La directive Bolkestein, qui vise à libéraliser la circulation des services au sein des États membres de l’Union européenne, et qui est un concentré de libéralisme, a joué un rôle important dans le refus du traité constitutionnel européen. Affolé par le rejet massif de cette directive et par la montée du « non », toute la classe politique française s’était alors déclarée hostile à cette directive, Jacques Chirac allant même jusqu’à prétendre qu’elle était définitivement enterrée. En fait, elle n’a jamais été abandonnée et a continué, discrètement, son petit bonhomme de chemin dans les méandres des institutions européennes.
Ainsi, une nouvelle version de cette directive sera soumise au vote du Parlement européen, le 14 février prochain. Ensuite, les chefs d’État et de gouvernement s’empareront de cette question, la directive ne pouvant être adoptée que si le Parlement et le Conseil des ministres européens se mettent d’accord.
La nouvelle version proposée aux députés européens par la commission du marché intérieur du Parlement européen ne diffère que très marginalement de la version originale de l’ancien commissaire européen néerlandais, Frits Bolkestein.
Le « principe du pays d’origine », qui avait suscité une émotion légitime, a été rebaptisé « principe du marché intérieur », sans que cela ne change quoi que ce soit au fait que la logique suivant laquelle un prestataire de services soit soumis à la loi du pays où il est établi, et non à celle où il exerce son activité, est maintenue.
Certains expliquent que la nouvelle version diminue la portée de ce principe. Il n’en est rien. La directive Bolkestein excluait déjà de son champ d’application les services d’intérêt général (SIG), qui ne regroupent que les services que l’État fournit sans contribution financière spécifique des administrés. En revanche, la commission du marché intérieur a rejeté la demande qui voulait que la directive ne s’applique pas aux services d’intérêt économique général (SIEG) qui, eux, impliquent un paiement par les usagers (transports, santé, énergie, etc.). Le Parlement européen confirmera certainement ce refus.
Dès lors, l’essentiel des services publics sont dans le collimateur de la directive. D’autant que la distinction entre SIG et SIEG est très aléatoire. D’abord, parce que certains services publics peuvent avoir des statuts très différents d’un pays à l’autre, comme l’éducation par exemple. Ensuite, parce que la définition de ce qui relève des SIG ou des SIEG revient, en dernière instance, à la seule appréciation de la Cour de justice européenne dont les décisions, qui sont sans appel, favorisent systématiquement tout ce qui va dans le sens d’un libéralisme débridé.
Cette directive, si elle est adoptée, constituera une régression sociale considérable. Et il ne faut surtout pas faire confiance aux députés européens et à Chirac pour la mettre en échec. L’attitude des députés UMP au Parlement européen est d’ailleurs éclairante : en France, l’UMP pourfend la directive et, au Parlement, ses députés votent contre tout ce qui pourrait limiter sa portée.
Seule une mobilisation sociale à l’échelle européenne pourra imposer le retrait total et définitif de cette directive. Le samedi 11 février sera une journée de mobilisation européenne, avec notamment une manifestation à Strasbourg, à l’appel de plusieurs mouvements sociaux et partis politiques. Quant à la Confédération européenne des syndicats (CES), elle appelle de son côté à une manifestation le 14 février à Strasbourg, le jour du vote de la directive au Parlement européen. Faire de ces mobilisations des réussites implique un travail de préparation qu’il faut entreprendre dès aujourd’hui. Car du succès de ces deux premières échéances dépendra pour partie l’ampleur d’une mobilisation qui devra culminer au moment de la réunion des chefs d’État et de gouvernement lorsqu’ils traiteront cette question.