Le congrès de janvier 2009 de la LCR, le dernier, c’est la conclusion du congrès précédent où nous avons à une très large majorité décidé de mettre en œuvre une politique inédite.
Cette politique, nous avons pris la responsabilité de l’initier pour trois raisons majeures :
1/ La montée en puissance, face à l’accélération des agressions politiques venues du gouvernement et du patronat, de l’aspiration à ce qu’existe enfin à une échelle significative, une gauche anticapitaliste pour faire face, pour répondre aux exigences portées par les luttes, pour populariser et défendre un programme alternatif.
2/ Le bilan de l’échec des tentatives passés, dites de « recomposition », pour dégager un nouveau parti quelques en aient été les formules :
− le scénario des pans entiers venus des partis traditionnels, PS, PCF, dans un mouvement qui irait de le droite vers la gauche et avec lesquels nous et d’autres aurions pu fusionner
− le scénario de la fusion dynamique avec d’autres organisations d’extrême gauche ou de gauche radicale
− le scénario du lancement du parti grâce à l’entrée en politique de secteurs importants du mouvement social auxquels nous et d’autres aurions pu nous joindre.
3/ La légitimité que nous avons acquise par notre place dans le champ politique, notre place dans les luttes et mobilisations, la popularité de notre porte-parole Olivier Besancenot, le résultat aux deux présidentielles successives.
Nous ne pouvions, nous ne devions pas reculer, au nom de l’absence de partenaires nationaux organisés significatifs pour un projet radicalement indépendant du social libéralisme. C’est pour cela que, tout en restant attentifs à la crise des partis traditionnels, à la recherche d’une solution politique du point de vue de secteurs de la gauche radicale, révolutionnaire ou libertaire, nous avons pris nos responsabilités.
Faire ce choix, suppose de prendre un risque politique, celui de déstabiliser une organisation qui est un outil politique certes imparfait mais qui a montré à plusieurs reprises son efficacité et son utilité. Et c’est un sacré boulot ! Cela suppose aussi de tourner la page d’une histoire, la nôtre, que nous soyons à la ligue depuis quelques années ou depuis 40 ans, ce n’est pas sans une certaine émotion. Soyons clairs, nous tenons toutes et tous comme à la prunelle de nos yeux à cet acquis politique qu’est la LCR, aux liens internationaux que nous avons tissé et personne ne veut les brader pour un mouvement politique qui ne permettrait pas de faire plus et mieux que ce que nous faisons grâce à la LCR. Même si nous ne pouvons lire dans le marc de café, même si parfois, on a un peu la trouille – et ce serait faire preuve d’arrogance, d’excès de confiance que de ne pas être traversé par cela –, nous sommes aujourd’hui toutes et tous convaincus que le NPA vaut largement que nous prenions ce risque. Et toute une série d’éléments permettent d’en juger.
Les comités qui se sont lancés depuis quelques mois se sont développés et se sont coordonnés. Ils ont agi et débattu et le moment est venu pour qu’ils se transforment en mouvement politique national, en parti. La question à laquelle doit répondre le congrès de la LCR est simple, oui ou non pouvons nous nous dissoudre pour continuer le combat anticapitaliste au sein du NPA ?
Pour en juger, quels sont les outils objectifs dont nous disposons ?
− un état des lieux partiel mais qui se complète au fur et à mesure que le temps passe avec un certain recul sur les événement
− le contenu des textes concernant des éléments de programme, d’orientation de statuts pour le futur parti.
C’est par ce second point que je commencerai, car un parti, c’est avant tout un programme et des idées.
Au vu des textes :
1/ Le NPA est bien un parti de classe. Les « principes fondateurs » identifient sans ambigüité le fait que le mouvement sur lequel nous devons nous appuyer, c’est la lutte des classes, c’est le combat, face à la classe privilégiée, au sein du prolétariat. Pas le prolétariat mythique du XIXe siècle ou de Billancourt, mais celui du XXIe siècle, tel qu’il est, différencié, avec un niveau de conscience de classe diversifié et fluctuant. Il y au sein du NPA des différences, des débats sémantiques et comment en serait-il autrement quand on sait que les mots sont parfois usés, galvaudés, que les uns et les autres ne mettent pas toujours la même réalité derrière tel ou tel concept. Mais il ne fait de doute pour personne que c’est bien à l’immense majorité des exploités que revient la tâche de lutter pour transformer la société. La volonté est unanime d’implanter le parti au cœur des entreprises et des quartiers populaires. Et cela fait une sacrée différence, tout simplement avec le reste de l’offre politique de ce pays.
