Dans ce contexte, la présidence tunisienne a même développé des théories du « grand remplacement » pour justifier ces traitements, et a emboité le pas au Parti national tunisien, un parti groupusculaire mais extrêmement raciste (et antisémite).
Garde-frontière
Il y a un mois, Darmanin est venu officialiser un accord transformant la Tunisie en garde-frontière, suivant en cela l’Italie, qui avait fait la même demande en janvier. Pour quelques millions d’euros, l’État tunisien s’est engagé à dissuader le départs vers l’Europe depuis ses côtes avec une contrepartie tacite : tant que le flot de migrantEs diminue, nous serons moins regardants sur les droits humains.
La situation s’est dégradée brutalement dans la ville de Sfax — qui du fait de la configuration des eaux dans ce port est celui qui est le plus propice à la traversée — où, suite à une altercation mortelle avec un migrant, de véritables pogroms se sont déroulés sur plusieurs nuits devant une police au mieux passive. Plusieurs dizaines de blesséEs ont rempli l’hôpital de Sfax. Parmi un certain nombre de personnes jetées de force de chez elles et dépouillées figurent des personnes « en règle » du point de vue de l’immigration tunisienne.
Déportations vers la Libye
Les autorités ont affrété des bus pour conduire de force des migrantEs fuyant la ville vers la frontière libyenne. À ce jour ils et elles seraient environ 1 200 incluant au moins 29 enfants et trois femmes enceintes et leur situation est inconnue. Ils doivent se débrouiller sans eau, sans nourriture dans le désert et avec interdiction pour les organisations et les journalistes d’intervenir. Côté libyen, ils et elles ont été menacés et ont dû rebrousser chemin. Leur situation est dramatique. Il y a déjà plusieurs morts par déshydratation à déplorer. Celles et ceux qui ne sont pas montés dans les bus errent dans la banlieue de Sfax, sans endroit où s’abriter et sans aide humanitaire autre que la solidarité individuelle.
Attiser un ferment de négrophobie structurelle qui existe au Maghreb en servant de garde-fou des politiques racistes européennes tout en développant un vague anti-impérialisme de façade : voila la recette de l’État tunisien. Le caractère massif des déportations constitue néanmoins une rupture. Il est urgent de développer les solidarités avec les organisations de soutien aux migrantEs en Tunisie et surtout pour nous de réclamer la fin de la politique d’Europe forteresse. Personne n’est illégal et bienvenue à touTEs les immigréEs.
Édouard Soulier