Présidente de l’association féminine Tighri Ntmettouth de Tizi Ouzou, Nabila Djahnine est assassinée dans la matinée du 15 février 1995. Elle avait 29 ans.
Elle est issue d’une famille populaire de Bejaïa, qui lui a enseigné l’ouverture d’esprit et l’a mise en contact avec le monde militant. Elle se radicalise très vite quand la vague obscurantiste qui submerge le pays menace d’emprisonner sa propre vie. Elle rejoint le PST vers la fin des années 80.
Etudiante à Tizi ouzou, elle contribue à la fondation du Syndicat national des étudiants algériens qui s’était constitué après la grande grève générale de 87.
Elle prend une part active au travail de construction du deuxième séminaire du Mouvement Culturel Berbère, en 1989, qui fit émerger le MCB comme acteur essentiel de l’ouverture politique.
Membre de la commission femmes de son parti, elle est parmi les membres fondatrices de l’AEF (association pour l’émancipation de la femme) et construit l’association de Tizi ouzou, Tighri ntmettouth (le cri de la femme) qui essayait de faire parvenir le message de l’émancipation jusqu’aux villages les plus enclavés sans déserter les étudiantes de Mdouha ou les travailleuses.
Membre de la direction de ville de Tizi ouzou, elle n’hésitait pas à faire face à une société particulièrement conservatrice.
Elue à la direction du PST en mai 1991, elle s’investit activement dans les débats consécutifs à la victoire électorale du FIS et se retire de son parti au courant de l’année 92 pour se consacrer à son activité féministe locale et à son travail d’architecte.
Après le meurtre de la jeune Katia Bengana, lycéenne de Meftah, tuée le 28 octobre 1994 pour avoir refusé le diktat vestimentaire des intégristes, le lâche assassinat de Nabila a eu un impact considérable parmi celles qui n’avaient pas déserté l’Algérie dangereuse des années 90,
Car elle était de celles qui ont continué à vivre, à circuler, à travailler, à militer refusant d’abandonner les espaces que les femmes avaient conquis dans une Algérie qui restait dominée par le conservatisme patriarcal,
Elle était de celles qui avaient continué à rêver à haute voix d’un avenir meilleur qui bannisse l’oppression des femmes mais qui abolisse aussi l’exploitation sociale et l’oppression politique.
A Katia, à Nabila, à ses adorables parents tous deux morts de tristesse quelques mois après leur fille, et à celles qui ont résisté et tenu à leurs valeurs malgré la peur, nous disons merci pour la part de notre liberté que vous avez préservée. Nous leur devons aussi de continuer le combat contre l’oppression.
Nabila tighri inem naslat, ton cri nous l’avons entendu.