Sans surprise, l’affaire autour d’Ilhem a révélé les incompétences ou le manque d’objectivité de certains médias. Quand une radio de grande audience annonce que le NPA a fait le choix de présenter aux élections une « intégriste musulmane portant la burqa », on n’est plus dans l’info mais bien dans l’intox. Quoique l’on pense de sa candidature, il vaut mieux partir de la réalité. Ilhem porte un foulard et pas une burqa. Elle marque sa croyance religieuse, mais elle proclame son accord avec les principes fondateurs du NPA basés sur l’anticapitalisme, l’antiracisme, le féministe et la laïcité. Rien à voir avec l’intégrisme. Les mêmes
savent faire preuve de plus de nuance en faisant la différence entre Gaillot et Benoît XVI quand il s’agit des cathos.
Relayée par exemple par un Mélenchon mal inspiré, la thèse du « coup politique » a connu un certain succès. En réalité, la direction du NPA a été obligée de gérer dans l’urgence le contre-coup d’une secousse dont l’épicentre est localisé dans le Vaucluse. C’est le Figaro, relayé par tous les médias, qui a fait le choix de braquer les projecteurs sur une de nos 2000 candidat-e-s.
Les porte flingue de Sarkozy n’y sont pas allés de main morte. Ne concevant la communication politique que comme de la manipulation, Xavier Bertrand y a logiquement vu... la manip chez Olivier Besancenot. Nadine Morano a dénoncé « un coup médiatique contre les valeurs de la République ». Valeurs de la République auxquelles elle attribue tout de même un sens particulier quand tout récemment elle exhortait les « musulmans à enlever leur casquette », participant d’un climat islamophobe et raciste détestable. Le gouvernement est un expert en manipulations de toutes sortes. Le débat nauséabond sur l’identité nationale dont l’un des buts est de faire oublier le chômage, les licenciements, la crise écologique en est un exemple.
Pas de problème en revanche quand le chef de la meute, à la fois président de la République et chanoine de Latran, reçoit le Pape en grande pompe et lui tombe dans les bras ou quand il se signe en public dans le cadre d’un voyage officiel. Pas de problème non plus quand la très bigote et homophobe Boutin brandit la Bible à l’Assemblée nationale.
PS et PCF ne sont pas en reste. La socialiste Aurélie Filipetti nous invite à relire Marx. Ce ne serait pas mal qu’elle ne se contente pas de le feuilleter mais qu’elle le lise entièrement, ce qui lui permettrait de comprendre à la fois les causes profondes de la crise majeure du capitalisme et l’insipidité des réponses du PS. Il faut par ailleurs rendre à Marx, ce qui est à Marx. Très utilisée, la citation « la religion est l’opium du peuple » est tronquée. En réalité, celui-ci disait : « La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. (...) L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu’il renonce aux illusions sur sa situation c’est exiger qu’il renonce à une situation qui a besoin d’illusions ». On voit que l’idée est un brin plus sophistiquée.
Mais sur la question de la laïcité, on croit rêver ! N’est-ce pas le Parti socialiste qui a subventionné main dans la main avec le droite à coups de millions d’euros les écoles privées confessionnelles, notamment catholiques ?
Faussement désintéressé, Pierre Laurent, le futur numéro 1 du PCF a déclaré ne pas vouloir se « mêler des affaires internes du NPA », mais pour ajouter immédiatement que les féministes de notre parti « ont sans doute dû être désarçonnées par ce type d’utilisation ». Peut être faut-il y voir la marque de l’expérience quand on sait qu’à Échirolles (Isère) siège, pour le compte du PCF, une élue portant le foulard. Quant à Martine Aubry, elle ferait bien elle aussi d’être plus prudente car à Échirolles, il s’agit d’une majorité municipale d’union de la gauche et à Creil (Oise), c’est une élue socialiste qui est concernée. Vont-il demander leur démission ?
Au bout du compte, nous prenons la mesure de l’ensemble de ces attaques sans toutefois nous vivre comme une citadelle assiégée. Le NPA y fait face ensemble, tout en assumant un débat approfondi, aussi nécessaire que public.
Fred Borras
* Paru dans Hebdo TEAN # 42 (11/02/10).
MISE AU POINT D’YVAN ZIMMERMANN TÊTE DE LISTE DU NPA EN ALSACE À PROPOS DE LA CANDIDATE VOILÉE DU VAUCLUSE
Dimanche 7 février 2010
Le gouvernement a installé un climat nauséabond antimusulman au travers de son débat sur l’identité nationale prolongé par la loi sur la burqa et des attaques contre les jeunes des quartiers.
Pour les élections régionales, Sarkozy ne pouvant pas parler d’insécurité sans juger sa propre politique a préféré frapper encore plus bas : le racisme.
