Emmanuel Macron a procédé à la promulgation de la loi dite « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », le 26 janvier. La veille, le Conseil constitutionnel infligeait un revers sérieux au gouvernement et aux parlementaires ayant voté ce texte, en jugeant non conformes à la Constitution près de 40 % de son contenu. Mais cette décision est un soulagement en trompe-l’œil, car les magistrats n’ont pas jugé sur le fond la plupart des mesures, mais en ont censuré seulement la forme, estimant qu’elles n’avaient pas de relation directe avec le projet de loi initial.
Ils laissent ainsi la porte ouverte à ce que ces dispositions, directement issues d’une idéologie xénophobe, ressurgissent par le biais de nouvelles propositions législatives. C’est d’ailleurs ce que l’Union centriste et, bientôt, Les Républicains tentent de faire avec une proposition de loi déposée fin janvier au Sénat reprenant quelques-unes des pires mesures censurées.
D’autre part, l’institution a jugé conformes à la Constitution d’autres mesures délétères pour la vie et les droits des personnes étrangères, présentes dans le texte initial du gouvernement. Pis, elle n’a pas émis d’avis sur la constitutionnalité de plus de quarante mesures extrêmement inquiétantes de la loi. Il s’agit là du texte le plus répressif depuis 1945. Car les mesures, pour certaines déjà en vigueur, constituent une aggravation manifeste de l’arsenal répressif à disposition des préfets et maintiendront des milliers de personnes dans une précarité toujours plus grande.
DÉMANTÈLEMENT PROGRESSIF
Le volet répression du projet de loi initial, déjà inquiétant, est ainsi durci : condition de « respect des principes de la République » pour l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour, renforcement de la double peine, levée des protections contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), y compris pour les conjoints ou parents de Français, instrumentalisation de la menace à l’ordre public, allongement des délais pour accéder au juge des libertés en zone d’attente et en centre de rétention administrative, allongement de la durée exécutoire des OQTF, de la durée des assignations à résidence ou encore des interdictions de retour sur le territoire, création d’un fichier de mineurs étrangers délinquants ou encore exclusion de l’aide sociale à l’enfance pour les jeunes sous OQTF.
L’ensemble de ces mesures constitue une attaque sans précédents contre les droits des personnes étrangères, par sa violence et son ampleur.
Par ailleurs, la loi contient un démantèlement progressif du système d’asile. La fin de la collégialité des formations de jugement à la Cour nationale du droit d’asile, la facilitation du refus ou du retrait des conditions matérielles d’accueil, la possibilité du placement en rétention des personnes avant l’enregistrement de leur demande d’asile, la délivrance quasi automatique d’OQTF dès le rejet de leur demande sont autant de mesures qui visent à vider de sa substance notre système d’accueil pour les personnes cherchant une protection en France.
Le gouvernement annonçait un texte « équilibré », entre humanité et fermeté. Seule la seconde intention subsiste, alors que le volet intégration de la loi a été réduit à peau de chagrin. Désormais, le gouvernement ne cache même plus sa volonté d’avoir recours à une immigration choisie, recherchant de la main-d’œuvre à disposition, « consommable » selon les besoins de notre société.
Des digues ont sauté face à la xénophobie et à la remise en cause de l’Etat de droit. L’esprit de cette loi et la plupart des mesures du gouvernement ou issues d’amendements des Républicains, adoptées avec le concours du Rassemblement national célébrant une « victoire idéologique », sont incompatibles avec une société humaniste.
UN JEU FUNESTE
Depuis mars 2023, l’examen parlementaire de ce texte a servi à justifier les discours les plus haineux et racistes, mais également ceux remettant en cause des éléments fondateurs de notre système démocratique. Parce que certaines de leurs propositions politiques seraient incompatibles avec les conventions internationales, les traités européens et notre Constitution, la droite et l’extrême droite ont ainsi affirmé la nécessité de réformer notre système de hiérarchie des normes pour déroger à ces obligations et engagements.
L’ensemble de ces textes protecteurs garantit le respect effectif des droits humains et la dignité de toutes et tous sur notre territoire, et ne devrait jamais être révisé dans le but de retirer des droits à certains. Or, le gouvernement s’est prêté à ce jeu funeste en faisant sciemment voter une loi comprenant des dispositions inconstitutionnelles.
