Olivier Besancenot est poursuivi cet après-midi devant le tribunal de Paris pour avoir affirmé que le Taser avait fait des morts, alors que le directeur de Taser France est mis en examen pour avoir commandité l’espionnage du porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire.
Concrètement, SMP Technologies reproche au dirigeant trotskiste d’avoir affirmé sur son blog, en juin 2007, que les pistolets à impulsions électriques Taser « auraient probablement déjà fait taire plus de 150 personnes aux USA », propos qu’il avait réitérés dans une interview au quotidien 20 minutes.
La société, qui l’a assigné en diffamation devant la 17e chambre civile de Paris à 14 heures, lui réclame 50.000 euros de dommages et intérêts.
C’est « dans un but de santé publique » et pour dénoncer des « contrevérités » que la société SMP Technologies dit avoir « été contrainte et forcée de saisir le tribunal » devant lequel un médecin est notamment appelé à témoigner.
D’anecdotique, cette dernière affaire prend une toute autre ampleur, compte tenu de la mise en examen d’Antoine Di Zazzo, patron de SMP Technologies dans l’affaire d’espionnage présumée d’Olivier Besancenot.
Les deux affaires sont en effet étroitement imbriquées, Antoine Di Zazzo reconnaissant lui-même avoir engagé des détectives privés afin de lui « trouver l’adresse de Besancenot » pour lui adresser son assignation et aussi de « faire des vérifications sur le patrimoine » du leader de la LCR.
Il dément en revanche avoir demandé d’espionner les comptes d’0livier Besancenot ou les allées et venues de sa compagne et de son fils.
Sept personnes en tout ont été mises en examen dans cette affaire : outre Antoine Di Zazzo, trois policiers, un douanier et deux détectives.
Source AFP
Arme létale ou non ?
Olivier Besancenot était poursuivi hier en diffamation par la société importatrice du pistolet à impulsion électrique...
La fenêtre de la 17e chambre du tribunal de Paris avait beau avoir été laissé ouverte, jamais l’affaire d’espionnage du porte-parole d’Olivier Besancenot pour laquelle Antoine Di Zazzo, le directeur général de SMP Technologies, importateur du Taser en France, a été mis en examen, n’a réussi à pénétrer dans la salle d’audience cet après-midi. Car cette fois, c’est de diffamation qu’il s’agissait .
SMP Technologies poursuivait le porte-parole de la LCR pour des propos tenus sur son blog en juin 2007 selon lesquels ce pistolet à impulsion électrique (PIE) aurait « probablement déjà fait taire plus de 150 personnes aux Etats-Unis ». Besancenot était aussi poursuivi pour avoir déclaré au quotidien 20 minutes que concernant le PIE, « dans le meilleur des cas, il y a des doutes. Dans le pire, le Taser peut tuer ». C’est donc logiquement autour du caractère létal ou non de l’arme électrique que les débats se sont articulés devant cette chambre civile.
Procès commercial, médical, sociétal ou politique ? Difficile de saisir le fond de l’audience tant les débats se sont entremêlés dans la salle, où la confusion l’a emporté. Le porte-parole de la LCR, lui, n’en a pas fait mystère : il entend bien faire de ce procès une tribune, afin d’obtenir « l’ouverture d’un débat national » et « obtenir un moratoire » sur cette question, « le temps de déterminer si cette arme est ou non dangereuse » et « pour que la société puisse en discuter ». « Aux Etats-Unis, Taser va voir les familles des victimes décédées pour leur proposer de l’argent », a affirmé l’homme politique. Et de citer le cas de « ce Californien de 40 ans décédé des suites de 30 décharges qui a obtenu 6 millions de dollars de dédommagements de Taser ».
Cité à comparaître comme témoin par Besancenot, Benoît Muracciole, de la commission armes d’Amnesty International France, a affirmé que « plus de 290 personnes sont mortes aux Etats-Unis des suites de l’utilisation du Taser ». « Seulement 29 de ces personnes portaient une arme, et il s’agissait d’une arme blanche ». Pour étayer ses dires, Benoît Muracciole a précisé que dans ses publicités aux Etats-Unis, « Taser ne parle plus d’arme non-létale [concernant le PIE], mais d’arme moins létale ».
De son côté, SMP Technologies a fait citer à la barre un médecin urgentiste. « La littérature médicale ne permet pas de faire de lien de causalité directe entre le Taser et des décès, a martelé Gérard Kierzek. On est plus dans le cadre de complications fonctionnelles que sévères. »
Alors qu’elle entendait défendre l’image de SMP Technologies, et à ce titre réclame 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de « l’annéantissement de la politique commerciale » du distributeur, Me Catherine Hennequin, conseil de la société française, a déploré qu’il ne puisse lui être fournie « la liste des personnes décédées, de manière scientifiquement prouvée ». Avant de rejoindre le porte-parole de la LCR sur le terrain politique : « En dénigrant le Taser, Olivier Besancenot, de fait, prône l’utilisation exclusive des armes létales. Rien d’étonnant, a poursuivi l’avocate, tous les mouvements révolutionnaires ont toujours utilisé des armes létales. » Et de poursuivre sur la même voie : « Votre ami Rouillan [ex-membre d’Action directe] n’a pas utilisé de Taser pour assassiner Georges Besse. »
Du côté des avocats de Besancenot, Me Noël Mamère a regretté que « la France se soit engagée dans la voie du Taser sans faire réaliser d’étude d’impact de cette arme sur la santé ». Selon lui, il s’agit de « l’impéritie de l’Etat », qui a « manqué à son devoir de précaution ». L’autre avocat du défendeur, Antoine Comte, a invoqué « le droit à la critique, à la polémique et à la provocation pour les hommes politiques, en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Et l’avocat de s’interroger par ailleurs sur les poursuites engagées par SMP Technologies : « Mon client parle des décès dûs au Taser aux Etats-Unis. Jamais il n’a mis en cause SMP Technologies... »
PHILIPPE BROCHEN