Après les incidents de la gare Saint-Lazare, Nicolas Sarkozy a accusé le syndicat SUD, dont vous faites partie, de « casser le service public »…
Olivier Besancenot : Nicolas Sarkozy est mal placé pour parler de cela. Lui et son gouvernement passent leur temps à démanteler le service public, que cela soit les transports ferroviaires, la santé, la Poste… Partout il y a des suppressions d’emplois. Les vraies raisons du conflit à Saint-Lazare sont là. La direction de la SNCF demande aux cheminots de faire rouler plus de trains avec moins de personnel, quitte à jouer avec la sécurité.
Le président de la SNCF a présenté ses excuses aux usagers. SUD n’aurait-il pas dû faire de même ?
Les grévistes ne sont pas responsables de la situation ! Pendant trois semaines, la direction a refusé de négocier. Je comprends la colère des usagers. Mais ça ne retire rien à ma solidarité avec les grévistes. Les cheminots ne luttent pas pour des droits corporatistes mais pour que les services publics fonctionnent bien.
Beaucoup disent que l’extrême gauche est derrière SUD. Que répondez-vous ?
C’est inexact. Il suffit de regarder SUD-PTT pour constater qu’il y a des militants d’autres partis politiques dans ce syndicat. Nicolas Sarkozy a une volonté : taper fort sur tous ceux qui contestent. Le DAL (NDLR : Droit au logement) a été condamné à 12 000 € d’amende. Le gouvernement veut faire des exemples car il a peur de l’extension des conflits, de la jonction entre grévistes. Partout dans les entreprises du privé, où on se bat, il y a des mises à pied, des licenciements. Nicolas Sarkozy essaie de criminaliser le mouvement social.
Vous êtes convoqué mardi au commissariat de Nanterre après une plainte d’un cadre de la Poste qui aurait été violenté lors d’un rassemblement auquel vous participiez…
Il n’y a eu aucun contact physique. Témoignages et vidéos le prouveront. Nous sommes trois convoqués et allons demander une confrontation avec la prétendue victime. J’ai la conscience plus que tranquille.
Que reprochez vous au plan de relance proposé par le président ?
Nicolas Sarkozy n’agit que pour les riches. Son plan de sauvegarde c’est pour les banques, pour les capitalistes. Nous, nous proposons un plan de sauvegarde pour le peuple, pas pour les banques. Il faut d’abord essayer de satisfaire la demande sociale. Augmenter les salaires, interdire les licenciements, créer de nouveaux services publics, c’est le seul moyen à terme de retrouver de la rationalité économique.
Selon vous, nous n’assistons pas uniquement à une crise du système capitaliste financier ?
Non, la crise actuelle c’est la crise du capitalisme tout court. C’est d’ailleurs pour ça que Sarkozy est complètement à l’ouest. Le président est anachronique quand il dit qu’on pourrait revenir à un gentil capitalisme industriel contre un méchant capitalisme financier. Car le capitalisme financier est né des entrailles mêmes du capitalisme industriel.
Pourtant Nicolas Sarkozy demande aux banques qui veulent être aidées de limiter le versement des dividendes aux actionnaires…
C’est une posture, un affichage politique de plus. Nous, nous proposons de réunifier toutes les banques privées et publiques dans un seul service public bancaire qui serait sous le contrôle des salariés et des consommateurs et qui aurait le monopole du crédit pour financer l’investissement.
Vous avez participé à une manifestation contre l’offensive israélienne à Gaza au cours de laquelle il y a eu des slogans antisémites. Cela ne vous gêne pas ?
Si de tels slogans ont été lancés, je les condamne. Mais ce que nous retenons avant tout, c’est la force du soutien au peuple palestinien. Des Blacks, des Blancs, des Beurs, tous dans la rue pour défendre le droit des Palestiniens. Cette fois, il ne s’agissait pas de célébrer Zidane au moment de la Coupe du monde. Voilà ce qui inquiète les responsables de ce pays : que la jeunesse black-blanc-beur se mêle de questions internationales. Ce mouvement de masse est la meilleure garantie contre la recrudescence d’actes antisémites et islamophobes. Je suis donc tout à fait à l’aise.
Craignez-vous une montée des tensions entre communautés ?
Je ne fais pas d’angélisme. Il y a en effet des courants organisés et des personnes qui cherchent à propager la haine. Les quartiers populaires sont exposés, c’est vrai. Mais l’antisémitisme est aussi enraciné dans une France bien blanche, riche, et bien d’extrême droite…
A trois semaines de son congrès de fondation, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) affiche à peine 8 000 adhérents, êtes-vous inquiet ?
Le Téléthon militant, ce n’est pas notre truc. La LCR revendiquait 3 200 militants. Le NPA en est aujourd’hui à 7 700. C’est déjà une petite… révolution. Nous, on n’a pas cherché à faire du chiffre grâce à Internet mais à créer une organisation cohérente. Le nouveau parti affichera tôt ou tard 10 000 membres. Ma crainte est ailleurs : ceux qui aujourd’hui nous rejoignent resteront-ils sur le long terme ? Je souhaite que tous trouvent leur place.
Les européennes de juin seront le premier test électoral du NPA. Serez-vous candidat ?
Nous prendrons une décision après le congrès de fondation, lors de la première direction nationale qui se tiendra quelques semaines après. Je serai là où le parti décidera que c’est le plus utile.
Mais le militant que vous êtes craint-il d’avoir un mandat électif ?
Absolument pas, mais je n’en fais pas non plus une obsession. Avoir des élus au Parlement européen sera utile, notamment pour aider au lancement du NPA. Mais le vrai test, c’est la mobilisation sociale.