Voilà un accouchement qui aura été des plus difficiles... C’est avec une semaine de retard, le 6 juin, que le projet pour 2007 aura été adopté par le bureau national du Parti socialiste. Hormis l’abstention des amis de Jean-Luc Mélenchon ainsi que d’Arnaud Montebourg, et l’hostilité affichée par Gérard Filoche et Marc Dolez (dont le contre-projet et les amendements n’auront même pas été pris en compte), tous les éléphants se seront retrouvés sur ce document-cadre.
Aucun n’aura manqué de souligner l’ancrage à gauche de leur formation. Certes, ils se seront bien gardés de suivre Ségolène Royal dans l’éloge du modèle blairiste et dans l’appel à cet « ordre juste » qui s’inspire... de la dernière encyclique de Benoît XVI. Il n’en reste pas moins que ce texte se révèle le plus à droite que le PS ait adopté depuis 1971.
Sur le plan de l’analyse, comment ne pas relever les odes à la mondialisation libérale, dont l’on va jusqu’à vanter « la part de lumière et d’espérance » ? Comment ne pas prendre la mesure de l’ignorance délibérée de la misère qui frappe des millions d’hommes et de femmes, ou encore de la précarisation massive du travail ? Comment s’aveugler devant la mise en valeur d’une perspective qu’un François Bayrou pourrait s’approprier sans la moindre difficulté : « La France doit reprendre confiance en elle-même, apaiser ses tensions intérieures et concentrer son énergie sur la construction de son avenir » ? Comment passer à côté de la dénonciation des « vieilles recettes éculées du changement de modèle », qui prétend laisser aux libéraux et à Sarkozy l’idée de « rupture » pour lui préférer celle de « modernisation d’inspiration sociale » ?
Très logiquement, si la retraite à 60 ans est évoquée du bout des lèvres - on a échappé de justesse à la « retraite à la carte », chère au Medef -, rien n’est dit sur le taux de remplacement, sur le nombre d’annuités nécessaires pour en disposer à taux plein, sur l’indexation sur les salaires ou sur le financement. Rien non plus sur les licenciements boursiers, la lutte contre le droit patronal de licencier, le retour au CDI comme contrat unique de travail (seule l’abrogation du contrat nouvelles embauches est annoncée). Rien sur le retour dans le service public des secteurs privatisés depuis vingt ans (à l’exception d’EDF et de la promesse d’un « pôle public de l’énergie », qui se garde toutefois bien d’aborder la douloureuse question de la possible fusion prochaine entre GDF et Suez). Rien sur la redistribution des richesses pour, par exemple, reprendre au capital les centaines de milliards qu’il a dérobés aux salariés depuis des années. Rien sur la mise à bas de la monarchie présidentielle telle que la consacre la Ve République, ni sur la remise en cause des traités libéraux qui ont fait de l’Union européenne une machine à broyer les droits et acquis du monde du travail. Pas de doute : celles et ceux qui seront descendus dans la rue, ces dernières années, ne trouveront guère d’échos à leurs revendications.