La gauche antilibérale doit se rassembler afin de proposer pour 2007 un
projet unitaire de transformation sociale. Le mouvement contre
l’aggravation
de la précarité en souligne l’urgence. Il faut mettre fin aux politiques
libérales, au démantèlement social, à la stigmatisation aggravée des
immigrés, à la dérive autoritaire ; et ouvrir une autre perspective.
Depuis plusieurs années, mobilisations sociales et votes sanctions ont
contesté ces politiques patronales et gouvernementales sans les mettre
durablement en échec. Les politiques des majorités de gauche plurielle
n’ont
pas été celles de la droite. Toutefois, dominées par le
social-libéralisme,
elles ne sont pas revenues sur les dégâts antérieurs et elles y ont
ajouté
leurs propres renoncements. L’urgence de battre la droite se conjugue
avec
la nécessité de proposer des alternatives contre toutes les formes
d’oppression, de domination et d’exploitation.
Le Non populaire majoritaire du 29 mai a révélé des potentialités.
L’exceptionnelle mobilisation actuelle les confirme. Le libéralisme ne
fait
pas recette parmi nos concitoyens. Il tire surtout sa force de
l’inconsistance politique qui lui a été opposée sur fond de dégradation
des
rapports de forces sociaux inhérents au chômage de masse et à la
mondialisation capitaliste ; et de désarroi idéologique découlant des
échecs
des tentatives passées de transformation sociale.
L’antilibéralisme peut être majoritaire dans l’électorat de gauche et
dans
le pays. Voulons-nous concrétiser cette possibilité ? Après le 21 avril
2002 et le 29 mai 2005, de nombreux citoyens recherchent des
perspectives
alternatives. Les principales forces politiques de la gauche
antilibérale
doivent y apporter des réponses communes.
Il ne s’agit pas de refaire la « gauche plurielle » avec un gouvernement
sous domination social-libérale. Dire cela n’induit aucune ambiguïté
quant à
la nécessité de chasser la droite au deuxième tour en votant pour le
candidat de gauche le mieux placé, ce qui n’implique pas un accord de
gouvernement.
Peut-on rassembler la gauche sur une base antilibérale ? Si on ne peut
imaginer convertir la direction du Parti Socialiste - sans parler des
Radicaux de Gauche - à la rupture avec le libéralisme, il est en
revanche
possible de changer la donne à gauche, d’y battre le
social-libéralisme, d’y
faire prévaloir une orientation de rupture avec le capitalisme libéral.
Il
faut pour cela construire une dynamique politique et citoyenne.
Lors de la campagne référendaire, un rassemblement populaire majoritaire
s’est construit autour du rejet de la Constitution européenne. Alors
même
que la représentation politique et médiatique dominante y était
favorable,
il a été rejeté par une majorité de nos concitoyen/ne/s et de
l’électorat de
gauche. C’est de là qu’il faut partir pour changer les rapports de
forces au
sein de la gauche et dans le pays. Les échéances électorales de 2007
sont
une étape déterminante pour y parvenir.
La gauche antilibérale doit chercher à transformer le rejet majoritaire
du
libéralisme exprimé le 29 mai en prééminence à gauche des options
antilibérales. Pour cela, formulons un ensemble de propositions,
radicales
et crédibles, pour rassembler toutes celles et tous ceux qui ont
intérêt à
la transformation sociale et impulsons une réappropriation démocratique
des
choix sociaux par les citoyens. Des propositions communes sont déjà
débattues dans les organisations, les collectifs, les forums unitaires.
Si
la volonté politique existe, un accord programmatique est possible.
Mais, à la différence d’un référendum et s’agissant d’élections
présidentielles et législatives, un projet politique ne peut devenir
majoritaire sans le rassemblement qui le porte. Le 29 mai n’a pas
intronisé
automatiquement les forces éclatées de la gauche antilibérale comme
alternative sérieuse. Leur concurrence en 2007 les conduirait à des
scores
de témoignages. La déception renverrait une fraction de l’électorat
populaire vers l’abstention, une autre choisirait sans doute le " vote
utile
« pour » battre la droite " dès le premier tour, quand d’autres
s’égareraient dans les illusions de la « rupture » version droite
musclée.
Si l’alternative n’est pas réellement crédible, le néo-libéralisme et le
social-libéralisme, un temps ébranlés, seront remis en selle par défaut.
Pour la gauche antilibérale, dispersion et atomisation, déclin ou
marginalisation, reprendraient leurs cours. Une occasion aurait été
gâchée,
sans doute pour longtemps.
Lors de la campagne référendaire, le rassemblement a pu se faire,
notamment
grâce à l’ « Appel des 200 », parce qu’il était construit autour d’une
plateforme bâtie sur ce qui rassemble (tout en poursuivant les débats
sur
les différences), et associait différentes sensibilités politiques, des
militants associatifs, syndicaux et des citoyens inorganisés. La même
dynamique n’aurait pas pu se développer autour d’un courant politique
particulier. Des dizaines de milliers de personnes ont pu s’impliquer
parce
qu’elles n’avaient pas à choisir entre les différentes sensibilités
politiques présentes. Ne l’oublions pas.
Le rassemblement antilibéral est à concrétiser, en créant une dynamique
autour d’une élaboration de propositions communes, d’un débat citoyen
qui
s’en empare, d’un rassemblement unitaire qui les porte, Il n’est pas
difficile d’imaginer un collectif de portes-paroles et un accord pour
les
législatives. Choisir qui figurera sur le bulletin de vote à la
présidentielle soulève une difficulté tant sont forts le caractère
central
de cette élection dans la V° République et l’enjeu identitaire qu’il
représente pour toute formation politique. Il faut dépasser la
tentation de
chaque parti de présenter son propre candidat. Pour cela, il faut
discuter
tout de suite du contenu programmatique pour des candidatures unitaires
en
2007, afin de décider, le moment venu, quelles sont les personnalités
les
mieux à même d’incarner le rassemblement de toutes les forces de la
gauche
antilibérale et de porter les propositions communes.
Celles et ceux qui souffrent des politiques libérales ont un besoin
urgent
de ce rassemblement politique, de résistance anticapitaliste et de
transformation sociale, évitant l’enfermement dans une contestation sans
perspective ou la satellisation par le social-libéralisme. Ce pôle
antilibéral, porteur des aspirations populaires, ne peut se cantonner
aux
seules luttes sociales. Il doit aussi s’affirmer dans le champ
politique. Il
n’y aura de changement qu’en combinant dans la durée mobilisation
sociale et
action politique. La gauche antilibérale doit maintenant prendre ses
responsabilités.