Des digues ont sauté. Les conséquences seront difficilement réparables. Le gouvernement ne semble d’ailleurs pas vouloir s’engager dans leur reconstruction, comme en témoignent les annonces sur la future réglementation de l’aide médicale de l’Etat ou la réforme constitutionnelle sur le droit du sol à Mayotte. Le soutien inconditionnel de la France au dangereux Pacte européen sur la migration et l’asile est un autre signal délétère.
Nous ne nous résignerons pas et continuerons de lutter pour une société humaniste tournée vers l’accueil, protégeant toute personne, quel que soit son statut administratif, et faisant respecter les droits humains de manière inconditionnelle.
Les migrations continueront, qu’il y ait des voies légales et sûres ou non pour traiter les demandes. Des politiques d’accueil dignes pour toutes et tous, même si elles demandent du courage politique, seraient une solution plus pérenne pour le respect des droits des personnes exilées et pour la société.
Premiers signataires : Patrick Baudouin et Marie Christine Vergiat, président et vice-présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sophie Binet ; secrétaire générale de la CGT ; Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente de CCFD-Terre solidaire ; Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade ; Cybèle David et Julie Ferrua, secrétaires nationales de l’Union syndicale Solidaires ; Aboubacar Dembélé, porte-parole du Collectif des travailleurs sans papiers de Vitry ; Mody Diawara, porte-parole du Collectif des sans-papiers de Montreuil ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature ; Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Yoro Traoré, porte-parole de la Coordination des sans-papiers de Paris
ASSOCIATIONS NATIONALES :
Action Aid, DE RONNE Luc, président
Action contre la Faim (ACF), KORAICHI Aicha, présidente
Amnesty International France, SAMOUILLER Jean-Claude, président
Anafé, PALUN Laure, directrice
ANVITA, BARSEGHIAN Jeanne et CARÊME Damien, co-président.es
Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie, METIN Umit, coordinateur
Association DALO, LACHARME Bernard, président
Association des Femmes de l’Europe Méridionale (AFEM), DIMITROULIAS Catherine, présidente
Association des Travailleurs Maghrébins de France, EL IDRISSI Nacer, président
Attac France, PICARD Alice, porte parole
CCFD-Terre Solidaire, BUKHARI DE PONTUAL Sylvie, présidente
CNAJEP, TIERCELIN Arnaud, co-président
Coordination nationale Pas sans Nous, Mohamed MECHMACHE, président
CRID, MÉRESSE Céline, présidente
Emmaüs International, CHABOCHE Adrien, délégué général
Emmaüs France, SUEUR Antoine, président
Fédération Artisans du Monde, ANVROIN Yannick, administrateur
Fédération de l’Entraide Protestante, RICHARD Isabelle, présidente
Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives, BEN ABDALLAH Fayçal et BEN SAID Mohamed, président et membre du bureau
Fédération Etorkinekin Diakité, MAYNARD Christine, représentante
Fédération nationale des Francas, SEGURA Pierre, président
GISTI, ROCHICCIOLI Vanina, DAADOUCH Christophe, co-président.e.s
Greenpeace France, JULLIARD Jean-François, directeur général
Groupe Accueil et Solidarité (GAS), DUPOURQUE Philippe, président
Habitat-cité, TOUTLEMONDE Claire, responsable de pôle asile, accès aux droits et insertion
Human Rights Watch, COSSÉ Eva, chercheuse senior France
Humanity Diaspo, HAMRA Rana, directrice exécutive
Ingénieurs sans Frontières, EL KAMILY Mehdi, président
Intérêt à Agir, DELATOUCHE-BIOTTEAU Eléonore, présidente
JRS-France, ROSSIGNOL Guillaume, directeur
