Depuis trois ans, un millier de personnes se sont installées dans un bâtiment désaffecté de la cité universitaire de Cachan. Parmi elles, une moitié sans titre de séjour et environ 200 enfants. Propriétaire des lieux, le Crous a fait établir un constat d’insalubrité qui a servi de base, en avril 2004, à une décision d’expulsion collective du tribunal administratif de Melun. Les « 1000 de Cachan » se sont organisés et un comité de soutien s’est formé. Pendant longtemps, la préfecture a laissé croire qu’elle avait renoncé à une expulsion collective. En fait, elle jouait la carte de la division des résidents et du pourrissement, sans apporter un début de réponse satisfaisante aux revendications principales : pas d’expulsion sans relogement, régularisation des sans-papiers.
L’expulsion du 17 août était directement téléguidée par le ministère de l’intérieur, histoire d’illustrer la méthode Sarkozy. Ce fut une grande rafle : les accès étaient bouclés, les habitants ont été disposés en file indienne avec leurs affaires avant d’être triés : les sans-papiers remplissaient les fourgons en direction des centres de rétention ; les personnes en situation régulière étaient transportées par car vers des hôtels réquisitionnés. Beaucoup d’hommes étaient partis travailler avant l’entrée en action des flics. Certains ont été cueillis dans les gares RER voisines. On avait libéré de la place pour eux en centre de rétention. En fin de journée, des familles reviennent sur les lieux et décident de camper sur place. Des orages violents éclatent, mais n’entament pas leur détermination. Les plus décidées à refuser le logement en hôtel étaient les femmes. Se retrouver avec toutes ses affaires dans une chambre, ne pas pouvoir faire la cuisine et devoir renoncer à son emploi à cause de l’éloignement, tout cela pour un hébergement provisoire, qui accepterait ? D’autant que la police avait placé un dispositif au pied des hôtels et des interpellations dans les chambres ont été rapportées. Lorsque la police décide de charger les familles restées sur place, le 18 août, elle fait quatre blessés, parmi lesquels Annick Coupé. Mais les familles n’en démordent pas et le maire PS de Cachan les autorise à s’installer dans le gymnase voisin. Elles ont réussi à rester ensemble pour continuer à revendiquer un logement décent, la régularisation, le respect de la scolarisation des enfants. Mais le maire donne des signes de plus en plus inquiétants : le gymnase doit être libéré à la rentrée scolaire, dit-il.
Les résidents de Cachan placés en rétention ne sont pas faciles à expulser. Les mobilisations pour informer les passagers à Orly et à Roissy ont parfois conduit à reporter l’éloignement. Mais la solution est politique : en finir avec les expulsions du territoire ou des logements, c’est en finir avec la primauté de la propriété sur les droits fondamentaux. Bref, avec notre société d’exclusion.