Mardi 19 Août 2014, plusieurs résidents de la province de Gaziantep au sud-est de la Turquie ont commencé à attaquer des réfugiés syriens accusés d’avoir assassiné le propriétaire d’un appartement où résidaient des syriens. Des policiers en nombre ont été envoyés pour faire cesser les troubles. Les protestataires ont arrêté et ont pris d’assaut dans la rue les voitures portant des plaques d’immatriculation syriennes. La semaine dernière à Adana, une autre province du sud de la Turquie située près de la frontière avec la Syrie, plusieurs commerces dont les propriétaires sont des réfugiés syriens ont été attaqués par des résidents locaux. J’ai regardé plusieurs interviews de ces derniers à la télévision. Un commerçant turc se plaignait de ces concurrents Syriens, « pas d’impôts, pas de permis de la part du gouvernement, pas de surveillance, de contrôle ou de vérification. Que vais-je faire ? Moi, je dois avoir tout ça, alors qu’eux, non ». Il y a environ un mois à Kahramanmaras, autre province turque du sud-est qui abrite de nombreux syriens, des résidents en colère sont descendus dans la rue en criant, « nous ne voulons pas des Syriens », « Syriens, rentrez chez vous ». La nuit du Mardi 15 Juillet 2014, des locaux qui protestaient ont fini par attaquer des voitures et des maisons appartenant à des Syriens et à blesser certains Syriens eux-mêmes.
Un million de réfugiés syriens hors des camps
Selon la direction de la gestion des catastrophes et des urgences du bureau du premier ministre (AFAD), le nombre de syriens habitant dans des camps de réfugiés turcs a dépassé le million. La coordination des groupes de défense des droits de l’homme et des droits des réfugiés (MHK), une plateforme dont font partie les plus grandes ONG spécialisées dans les droits de l’homme en Turquie, estime le nombre de réfugiés syriens vivant en dehors des camps à environ un million également. Selon des estimations, à Istanbul seulement, se trouvent environ deux cent mille réfugiés vivant dans de très mauvaises conditions. Le gouvernement turc a d’abord été félicité pour sa politique de portes ouvertes envers les réfugiés syriens et pour son travail humanitaire dans les camps.
Cependant, il y a eu un soutien social très limité envers les réfugiés au cours de la dernière année. Toutes les politiques formulées par Ahmet Davutoglu, actuellement ministre des affaires étrangères et peut-être prochain premier ministre, étaient fondées sur l’hypothèse de leur retour en Syrie d’ici 2014. Il est maintenant clair que la plupart des réfugiés ne rentreront pas, même quand la guerre en Syrie aura pris fin.
De plus, il n’y a pas encore de signe d’une paix possible avec la Syrie. La Turquie n’est pas parvenue à soutenir les réfugiés syriens sur le plan social dans les domaines comme le logement, l’éducation, la santé et l’emploi.
Le travail des ONG
A Adana, une ONG humanitaire locale, Adyar, fait de son mieux pour aider les réfugiés. La branche de Kimse Yok Mu à Adana, autre organisation humanitaire au niveau national, a également réalisé un travail remarquable. De fait, ces deux organisations ont fait plus à Adana que le gouvernement lui-même. Adyar a mis en place des cours pour les élèves de primaire et de lycée et a obtenu de la part des autorités locales l’ouverture de quatre écoles publiques. Les week-ends, les membres de cette ONG enseignent au sein de ces écoles et suivent un programme syrien. Ces efforts sont évidemment louables, mais les ONG ne peuvent pas s’occuper de ce grave problème seules. C’est le gouvernement qui est responsable, même s’il ne veut pas s’y confronter. Erdogan accuse le gouvernement allemand de négligence à cause de la situation dans laquelle vit la communauté turque en Allemagne. Selon Erdogan, l’Allemagne a attendu trop longtemps pour énoncer des politiques sociales adéquates pour intégrer les turcs dans la société allemande, et ce alors même que son gouvernement ne propose pas le soutien social adéquat pour les Syriens qui vivent en Turquie.
Je me demande réellement ce que le ministère de la famille et des politiques sociales a fait ces deux dernières années pour s’occuper de cette question. Je crains que la position des réfugiés ne devienne bien plus difficile si cette atmosphère de haine s’envenime et s’amplifie. Comme le disait le grand écrivain suisse Max Frisch sur les ouvriers turcs en Allemagne, « nous voulions des travailleurs, mais nous avons eu des êtres humains ». Il est important de se rappeler qu’aucun de ces peuples ne souhaitait quitter ses possessions, sa vie en fait, pour vivre une vie de réfugiés dans un autre pays. Il est important de ne pas oublier qu’ils sont humains, comme nous.
Gunal Kursun
g.kursun todayszaman.com