Il est évident qu’une victoire aux prochaines élections et la conservation non seulement de la présidence de la République mais aussi de la majorité à l’Assemblée nationale constituent une condition élémentaire pour le maintien du processus bolivarien. Chavez doit gagner – et il le fera – pour asséner un nouveau coup à une droite affaiblie et à la pression des Etats-Unis, qui s’accentuera dès que l’échéance électorale aux Etats-Unis sera passée, que ce soit Barack Obama qui l’emporte ou, avec encore plus d’évidence, l’homme des cavernes qu’est Mitt Romney.
Mais la droite vénézuélienne, qui compte avec le soutien de plus d’un tiers de l’électorat, n’est pas seulement composée d’oligarques et de fascistes. De larges secteurs des classes moyennes et même des ouvriers voteront aussi pour elle parce qu’ils sont mécontents face à l’insécurité, à la corruption dans l’appareil d’Etat, par l’imposition des candidats du PSUV (qui n’a aucune indépendance et n’est qu’un instrument bureaucratique gouvernemental) et par le verticalisme dans l’adoption de toutes les décisions. Ces ouvriers et ces petits-bourgeois pauvres ne sont pas des contre-révolutionnaire ni des agents de l’impérialisme, comme le sont leurs principaux candidats et dirigeants, ce sont des conservateurs ou des néolibéraux que le processus bolivarien, au lieu de les mettre dans le même sac avec ceux qui veulent revenir en arrière, devrait tenter de gagner ou de neutraliser, afin de les séparer de ceux qui les conduisent aujourd’hui au désastre.
En même temps, ceux qui votent pour Chavez ne sont pas aveugles face aux problèmes de la corruption, du verticalisme, du bureaucratisme, de la direction militaire d’un processus qui exige, par contre, la plus large participation décisive de la population, la discussion ouverte des diverses options possibles pour résoudre les grands problèmes, le contrôle populaire des réalisations et des institutions gouvernementales. Des centaines de milliers d’entre eux se sont mobilisés, ont mené des grèves qui ont été réprimées et ils s’opposent à la manière avec laquelle ont été désignés des candidats bien souvent autoritaires et bureaucrates, à l’asphyxie de la démocratie de base. Mais, en dépit de toute cela – par maturité politique – ils voteront pour Chavez contre la droite nationale et internationale sans se laisser tromper par la propagande pseudo « de gauche » des loups déguisés en agneaux qui suivent Capriles.
Les élections devraient être l’occasion de favoriser leur auto-organisation et leur politisation parce que la base du chavisme est la garantie réelle de la préservation du processus bolivarien, c’est cette force qui brisa les putschistes avec sa mobilisation dans les rues lors du coup d’Etat contre Chavez (en avril 2002, NdT).
Au lieu de présenter une candidature indépendante et antichaviste, comme celle du syndicaliste combatif Orlando Chirino, séparant les socialistes des chavistes, la gauche révolutionnaire aurait du travailler ensemble avec les chavistes partisans du socialisme pour renforcer l’auto-organisation des travailleurs et, après la défaite de la droite, livrer bataille dans de meilleures conditions contre le verticalisme et les bureaucrates-technocrates qui espèrent la disparition d’Hugo Chavez pour contrôler l’appareil d’Etat. Car les grandes batailles se livreront après le mois d’octobre.
D’une part, parce que la défaite électorale de la droite ne lui laisse plus d’autre possibilité que le coup d’Etat (qu’elle ne peut réaliser aujourd’hui) ou l’assassinat de Chavez et l’oblige à flirter avec la droite bureaucratique chaviste afin de préparer l’après-chavisme. L’autre possibilité – une agression militaire à partir de la Colombie – est aujourd’hui écartée ou retardée grâce à la diplomatie cubaine et vénézuélienne qui a pacifié la frontière entre la Colombie et le Venezuela en ouvrant la voie à la paix entre le gouvernement de Bogota et les FARC et l’ELN. Cela enlève tout prétexte aux militaires réactionnaires colombiens et aux Etats-Unis pour une quelconque provocation et, en même temps, encourage des centaines de milliers de paysans colombiens déplacés à retourner sur leurs terres où il s’affronteront aux paramilitaires et aux narcotrafiquants.
D’autre part, parce que Chavez, avec son omniprésence, n’a pas permis le développement d’une équipe révolutionnaire qui puisse le remplacer. Il a au contraire donné du pouvoir à des secteurs conservateurs et droitiers mais qu’ils considèrent loyaux envers sa personne, comme Diosdado Cabello et tant d’autres. Le bonapartisme ouvre toujours la voie à la transition bureaucratique et vers la contre-révolution. En conséquence, pour éviter ce péril, la victoire électorale devrait offrir les bases nécessaires à ce que le peuple vénézuélien créé et développe son propre pouvoir à la base face à ceux qui ne l’utilisent que pour leur propre intérêt afin de se substituer à ces derniers.
Les élections sont un mélange entre un processus démocratique et légal de résolution des conflits, une lutte de classes aigue déguisée et mesurée, et un conflit au sein du processus bolivarien lui-même entre une caste bureaucratique-technocratique qui s’affirme dans le gouvernement, Hugo Chavez qui agit d’une manière bonapartiste et, enfin, l’impulsion à la base en faveur de la construction des éléments du pouvoir populaire.
L’évolution mondiale des prix pétroliers – qui détermine les marges dont dispose le gouvernement Chavez – et l’évolution de la santé du Commandant lui-même sont des éléments incontrôlables et qui continueront à avoir un poids important dans l’évolution du processus bolivarien après les élections d’octobre. Si les prix pétroliers chutent à cause d’une baisse de la consommation consécutive à la crise, c’est la lutte pour la distribution de la rente pétrolière entre les différentes classes et secteurs vénézuéliens qui va s’aiguiser. Si la maladie du président s’aggrave en 2013, la lutte pour le remplacer mettra à l’ordre du jour une alliance entre la droite chaviste et le secteur le plus ouvert au dialogue de l’opposition afin de contrôler le pouvoir par une sorte de coup d’Etat non sanglant et bureaucratique.
C’est pour cela qu’il est fondamental d’utiliser les élections afin de semer les idées socialistes, augmenter la politisation et la conscience des travailleurs et du peuple pour construire un pouvoir populaire, en luttant pour la victoire de Chavez, mais sans se subordonner au chavisme bureaucratisé.
Guillermo Almeyra