2/ Le NPA est un parti anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire de la société. Il lutte pour l’unité la plus large dans le combat contre la droite et la patronat, mais saisit que l’alliance avec le social-libéralisme est impossible si on veut réellement changer la société. Il est doté d’une stratégie de rupture nette avec le capitalisme et les institutions au service de la bourgeoisie. C’est un parti qui veut s’implanter avec tenacité et patience, occuper tous les espaces de l’action politique, mais qui garde le sens de l’accélération, quand l’histoire le permet, comme ce fut le cas en mai 68 ou en juin 36. Mais ce n’est pas un parti trotskiste. Il n’a pas réglé dans le détail sa stratégie pour les révolutions futures. Qui peut bien savoir quelle forme elles prendront ?
C’est un parti qui comprend l’articulation entre les luttes immédiates, la défense conséquente par la lutte d’un plan d’urgence, et le projet de société qu’il défend, c’est à dire l’articulation luttes immédiates, rupture, transition.
3/ Le NPA est un parti internationaliste, défendant un projet socialiste pour le XXIe siècle. C’est un parti qui comprend que la rupture avec le capitalisme est un combat qui suppose la lutte d’ensemble par delà les frontières, qu’il faut organiser tout de suite les solidarités internationalistes concrètes. C’est un parti qui comprend qu’il faut placer la question sociale au cœur mais que cela s’articule étroitement avec la question écologique, qui n’est pas un supplément au 20e point du programme, mais un élément central, fondamental. Sur ce point la Ligue avait progressé ces derniers temps mais ce que promet le NPA constitue un nouveau pas en avant par rapport à la LCR, cela se voit noir sur blanc dans le texte « principes fondateurs » mais aussi dans la pratique, sous l’impulsion d’une commission ah hoc. C’est un parti féministe, qui lutte contre toutes les discriminations et sur ces terrains décisifs eux aussi, nous espérons pouvoir faire plus et mieux avec le NPA. C’est un parti qui lutte pour un socialisme où partage et démocratie ont atteint une dimension inédite dans toute l’histoire de l’humanité, aux antipodes du stalinisme.
Voilà pour un certain nombre d’aspects programmatiques mais il y en a d’autres.
Sur le cadre organisé que constitue le mouvements des comités pour un nouveau parti anticapitaliste :
1/ Le NPA est déjà un parti démocratique et pluraliste. Ses textes soumis au vote le garantissent. Les projets de statuts, comme le fonctionnement qui se met pragmatiquement en place montre que l’on peut trouver un juste milieu entre la volonté d’autonomie locale ou sectorielle et la nécessaire centralisation pour faire face à un adversaire organisé et cohérent.
En son sein, dans les comités comme au comité d’animation national provisoire agissent et débattent ensemble des camarades :
− qui font leur première expérience politique. Ce sont d’ailleurs les plus nombreux au sein du NPA et ce n’est pas la moindre de nos satisfactions
− qui viennent de la sphère de sympathie d’autres courants politiques, socialiste – et les récents évènements renforcent cela -, antilibéraux, altermondialistes, des camarades venus du PCF, de l’écologie politique, ou de la mouvance libertaire...
− qui viennent d’un groupe organisé substantiel, la fraction « l’étincelle » récemment exclue de LO. Pour le moment les camarades participent au processus et c’est très positif. Il reste à régler avec eux une série d’aspects concernant leur place au sein du mouvement. Un équilibre qui satisfasse tout le monde, leur permettant à la fois de préserver l’acquis de leur travail tout en favorisant le « mélange » avec toutes et tous (voir le CR des rencontres entre le CAN provisoire et une délégation de leur courant).
Bien entendu, la LCR demeure le courant politique organisé le plus nombreux, et l’arrivée de camarades venus d’autres courants politiques organisées n’est pas une vague déferlante. Mais cela existe, se renforce et le pari que nous faisons, de construire le parti par en bas, n’empêche nullement d’être attentifs, vigilants à ce que cela peut faire bouger, en provenance des partis traditionnels ou d’autres courants de la gauche radicale ou révolutionnaire ; de tout faire pour le favoriser et le consolider, sans esprit de « débauchage » mais avec la volonté de convaincre, de rassembler, d’ouvrir.
L’essentiel, et c’est déjà en train de se dessiner, c’est que cette diversité des parcours débouche sur une identité commune basée sur la confiance entre toutes et tous et en nos idées communes.
2/ Le NPA est quantitativement très supérieur à ce qu’est la LCR.
− 410 comités se sont constitués, c’est à dire bien plus que le nombre de sections de la LCR, traduisant à la fois une extension géographique (quartiers, villes ou secteurs d’entreprises vierges d’existence d’instances de la LCR) et un saut quantitatif.
