L’une est en fin de carrière, l’autre a le vent en poupe. Oubliant ce qui les sépare, Arlette et Olivier étaient hier, le temps d’une visite de soutien aux grévistes de chez Philips, sur la même longue d’onde.
Deux révolutionnaires pour le prix d’un. Les salariés de l’usine Philips EGP à Dreux (Eure-et-Loir) ont eu droit hier à un commando de choc. Olivier Besancenot et Arlette Laguiller sont venus bras dessus, bras dessous pour les soutenir face à la direction qui, en mars dernier, a annoncé la suppression de 279 postes sur 540.
Avant de rejoindre les grévistes devant l’entreprise, les porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et de Lutte ouvrière (LO) se sont donné rendez-vous sur le parking d’un fast-food. Arlette Laguiller, 68 ans, materne le postier, 34 ans. « Tu as eu le temps de manger, Olivier ? » s’inquiète-t-elle. Devant l’usine qui fabrique des téléviseurs à écran plasma, les deux trotskistes sont accueillis en chanson par quelque 300 employés, essentiellement des femmes.
Entre Arlette Laguiller, 1,34 % à la dernière présidentielle, et Besancenot, 4,08 %, les manières diffèrent. Tous deux s’en prennent évidemment au patronat « qui se remplit les poches ». Mais si la retraitée du Crédit lyonnais lit son discours, le postier de Neuilly parle sans notes. La communication du parti de Besancenot donne également un coup de vieux à LO. Une militante de la LCR filme en effet la visite pour alimenter le site Internet de la Ligue. « Ah oui, je suis déjà allée voir ces vidéos, c’est bien », reconnaît Arlette Laguiller.
« C’est bien qu’ils soient là tous les deux, ça nous réchauffe le cœur »
Celle qui fut six fois candidate à la présidentielle affiche sa proximité avec celui qui l’a démodée : « On se retrouve toujours pour soutenir la lutte des travailleurs », assure-t-elle. Pas question pour autant d’approuver le nouveau parti anticapitaliste que veut bâtir Besancenot. « La LCR était un interlocuteur privilégié pour nous, mais aujourd’hui nous avons des inquiétudes sur ce que va devenir ce parti », souligne Laguiller. « La LCR a choisi une démarche, le Parti des travailleurs une autre (NDLR : le PT a disparu lors d’un congrès ce week-end pour donner naissance au Parti ouvrier indépendant) et LO en a encore une autre », sourit-elle. Lutte ouvrière n’a en effet aucunement l’intention de « changer de nom » et l’heure est plutôt à la recherche de la militante idéale pour remplacer celle qui fut sa porte-parole durant trente-quatre ans. Car Laguiller l’a d’ores et déjà annoncé : elle ne sera pas candidate en 2012.
En attendant, Arlette continue le combat et hier, au nombre d’autographes signés, elle a largement fait concurrence à Besancenot. C’est d’ailleurs elle qui a la plus grande fan, Murielle. « C’est quelqu’un qui dégage quelque chose », explique la gréviste, tout intimidée, avant de s’approcher. Une autre salariée, depuis trente ans chez Philips, refuse, elle, de distinguer les deux trotskistes : « C’est bien qu’ils soient là tous les deux, ça nous réchauffe le cœur », glisse-t-elle, émue. Après avoir passé plus d’une heure avec les employés, Besancenot et Laguiller les quittent sous les mercis. Murielle est aux anges, elle a pu faire la bise à Arlette. Les deux révolutionnaires reprennent, eux, la direction de Paris... dans deux voitures séparées.
Rosalie Lucas
* Paru dans Le Parisien du 17 juin.
Philips EGP : Besancenot et Laguiller viennent « regonfler » le moral des grévistes
DREUX (Eure-et-Loir), 16 juin 2008 (AFP)
Les deux leaders d’extrême gauche Olivier Besancenot (LCR) et Arlette Laguiller (LO) sont venus ensemble lundi soutenir les salariés de l’entreprise Philips EGP à Dreux (Eure-et-Loir), dont certains sont en grève depuis trois semaines, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le porte-parole de la LCR et celle de LO sont arrivés à bord de la même voiture, afin de « réconforter et redonner du courage aux salariés dans leur lutte », a indiqué Mme Laguiller.
La direction de Philips EGP a annoncé fin mars aux salariés la suppression de 279 emplois sur les 540 que compte le site de Dreux. L’entreprise spécialisée dans la fabrication de télévisions à écran plasma avait déjà supprimé 350 emplois en 2005 et une autre filiale du groupe, Philips LG, spécialisée dans la fabrication de tubes cathodiques, avait aussi fermé ses portes en 2006 à Dreux.
« Philips est un grand groupe capitaliste qui ruine toute une ville. Les pouvoirs publics se sont mis à son service, à travers différentes aides financières. C’est le cas localement de votre député Gérard Hamel (UMP) qui a choisi son camp, et pas celui des travailleurs », a dénoncé Arlette Laguiller derrière son porte-voix.
« Nous sommes, vous êtes, en droit d’exiger de récupérer tout l’argent public qui leur a été donné. Personne n’est au-dessus des lois », a renchéri Olivier Besancenot, selon lequel « les luttes qui payent sont toujours celles insufflées par la base ». « Les organisations syndicales en France ne sont pas à la hauteur dans le rassemblement des forces », a-t-il ajouté, soulignant qu’en dépit de leurs divergences de points de vue avec Lutte ouvrière, « ils allaient sur des mouvements sociaux ensemble ».
La plupart des salariés en grève se sont dits « regonflés » par cette visite. « Ils ont su trouver les mots pour que l’on ne perde pas espoir », a souligné l’une d’elles.