La lutte rappelle celle de la rue du Dragon ?
Jean-Yves Cottin - Oui. Médecins du Monde a légitimé le fait qu’on peut installer des campements dans Paris sans se faire matraquer. Nous avions fait cet été le campement du quai Valmy, qui a contribué à porter sur la place publique le problème des tentes pour les SDF. 28 personnes ont été relogées. Nous étions sur le point de recommencer cette action à la gare d’Austerlitz. Mais l’action des Enfants de Don Quichotte a permis une mobilisation plus large, plus citoyenne, avec une forte solidarité des riverains. Nous avons presque trop de nourriture et de matériel. Mais, après le moment de médiatisation, cela peut changer !
Vous avez un front commun entre associations ?
J.-Y. Cottin - Nous avons travaillé pour rédiger et faire signer la charte du Canal Saint-Martin, élaborée en assemblée générale. Nous y avons mis notre expérience, en insistant sur la réquisition, le relogement, etc. Je crains que les pouvoirs publics se dirigent sur l’hébergement d’urgence, opposable, mais uniquement pour les gens qui travaillent. Nous étions partis, il y a dix ans, de l’exigence du droit au logement opposable. Mais la Constitution européenne se contentait du droit à l’hébergement. Et cela continue à régresser, car Arno Klarsfeld, l’envoyé de Sarkozy, est missionné uniquement sur l’hébergement. Aussi, les salariés SDF auront droit à un hébergement. Mais les SDF sans papiers n’auront rien. Sarkozy est allé chercher cette idée aux États-Unis, où des gens travaillent dans la journée et vont dormir dans des centres le soir. Ils veulent faire une séparation, une sélection dans le droit, et officialiser des travailleurs pauvres et hébergés, mais sans logement.
Les places d’hébergement auraient augmenté de 50 %...
J.- Y. Cottin - C’est vrai, mais tout cela coûte cher. Le moindre foyer coûte 39 euros par personne et par nuit, soit 1 200 euros par mois. Ce serait largement suffisant pour reloger convenablement les gens. D’autre part, il ne faut pas oublier les sans-papiers, nombreux dans le mouvement, et dont la situation devient catastrophique.
Comment amplifier ce mouvement ?
J.- Y. Cottin - Il faudrait plus d’assemblées générales des personnes qui font partie du campement. Et je pense qu’une manifestation s’impose. Ce mouvement a la même ampleur que celui de la rue du Dragon, en décembre 1994, ou bien celui des chômeurs de l’hiver 1997-98. Pour l’occupation de la rue du Dragon, 30 000 personnes ont manifesté. Il faudrait refaire cela en pleine campagne électorale.