A travers cela il essaie de détourner l’attention de sa politique anti-ouvrière qui met au chômage des centaines de milliers de personnes notamment des jeunes pendant qu’il veut forcer les anciens à se tuer au travail encore plus longtemps en repoussant l’âge du départ en retraite.
Les camarades du NPA du Vaucluse ont voulu répondre à leur manière à ce climat en présentant une militante voilée. C’est leur choix qui ne relève que d’eux-mêmes puisque le NPA n’a pas encore statué sur cette question.
Notre parti est en effet aux côtés de toutes les femmes en France et dans le monde qui veulent se libérer de toutes les discriminations qui visent à les rendre inférieures que ce soit au travail, à la maison ou dans les domaines sociaux, religieux ou politiques et dont le voile est un des symboles.
A travers ces élections je voudrais lancer un appel à la résistance contre toutes les attaques du gouvernement y compris le racisme, car travailleurs ou chômeurs, jeunes ou anciens, hommes ou femmes, français ou immigrés de tous les pays, c’est unis que nous ferons reculer le gouvernement et mettrons à bas l’exploitation et les oppressions que génère le capitalisme.
Yvan Zimmermann, tête de liste NPA en Alsace
Olivier Besancenot : « On ne va pas s’excuser de reprendre pied dans les quartiers populaires »
LES QUESTIONS DU MERCREDI - France Inter/« Le Monde » avec Dailymotion
Le Canard enchaîné« vous caricature souriant, coiffé d’un foulard et déclarant »Je savais que ça allait faire parler de moi !" Tout le monde parle d’Ilhem Moussaid, candidate NPA voilée dans le Vaucluse. Vous vous doutiez que ça allait déclencher une telle polémique ?
Le Figaro a sorti, peut-être pour fêter les un an du NPA, une information à 23 heures. Elle a été reprise en boucle sur toutes les radios à partir de 6 heures du matin. A 8 heures, mon portable explose et à midi, on m’explique dans la rue qu’on a une candidate en burqa. Il faut être sérieux ! Sur le fond, je veux bien débattre de la laïcité, du féminisme et aussi de l’islamophobie avec tous ceux qui dans le camp progressiste, sont prêts à le faire sur des bases claires. Parce que, bizarrement, dès qu’on parle de la religion musulmane, les gens n’arrivent plus à faire la part des choses.
Au sein même du NPA, le malaise est perceptible...
Pour nous, les convictions religieuses ne sont pas un obstacle à l’entrée dans un parti à partir du moment où les valeurs de notre parti sont réellement partagées.
La religion n’est-elle pas « l’opium du peuple » ?
Ceux que j’ai entendu faire de grandes leçons sur la laïcité, ont instrumentalisé cette candidate pour essayer de se redorer un peu le blason sur le terrain de la laïcité. Clairement, dans le clan de l’UMP, c’est insupportable.
La décision de présenter cette candidate voilée a été prise régionalement. A titre personnel, l’auriez-vous défendue ?
Vous imaginez bien que ma position personnelle, je vais d’abord l’apporter aux militants. On va gérer ce débat. On ne va pas s’excuser d’avoir cherché à reprendre pied dans les quartiers populaires. Il y en a qui sont croyants, d’autres qui ne le sont pas. Parmi ceux qui sont croyants, il y a des minorités qui peuvent porter le foulard. Le pari du NPA , c’est de fédérer les milieux d’horizon complètement différent : des syndicalistes, des intérimaires, des ouvriers, des précaires, des militants de quartiers populaires.
C’est ce mélange qui est compliqué ?
Oui. Ça fait des étincelles. Il y a des contradictions, Mais du coup, on cherche à avoir un parti qui ressemble à la société. C’est Jamel Debbouze qui disait ça : « Le visage de la France est en train de changer et bizarrement il ressemble de plus en plus au mien. » Peut-être va-t-il falloir l’intégrer un petit peu parce que l’islamophobie dans le cadre de la campagne de l’identité nationale a été un élément en tant que tel.
Ce refus de l’islamophobie, ça vaut des concessions sur le voile ?
Chaque parti va découvrir en son propre sein qu’il y a déjà des élues qui portent le foulard. C’est le cas au PS et au PCF.
S’agissant des élections régionales, on ne comprend pas très bien votre stratégie électorale vis-à-vis de la gauche...
Nous ne voulons pas soutenir des politiques qui nous mettent en porte à faux avec notre militantisme au quotidien... Résister ensemble oui, proposer ensemble non.
Olivier Besancenot est porte-parole du NPA.
Propos recueillis par Jean-François Achilli et Françoise Fressoz
* Article paru dans le Monde, édition du 12.02.10. E MONDE | 11.02.10 | 13h55 • Mis à jour le 11.02.10 | 13h55