− Un mouvement deux à trois fois plus nombreux que la LCR, même s’il s’agit là d’une estimation qu’il faudra confirmer en deux temps : avec le nombre de membres fondateurs correspondant au nombre de cartes qui seront prises dans le comités d’ici au congrès de fondation ; avec le nombre de camarades qui renforceront le mouvement dans les semaines et mois qui vont suivre car il n’y a pas de raison de penser que le flot va se tarir une fois le parti fondé.
− Des éléments statistiques encourageants et significatifs : plus de 2000 demandes centrales de prise de contacts en quelques mois avec une accélération ces derniers jours, qui s’ajoutent aux milliers engrangées sur le terrain (voir là dessus la note que nous avons fait parvenir avec Alain de Marseille et Myriam de Lyon) ; des réunions publiques réussies comme celle de Montpellier où l’affluence, élément très significatif, était supérieure à celle de la présidentielle... ; un impact médiatique qui ne se dément pas... et un flot d’attaques largement à la hausse qui montre à la fois que nous dérangeons et que les tentations autoritaires gagnent les sommets de l’appareil d’État avec le relai de certains médias....
Assurément, le mouvement se consolide malgré un turn over important dans la fréquentation des comités. Il se renforce et il a montré sa solidité en franchissant les étapes nationales de sa constitution (coordinations de juin et novembre) de façon satisfaisante, au-delà des imperfections et autres cafouillages inévitables dans ce type de construction. C’est un mouvement qui débat et agit en même temps même si les choses apparaissent parfois comme précipitées, trop rapides, frustrantes. Il est doté d’une visibilité et d’une cohérence dans ses premiers outils de communication, sites, affiches, tract hebdo etc...
L’ensemble de ces éléments, en terme de contenu politique comme de composition, compliquent considérablement le travail à ceux qui souhaitent notre échec et cherchent à accuser le NPA de n’être qu’une « LCR bis ». On l’entend d’ailleurs de moins en moins...
Il faut cependant nous garder de tout triomphalisme. Nous pouvons fièrement fondre la LCR dans le NPA, mais nous devons lucidement regarder les problèmes qu’il nous reste à régler.
1/ Du point de vue de la LCR
C’est dur tous les jours et à tous les niveaux. On est au four et au moulin. Mais il faut s’arracher pour réussir les échéances qui arrivent :
− Réussir le congrès de dissolution avec une bonne participation aux débats
− Mobiliser toutes celles et ceux qui animent l’organisation, de la DN, dans les direction locales, les secrétariats de section et cellules pour réussir le passage au NPA. Il n’y aura pas un « avant » et un « après » où tout serait radicalement différent. Celles et ceux qui sont formés et disponibles seront utiles demain comme ils le sont aujourd’hui. Des éléments de changements, de renouvellement sont intervenus de façon concertée ses derniers mois et années et ce travail ne disparaîtra pas. Il y aura du boulot pour toutes et pour tous... et de la place pour des camarades issu-e-s d’autres traditions car nous aurons de plus de monde pour animer, à tous les niveaux, et pas de moins de monde.
− Faire en sorte que tous les militant-e-s de la LCR deviennent des militant-e-s du NPA. Cela apparaît comme naturel, mais nous savons que des camarades, de ci, de là, pensent que « la relève est là » est qu’après des années de bons et loyaux service on peut réduire beaucoup le temps que l’on consacre au militantisme. D’autres camarades ne voient plus bien leur fonction dans un mouvement politique différent, cela bouleverse les repères habituels. Il faut prendre le temps de discuter, de convaincre que nous avons besoin de tout le monde, de toutes nos expériences et de toutes nos énergies pour accueillir de nouveaux entrants en politique, pour réussir l’osmose entre des camarades venus de traditions politiques différentes. On peut discuter des rythmes, du rôle joué par chacune et chacun, mais il ne doit pas manquer un-e seul camarade de la ligue au rdv du NPA. Sinon nous échouerons. Mais c’est exclu.
2/ Avec l’ensemble des camarades du NPA
Il faut réussir le congrès de fondation. Ce qui suppose de faire un effort exceptionnel. Il reviendra au CAN provisoire de faire les propositions d’organisation les plus adaptées pour réussir les congrès électifs locaux comme le congrès national de fondation.
