Le président d’Emmaüs, Martin Hirsch, est chargé de tirer le bilan des expérimentations effectuées sur le revenu de solidarité active (RSA), puis de légiférer. Qu’est-ce que le RSA ? Un sigle de plus dans le maquis des contrats visant à colmater les brèches de la grande pauvreté ou à combler les « trappes à inactivité » dans lesquelles tomberaient les RMistes « désincités » à travailler ? Oui, mais plus astucieux.
Le revenu minimum d’activité (RMA) oblige un RMiste à accepter un emploi de 20 heures. Mais le RMaste ne cotise que pour 130 heures à la retraite, son retour éventuel au chômage n’ouvre aucun droit (outre le RMI), et le patron se paye un emploi pour quelques euros. Ainsi, la prime pour l’emploi (PPE), allocation « d’impôt négatif » mise en place par Jospin, veut inciter les RMistes à reprendre un emploi et à « gagner plus ». Mais le gain espéré, d’un faible montant, est différé d’un an !
Avec le RSA, le gain pourrait être immédiat et réel. Le slogan sarkozyen, « travailler plus pour gagner plus », s’appliquerait pour les plus pauvres : bonne publicité. Le RSA part du constat qu’un RMiste retrouvant un emploi n’y gagne pas forcément, car il perd d’autres avantages : couverture maladie universelle, tarifs sociaux divers. Le RSA vise donc à faire en sorte que « le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu familial, en supprimant les effets de seuil », et à « franchir le seuil de pauvreté, sans que le nombre d’heures travaillées ait à approcher un temps plein » (Agence nouvelle des solidarités actives). Cinq départements expérimentent la formule, depuis la loi de finances 2007, autorisant des « dérogations au droit commun ». Un des points d’interrogation est le coût du dispositif, évalué à 8 milliards d’euros.
En 2005, Martin Hirsch avait produit un rapport sur « la famille, la vulnérabilité et la pauvreté », avec des associations, des syndicats (CFDT, CGT), des chercheurs qualifiés (Serge Paugam, auteur de travaux approfondis sur la pauvreté). Le Sénat avait cependant mis le doigt sur le vrai problème : « Le principal défaut [...] réside dans l’encouragement implicite au temps très partiel que ces mesures prodiguent [et dans] des pressions à la baisse sur les salaires. » On ne saurait mieux dire.
En fait, depuis que le RMI a installé une nouvelle échelle légale du revenu, très en dessous du Smic (le salaire « minimum »), on ne compte plus les propositions chargées de montrer qu’il faut instaurer, entre le RMI et le Smic, une graduation de situations permettant à la fois d’accéder à des fractions d’emploi, des morceaux de salaire, sans que le patronat n’ait rien à payer, et tout en faisant pression pour que chacun s’estime heureux de sortir la tête de l’eau. Libéraux et sociaux-libéraux sont en phase sur ce projet de société.