il y en a, à l’abri dans des holdings financiers mis en place pour contrôler dans l’opacité les activités industrielles. En 2007, quelques mois avant l’irruption de la crise, 40 % du bénéfice de PSA a été distribué en dividendes aux actionnaires, en grande partie directement versé à la famille Peugeot. Il a été suffisamment reproché au gouvernement Sarkozy d’avoir renfloué les banques au plus fort de la crise pour tolérer aujourd’hui de nouveaux sauvetages de ce type.
L’urgence est bien à la construction de la riposte pour empêcher l’application des plans de la direction de PSA. Le rassemblement devant le siège de PSA à Paris, le 28 juin, témoigne d’une progression de la mobilisation parmi les salariés d’Aulnay, d’une expression de la solidarité s’étendant aux autres usines du groupe PSA en France et en Espagne, et de message adressé par les travailleurs d’Opel Bochum eux aussi confrontés à la menace de fermeture de leur usine. En retour, le message adressé par la CGT de l’usine PSA de Mulhouse aux salariés Opel de Bochum témoigne de l’intérêt à tisser ces liens d’information et de soutien par-delà les firmes et les pays.
La direction de PSA attend la mi-juillet et les congés pour enfin rendre public son plan. Cette manœuvre ne suffira pas à étouffer la construction de la riposte. Une grève imprévue des intérimaires de la peinture a réussi à bloquer près de la moitié de la production de l’usine, exemple de résistance des salariés non inscrite dans les plans de ceux qui dirigent.
La fermeture annoncée de l’usine d’Aulnay peut, au-delà de l’usine, du groupe PSA et du secteur automobile, cristalliser l’urgence à coordonner les luttes, à lutter ensemble contre les licenciements et les suppressions d’emploi. C’est un objectif à construire, dès maintenant.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 157 (12/07/12).