La Cimade, CARREY-CONTE Fanélie, secrétaire générale
Les Amoureux au ban public (Lyon, Montpellier, Albi, Bergerac, Lille, Marseille, Nantes, Paris/IdF, Strasbourg), DÉOTTE Martine, présidente
Les Céméas France, CLERICO Jean-Baptiste, directeur général
Ligue des droits de l’Homme, BAUDOIN Patrick et VERGIAT Marie Christine, président et vice présidente
Ligue de l’Enseignement, LACASSAGNE Hélène, présidente
LIMBO, ALLEGRA Cécile, présidente
MADERA, GOGEL Sarah, déléguée générale
Médecins du Monde France, RIGAL Florence, présidente
Mouvement ATD Quart Monde, GRARD Marie Aleth, présidente
Mouvement de la Paix, EL RAHEB Gisèle, membre du conseil national
MRAP, QUANTIN Jean-François, co-président
Observatoire International des Prisons - Section Française, MAS Jean Claude, directeur
Organisation de Solidarité Trans (OST), FOVET Alissa, secrétaire nationale
OXFAM France, DUFLOT Cécile, directrice générale
Pantin Solidaire, DESHEULLES Carole, présidente
Planning familial, NOAT Mel, membre du bureau confédéral
REF-Réseau Euromed France, TOUCHE Karim, président
Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR)
Réseau Éducation Sans Frontières, DELARBRE Jean-Michel , co-fondateur
Réseau Féministe « Ruptures », DENTAL Monique, présidente
Ritimo, CHARLES Emmanuel, co-président
Sidaction, THUNE Florence, directrice générale
Solidarités Asie France (SAF), KHIANG Nayan, fondateur et président
Solidarité laïque, HARSTER Anne‑Marie, présidente
UniR, RIOS ARMAS Camila, fondatrice et directrice
Utopia 56, MANZI Yann, délégué général
Yes We Camp, TISSOT Marion, coordinatrice du projet des Amarres
SYNDICATS :
CGT, BINET Sophie, secrétaire générale
FSU, TESTE Benoît, secrétaire général
UNEF, HAMIDI Hania, secrétaire générale
Syndicat de la Magistrature, REUFLET Kim, présidente
Syndicat des Avocats de France (SAF), KRIVINE Judith, présidente
Union syndicale Solidaires, DAVID Cybèle et FERRUA Julie, secrétaires nationales
ASSOCIATIONS REGIONALES :
Accueil des exilé.es et régularisation des sans-papiers 28, Burel Cathie, membre
Association ASILE, LIONNET Jean-François, président
Association de Veille Écologiste et Citoyenne Nantes, BASSANI Catherine, co-présidente
Association Nouvelle Page, ZABIULLAH Mohammadi, président
Association pour les Migrants-AMI, Nîmes, HUOU Julie, directrice et fondatrice
ASTI 14 (Association de solidarité avec tou-tes les immigré-es du Calvados), VILACÈQUE Anne, co-présidente
Bagagérue, GROVER Claire, présidente
Cent pour un toit Pays de Quimperlé, SHEIKHI DUBUES Charlotte, présidente
Cercle de silence de Villefranche-sur-Saône, LAUS Louis et DEGARDIN Francis, co-animateurs
Citoyennes en lutte Ouistreham, HUBERT Nina, co-présidente
Collectif Accès au Droit, BORSOTTI Milou, présidente
Collectif d’aide psychologique aux migrants de Martigues, HENGEN Danièle, membre du collectif
Collectif de Défense des Droits et Libertés des Étrangers (CDDLE) de Besançon, DIAWARA Mansour, président
Collectif des sans-papiers de Montreuil, DIAWARA Mody, porte parole
Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry/Seine, DEMBELE Aboubacar, porte-parole
Collectif Ganges Solidarités, LATAPY Robert, porte parole
Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici, MILLET Thierry, représentant
Collectif strasbourgeois pour une autre politique migratoire, GREIB Pierre, coordinateur
Coordination des Sans Papiers de Paris, TRAORE Yoro, porte parole
Droit à l’Ecole, LASRY Aline, présidente
Français langue d’accueil, TOCHE Olivier, co-président
Kolone, GALLIENNE Emmanuelle, directrice
