Ouvert par les énièmes gesticulations sarkoziennes, le 40e Forum de Davos se clôt sur un consensus. C’est promis, à l’avenir grands patrons et banquiers feront encore mieux … que par le passé.
Le WEF n’est pas censé prendre de décisions. « Le rôle de Davos n’est du reste pas de délivrer des solutions, mais d’en préparer les germes », dit, fort à propos, Patrick Odier, le patron des banquiers suisses.
Maîtres de cérémonie
Pour les poser, ces germes, le Forum avait confié la célébration de la grande messe à cinq maîtres de cérémonie. Ils étaient censés do aux sessions plénières que complètent par ailleurs les fastueux repas organisés soir après soir par les divers sponsors.
Etaient ainsi appelés à officier cinq personnages. Leurs fonctions ne laissaient aucun doute sur les options qui sont les leurs, à commencer par Joseph « Jo » Ackermann du directoire de la Deutsche Bank, celle là-même qui, à l’automne 2008 a transfère plus de cent milliards d’euros des coffres publics vers ceux, privés, des grandes banques allemandes.
Le secondaient dans la tâche, Melinda Gates, épouse de Bill, l’indien Azim Premji, le britannique Peter Sands, CIE de Standard Chartered Bank -banque active dans plus de 70 pays et qui emploie quelques 73’000 salariés-, ainsi que les étasuniens Ronald Williams et Patricia Woertz.
Azim Premji est le patron de Wipro Technologies Ltd, basée à Bangalore. Active dans le domaine des technologies de l’information, mais pas seulement, elle emploie presque 100’000 salariés. Elle est accusée en France de « détournement social de biens publics ». En 2009, après avoir bénéficié d’une aide publique de 5,2 millions d’euros dans le cadre du plan gouvernemental de relance de l’économie, elle a subitement et brutalement fermé son site de Sophia-Antipolis dans les Alpes maritimes condamnant ainsi au chômage une soixantaine de salariés.
Un capitalisme … durable
Ronald Williams est, lui, le DG d’AETNA Inc., entreprise spécialisée dans tout ce qui concerne l’assurance et en particulier l’assurance maladie. A ce titre, elle participe au capital de nombreuses industries pharmaceutiques aux USA et détient des succursales spécialisées dans le domaine des biotechnologies en Chine et au Japon.
Et pour finir, Patricia Woertz est présidente et directrice générale d’Archer Daniel Midland, société qui investit dans les agro-combustibles et dans la production agricole. Présente dans une trentaine de pays, parmi lesquels l’Argentine, le Brésil et la Côte d’Ivoire, ADM détient 270 usines spécialisées notamment dans la transformation du soja et du cacao.
C’est donc emmenés par ces éminents connaisseurs de leurs propres intérêts que les quelques 2’500 participants se sont attelés à la tâche qui était celle de cette quarantième édition du WEF, celle qui consistait « à repenser, redessiner et reconstruire la durabilité du capitalisme ».
Comme le capitalisme est, par définition, fondé sur l’accumulation et la valorisation des capitaux privés, la question qu’ils se sont posée à Davos est bel et bien celle de savoir comment continuer à accumuler, toujours plus, toujours plus longtemps.
Le passé récent leur ayant prouvé que les rodomontades à la Sarkozy -et même à la Obama- ne durent que le temps d’un discours, les leaders autoproclamés de cette planète ont posé les germes dont parlait Patrick Odier. Les solutions qui en résulteront seront celles qui devraient, encore et toujours, les avantager. Comme jusqu’ici.
L’accumulation passera aussi par l’extension des droits des multinationales, sur la nature, sur le vivant. Sans oublier le renforcement de la mainmise privée, celle des mêmes compagnies, sur le domaine de la santé et de l’assurance maladie. Voilà leur manière d’assurer les profits. Quant aux pertes, ils voudront encore les socialiser, nous les faire payer, comme avec les 14’000 milliards de « plans de relance » qu’ils nous ont pris depuis l’automne 2008.
Lors de la session du 30 janvier, de Jo Ackerman à Dominique Strauss-Kahn, ils l’ont tous réaffirmé en chœur : « certes, la croissance est au rendez-vous (…) mais elle sera cependant trop anémique pour empêcher un accroissement du chômage ». Il est fondé sur la croissance, celle des profits et du chômage, le capitalisme durable !
Ne pas attendre les fruits
Cette année encore, les manifs contre le WEF ont été limitées, criminalisées. C’est donc dans les batailles concrètes contre les solutions que Davos aura engendrées qu’il faudra se manifester.
En s’appuyant aussi sur un projet de rupture avec le capitalisme, un projet à construire ensemble. Car il ne pourra durer que si on les laisse faire.
Paolo Gilardi