« Justice est faite » s’est exclamé 0bama en annonçant le 1er mai devant toutes les télévisions du monde qu’Oussama Ben Laden avait été tué d’une balle dans la tête par un commando américain au Pakistan. Le corps a été jeté à la mer, les photos de la dépouille sont secret défense…
Il s’agit là de la vengeance érigée en politique d’État, la loi du talion.
Bush s’est empressé de se réjouir de cette « victoire pour l’Amérique », Sarkozy a salué un « événement majeur de la lutte mondiale contre le terrorisme », alors que le ministre des Affaires étrangères italien vantait « la victoire du bien contre le mal » et qu’Angela Merkel se réjouissait... La grandiloquence des propos est pour le moins ridicule et dérisoire venant de la plus grande puissance mondiale et de ses alliés auxquels il aura fallu dix ans pour venir à bout de l’homme jugé responsable des attentats du 11 septembre 2001. Les dirigeants des grands États ne sont pas aveuglés par leur propre propagande au point de croire un seul instant que la mort de Ben Laden puisse enrayer la révolte et la violence qu’engendre leur propre politique. Elles connaissent bien les causes et les mécanismes à la source du terrorisme dont elles sont largement responsables. L’objectif de la liquidation de Ben Laden est ailleurs, c’est un acte de propagande tant à usage intérieur qu’international.
Une créature de l’impérialisme
Il ne s’agit pas de verser la moindre larme sur Ben Laden. Les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New York ne servaient en rien les intérêts des peuples opprimés. Bien au contraire, ils donnaient des armes à l’impérialisme pour justifier sa politique militariste, donner une crédibilité au mythe du choc des civilisations. Ils témoignaient du mépris de Ben Laden et d’Al Quaida pour la vie des hommes, un mépris tout aussi grand que celui des États qu’ils prétendaient combattre.
Ben Laden n’était-il pas d’ailleurs leur créature ? Enfant de la bourgeoisie, il fréquente les milieux intégristes et fait ses premiers pas dans le terrorisme sous la houlette des services secrets américains en Arabie saoudite. Il se met à leur service aux côtés des talibans contre les armées de l’URSS qui occupent alors l’Afghanistan. Après la guerre du Golfe et l’envoi massif de troupes américaines en Arabie saoudite, il se retourne contre ses anciens maîtres utilisant ce qu’ils lui avaient appris. Celui que les soldats américains ont tué n’était sans doute plus qu’un mythe entretenu par les agences de propagande impérialistes.
Une victoire pour Obama, pas pour les peuples
L’opération décidée et dirigée par Obama, nommée de façon provocatrice « Géronimo » lui vaut une nouvelle popularité. En difficulté à cause de sa politique économique au service des banques et de la finance contre la population, sa « victoire » lui donne un nouveau soutien populaire. Mais à quel prix ? Lui qui avait représenté la rupture avec la guerre de civilisations de Bush et la propagande contre l’axe du mal se retrouve dans la même posture que son ancien adversaire. Les illusions sont finies. Il se donne, face à ses détracteurs républicains, l’image d’un authentique patriote en se revendiquant d’« une seule nation bénie de Dieu, indivisible et vouée à la liberté et à la justice pour tous ». Ces propos réactionnaires ont suscité dans une partie de l’opinion américaine des manifestations de joie aveugle et de nationalisme au cri de « USA ! USA ! »
En commanditant la mort de Ben Laden, Obama a non seulement commencé sa campagne électorale pour l’élection présidentielle mais il a surtout donné des gages aux classes dominantes et à l’appareil d’État américain, au Pentagone, au moment où les tensions internationales augmentent et où les USA sont confrontés à la montée révolutionnaire dans le monde arabe.
Solidarité entre les peuples
Il serait naïf de croire que la mort de Ben Laden va mettre fin à la guerre en Afghanistan. La traque de Ben Laden n’était qu’une justification pour une guerre qui visait à assurer le contrôle des USA sur une région stratégiquement décisive. Le retrait des troupes annoncé pour 2011 n’aura pas lieu avant… 2014. Dix ans après le 11 septembre, les USA et la quarantaine de pays de l’Otan s’enlisent dans la guerre en continuité avec celle d’Irak pour préserver leur domination sur le monde. Le Pakistan dont le chef des armées vient de demander la réduction des troupes américaines sur son territoire est encore plus déstabilisé. L’opération ne peut qu’attiser la haine pour les USA de la part de millions d’hommes et de femmes victimes de la politique des grandes puissances qui souffrent du pillage de leurs richesses, de l’humiliation même s’ils ne voient pas en Ben Laden un martyr de leur cause.
Le déferlement de propagande des grandes puissances voudrait affirmer leur force en particulier face à la révolte des peuples du monde arabe pour la démocratie et la liberté, pour leur droit à l’autodétermination, à décider de leur propre sort contre tous les dictateurs et les terroristes qui veulent les soumettre. Un espoir qu’elles voudraient faire disparaître.
Yvan Lemaitre
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 102 (11/05/11).
COMMUNIQUÉ DU NPA. BEN LADEN MORT, LES GUERRES IMPÉRIALISTES RESTENT.
Les révélations successives qui sortent aujourd’hui sur l’opération menée par un commando américain au Pakistan montre bien qu’il ne s’agissait pas de rendre justice comme l’a prétendu Obama, mais de liquider Ben Laden et de faire disparaître son corps.
Le gouvernement américain a supprimé celui qui fut son allié contre l’intervention militaire soviétique en Afghanistan.
Il ne s’agit pas de verser une larme sur Ben Laden. Les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center ne servaient en rien les intérêts des peuples opprimés. Ils ont fait au contraire des milliers de victimes innocentes et ils ont donné un prétexte aux Etats-Unis, aux pays impérialistes pour mener une politique d’intervention militaire.
Ben Laden mort, les guerres impérialistes restent pour le contrôle des ressources énergétiques et naturelles, ainsi que des positions stratégiques.
Il faut mettre fin à la guerre en Afghanistan et les armées de l’OTAN doivent partir, comme les soldats américains d’Irak. La France doit retirer ses forces armées d’Afghanistan.
L’espoir aujourd’hui, pour les peuples qui souffrent de la crise économique du système capitaliste et des dictatures, se nomme révolution arabe. De la Tunisie au Yémen, en passant par la Syrie, avec beaucoup de courage, le peuple s’est levé pour exiger la liberté, la démocratie, le droit au travail et au partage des richesses. En Tunisie et en Egypte, par exemple, les grèves se multiplient, des syndicats indépendants du pouvoir en place se forment.
Et tout cela n’a rien à voir avec Al Quaida.
Le 4 mai 2011