Depuis plusieurs jours, les lycéens de Colombes (Hauts-de-Seine) se mobilisaient pour la libération de Suzilène, enfermée en centre de rétention depuis son arrestation, le 29 septembre. Le 16 octobre, 500 personnes réclamaient son retour, devant la préfecture de Nanterre. Outre les lycéens de Colombes, des élèves et personnels des lycées Joliot-Curie et Maupassant (Nanterre) avaient aussi mobilisé du monde. Le 17 octobre, plusieurs lycées du département se sont mis en grève. Mercredi 18 octobre, les lycéens devaient manifester vers l’inspection académique.
Il faut dire que Sarkozy n’y a pas été de main morte. Comme d’habitude dans ce type de cas, le préfet sous ses ordres a présenté la lycéenne comme une « délinquante », prétextant une rixe entre elle et une autre femme à propos d’une rivalité amoureuse. Puis, la préfecture a fait croire à tous ceux qui la contactaient que la décision de l’expulser n’était pas prise. En même temps, l’expulsion était planifiée en laissant courir de fausses informations sur le moment et le lieu du départ. À croire que Suzilène constituait un enjeu digne d’une affaire d’État ! On a eu droit à des pratiques de police secrète : pendant que les jeunes et les soutiens étaient orientés vers l’aéroport d’Orly, Suzilène était secrètement expulsée par un avion spécial décollant de l’aéroport militaire du Bourget. Sous l’escorte d’un commissaire, elle a d’abord été conduite à Lisbonne. De là, elle a pris une ligne régulière, encadrée par deux policiers, vers le Cap-Vert. Utiliser les moyens de l’armée pour expulser une lycéenne, cela donne une idée de la guerre que Sarkozy mène aux jeunes sans-papiers.
Dans les Hauts-de-Seine, le cas de Suzilène est entré en résonance avec d’autres, et la préfecture se méfie des risques de contagion. Ainsi, Hassan, un élève du lycée Jean-Monnet de Montrouge qui était sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière (APRF), a été rapidement régularisé : les enseignants de Montrouge, connus pour être particulièrement combatifs, menaçaient de se mettre en grève. Mais d’autres cas émergent. Une intersyndicale CGT-FSU-Solidaires a appelé les personnels à décider d’une grève lorsque les conditions sont réunies pour revendiquer le retour de Suzilène et la régularisation des élèves scolarisés et de leurs familles. Ne pouvant se mettre en grève, des enseignants de l’académie de Versailles ont décidé de manifester leur dégoût en plaçant, symboliquement, une chaise vide, étiquetée au nom de Suzilène, sur le bureau de la salle de classe, devant le tableau. L’Unsen-Cgt appelle à étendre ce geste symbolique un peu partout en France : une chaise vide au nom de Suzilène dans le foyer des élèves, en salle des profs, dans la cours... Du côté de la jeunesse, une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de son refus des expulsions.
Cachan : ce n’est pas fini
L’évacuation du gymnase et l’éparpillement des expulsés de Cachan sur 21 sites portaient le danger d’un enterrement de la lutte. C’est sans doute le pari qu’avait fait le gouvernement, en acceptant de réexaminer les cas des sans-papiers. Ce pari a été perdu : samedi 14 et mardi 17 octobre, les expulsés et leur comité de soutien se sont réunis en assemblée générale à la maison des syndicats de Créteil. Environ 250 expulsés ont ainsi pu faire état des nombreux problèmes liés aux logements provisoires inadaptés - des enfants sont confinés dans des chambres d’hôtel avec interdiction de jouer à l’extérieur - et souvent très éloignés des lieux de travail et des écoles. Un enjeu de la lutte collective est que les sans-papiers se voient délivrer des sauf-conduits pendant le réexamen de leur situation. La lutte continue donc, car leurs revendications restent d’actualité : un logement, des papiers, une école... pour tous !