Langage des Papillons Anduze, CZERBAKOFF Isabelle, coordinatrice
L’Auberge des migrants, ROQUES Pierre, délégué Général
Le Chêne et L’Hibiscus, BERNARDINI Jean-Marc, président
Les Amis Cigagois du Collectif Solidarite Réfugiés (ACCSR), COROT Armelle, représentante
Ligue des droits de l’Homme de la Sarthe, LAMBERDIÈRE-CASTA Kévin, président
Ligue des Droits de l’Homme Saint-Dié des Vosges, LECLERCQ Philippe, président
MRAP Vaucluse, DARWICHE Françoise, présidente
Paris d’Exil, SEBILLOTTE Oriane, co-présidente
Polaris 14, TESAN Bruno, directeur
RESF 72, LEBRUN Bernard , porte parole
THOT, GUYON Félix, délégué général
Tous Migrants, SPIRA Alfred, administrateur
Union Pirate Caen, ADELINE Etienne, membre du comité d’animation
AVOCAT.ES :
BARTHELEMY Pavy, avocat au barreau de Nantes
BERDUGO Patrick, avocat
FORTUNATO Caroline, avocate au barreau de Lille
GIFFARD Frédérique, avocate
KEMPF Raphaël, avocat
LEROY Magalie, avocate au barreau de Rouen
MADELINE Cécile, avocate
MAUGENDRE Stéphane, avocat
SAYNAC Chloé, avocate
SIMON-LE MAGOUROU Morgane, avocate au barreau de Paris
TOUCHARD Corinne, avocate au barreau de Nantes
UNIVERSITAIRES :
ADAM Pauline, doctorante, ENS
AKOKA Karen, maîtresse de conférences en science politique, Université Paris Nanterre, chercheuse, Institut des Sciences sociales du Politique (ISP)
BACON Lucie, géographe, cartographe, UMR Migrinter, fellow Institut Convergences Migrations
BERGEON Céline, maître de conférences, Université de Poitiers
CALAME Claude, directeur d’études, EHESS Paris
CAMAJI Laure, maîtresse de conférences en droit privé, Université Lyon 2
CHAPUIS Amandine, géographe, Université Paris-Créteil
CLEMENT Garance, maîtresse de conférences en sociologie, Université de Strasbourg
DAGHMI Fathallah, enseignant chercheur, Université de Poitiers
ELOY Pierre, maître de conférence en géographie, Centre de Recherche de l’Institut de Démographie de, Université de Paris I
FASSIN Eric, sociologue, Université Paris VIII
FRAGER PERRIER Martin, doctorant en sciences sociales
FROUILLOU Leïla, maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris Nanterre
GARDESSE Camille, maîtresse de conférences en sociologie et urbanisme, Université Paris Est
GEMENNE François, politologue et chercheur
HANCOCK Claire, professeure des universités, UPEC Université Paris Est Créteil
LALLIOT Manon, doctorante en géographie sociale, UPEC, Lab’URBA ABP Lyon
LENDARO Annalisa, sociologue, chargée de recherches, CNRS
MASSIAH Gus, économiste
MERCIER Stéphane, paysagiste et enseignant, UPEM Université Paris Est Marne la Vallée
OIRY VARACCA Mari, maîtresse de conférences en géographie, Université Gustave Eiffel
OLLITRAULT Chloé, doctorante en sociologie, EHESS
PELLETIER Willy, sociologue
PLUMEJEAUD-PERREAU Christine, docteure en informatique
ROSSIGNOL Lilite, doctorante, Université Gustave Eiffel, et ATER, École d’urbanisme de Paris
RUNET ARNOUX Pablo, doctorant en urbanisme, Université Paris-Est-Créteil et enseignant ATER, École d’Urbanisme de Paris
SAGLIO-YATZIMIRSKY Marie Caroline, chercheuse en anthropologie et directrice, Institut Convergences Migrations-CNRS
SALIN Fred, sociologue, Université Paris Cité
SLAMA Serge, professeur de droit public, Université de Grenoble
TCHIOMBIANO Stéphanie, maîtresse de conférence, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
WAWRZYNIAK Dimitri, doctorant en géographie, Université Paris-Est, Lab’urba, JEDI
WEBER Louis, co-gérant des éditions du Croquant
WIHTOL DE WENDEN Catherine, directrice de recherche CNRS
XIE Sophie, interne en anesthésie réanimation