MOSCOU — L’opposant russe Oleg Cheïn, en grève de la faim depuis 28 jours pour dénoncer un scrutin local controversé, s’est dit jeudi prêt à mourir, devenant un point de ralliement pour l’opposition au lendemain d’une fronde de députés contre Vladimir Poutine.
Interrogé par le quotidien Kommersant, M. Cheïn, candidat malheureux à la mairie d’Astrakhan (sud-ouest) le 4 mars, a affirmé être « prêt » à mourir si nécessaire et a assuré qu’il ne s’alimentera qu’en cas « de nouvelle élection propre et honnête ».
Selon lui, 15 à 20 personnes refusent de se nourrir dont quatre, y compris lui-même, sans interruption depuis le 16 mars.
Le chef de la commission électorale, Vladimir Tchourov, figure honnie de l’opposition, a promis de se pencher sur cette affaire si la grève cessait, qualifiant ce mouvement d’« absurde et inutile ».
« Annuler le résultat du vote n’est pour le moment pas envisageable », a-t-il déclaré devant la presse à Moscou.
Néanmoins, en signe de conciliation, M. Cheïn a indiqué accepter de boire du jus de fruits, avant de revenir sur sa décision quelques heures plus tard.
Ce geste « a été considéré par une partie des autorités comme un signe de faiblesse », a déclaré M. Cheïn, cité par l’agence Ria-Novosti, précisant qu’il n’allait boire désormais que de l’eau.
Ce mouvement de contestation a gagné la scène nationale mercredi lorsque les grévistes ont reçu le soutien des députés du parti Russie juste de M. Cheïn.
Ceux-ci ont quitté la Douma (chambre basse du parlement) pour protester contre des propos du Premier ministre et président élu Vladimir Poutine, un affront sans précédent.
L’homme fort de la Russie, qui sera investi le 7 mai à la présidence et dressait le bilan de son action à la tête du gouvernement devant les députés, avait jugé « bizarre » que l’opposant fasse une grève de la faim au lieu de se pourvoir en justice.
M. Cheïn a expliqué n’avoir pu déposer sa plainte que cette semaine, les autorités ayant longtemps bloqué l’accès aux enregistrements filmés officiels prouvant, selon lui, les fraudes.
« Nous ne sommes pas fous, si nous n’avons pas ces vidéos, nous n’avons aucune chance de gagner », a-t-il relevé en référence aux webcams équipant tous les bureaux de vote, à l’initiative de M. Poutine qui voulait ainsi prouver l’absence de falsifications.
L’affront orchestré par Russie juste s’ajoute à un mouvement de contestation inédit depuis l’arrivée à la tête du pouvoir de M. Poutine en 2000, déclenché par les législatives controversées de décembre.
Ce parti, après avoir travaillé pendant des années main dans la main avec le régime, a critiqué ces derniers mois les autorités.
L’action de M. Cheïn est dès lors devenu un point de ralliement pour l’hétéroclite coalition d’opposition qui depuis la présidentielle le 4 mars a donné des signes d’essoufflement.
Plusieurs groupes sur des réseaux sociaux, fers de lance de la mobilisation entre décembre et mars, appellent ainsi les Russes à se rendre à Astrakhan samedi pour y participer à une grande manifestation. Un appel à un rassemblement de solidarité le même jour à Moscou a été lancé jeudi.
Le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, la présentatrice de télévision Ksenia Sobtchak - fille du défunt maire de Saint-Pétersbourg et mentor de M. Poutine-, Ilia Iachine, responsable du mouvement libéral Solidarnost et Sergueï Oudaltsov, un militant d’extrême gauche, ont tous apporté leur soutien à M. Cheïn.
Le député de Russie juste Dmitri Goudkov a demandé à toute l’opposition de soutenir les opposants d’Astrakhan.
« Vous demandiez que faire après la place Bolotnaïa (lieu de la première manifestation anti-Poutine, ndlr), venez à Astrakhan, profitez du beau temps, de la bonne compagnie et de la lutte contre les escrocs qui volent les suffrages », a-t-il écrit sur le site de la radio indépendante Echo de Moscou.
Antoine LAMBROSCHINI (AFP)