Pour le moment, nous devons participer d’un effort exceptionnel pour permettre à toutes celles et ceux qui sont passés dans les comités à prendre leur carte avant le 31 décembre. Parce que même si nous savons que l’afflux peut venir une fois le parti fondé, il nous faut le fonder les plus nombreux possibles pour être surs que le congrès de fondation propulse le NPA dans de bonnes conditions. Or nous savons qu’il existe des aspects de rotation dans la fréquentation des comités, que les rythmes de militantismes sont encore plus diversifiés au NPA qu’ils ne l’étaient à la LCR. Les semaines qui viennent seront décisives et nécessitent une mobilisation exceptionnelle de toutes et de tous pour que toutes celles et tous ceux qui sont passés dans le processus se voient bien proposés et la carte de membre fondateur et de participer au congrès.
Le nom du futur parti. Le congrès devra aussi pouvoir choisir un nom. Le processus apparaît comme en retard sur ce point précis. Il reviendra au CAN provisoire de faire des propositions pour avancer, définir les modalités de choix préférentiels des comités pour faciliter le vote du congrès. Mais ce retard n’est pas uniquement lié à un manque de travail ou au fait qu’il y a un embouteillage de questions à régler. Le poids de l’histoire pèse négativement sur des mots. L’idée, c’est de se positionner en positif, de résumer dans notre nom notre projet de société. Mais qui peut prétendre que l’exercice est simple, que l’on pourrait énoncer dans notre nom, de façon claire, immédiatement compréhensible à une échelle de masse notre projet de société. Communiste ? Socialiste ? Ecosocialiste ? On voit bien les problèmes posés par chacun de ces termes. Du coup, en l’absence de nom qui s’impose à une fraction substantielle du mouvement, celui de NPA n’est pas sans atouts. On voit bien les avantages : le mot d’anticapitalisme nous rassemble et il claque bien face à la crise profonde du capitalisme. Mais on voit aussi les inconvénients de n’être qu’ « anti ». Ce sujet divise la LCR comme il divise l’ensemble du mouvement. Qui devra bien trouver une solution. Gageons que la dynamique nous permette de régler ce point comme tous les autres qui demeurent en suspens.
Les problèmes de direction et de représentation publique. Petit à petit le projet de statuts provisoires s’affine. On pourra tester un fonctionnement qui devra être revu et corrigé au congrès suivant. Un CPN peut être désigné et un exécutif en émaner. Il faudra simplement veiller à ce que la désignation de ses membres fasse le consensus le plus large et passer à l’autre chantier très important rapidement : que le NPA se dote de plusieurs porte paroles représentant collectivement le mouvement et sa diversité.
Les jeunes. Le débat sur la place des jeunes dans le parti est parfois difficile. Il nous faut trouver l’équilibre qui convient. Nous fondons ensemble le NPA mais il existe une spécificité jeune qui doit se manifester de façon politique et organisationnelle au sein du parti. Des équilibres qu’il faut affiner sont trouvés dans le texte de « principes fondateurs » et dans celui qui concerne les « statuts provisoires ». Mais des tensions existent. Cela suppose de réussir également le congrès de dissolution des JCR qui devrait intervenir mi décembre.
La place de la minorité de la LCR, « Unir ». Les camarades d’Unir indiquent dans leur motion leur volonté de participer à la fondation du NPA mais critiquent vertement le projet, sur divers aspects et en diverses occasion, dans les débats internes comme dans les interventions publiques (cf les derniers posts du blog de Unir par ex ou les déclarations à la presse). La motion soumise au vote par les camarades est d’ailleurs assez symptomatique car elle ne comporte pas un mot pour caractériser positivement le NPA. Paradoxe car les camarades ne proposent pas de maintenir la LCR. Évidemment le NPA sera pluraliste. Mais les camarades devraient nous éclairer sur la façon dont ils entendent participer au congrès constitutif et y prendre leur place. Il conviendra aussi de discuter au sein du NPA, des rapports qu’entretiennent l’ensemble de ses composantes.
Les européennes. Tous les aspects tactiques ne sont pas réglés par la résolution d’orientation telle qu’elle est rédigée à l’étape actuelle. Il faudra affiner cela, mais c’est désormais un débat interne au NPA. Gageons là aussi que la solidité politique permette de régler les questions tactiques au mieux.
Sur les relation internationales du NPA, un point spécifique de débat existe sur ce point dans l’ordre du jour.
Enfin, dans les mois qui vont suivre le congrès de fondation, l’effort doit porter sur l’implantation en profondeur du parti dans les classes populaires. Le NPA est déjà mieux implanté que ne l’était la LCR dans les entreprises et les quartiers populaires. Mais il faudra poursuivre l’effort pour améliorer toujours cet aspect prioritaire.
NB : Le rapport tapé est plus complet que mon intervention orale limitée par le temps...
Fred