Résumé
Pendant la guerre d’Algérie, le premier réseau de soutien au FLN a été celui de la IVe Internationale. La section française, regroupée autour de Pierre Frank, soutient le FLN, considéré comme la direction de l’insurrection algérienne, parce que les trotskistes approuvent les revendications d’indépendance des peuples colonisés, mais aussi parce qu’ils espèrent déstabiliser le système capitaliste français et étendre la « révolution coloniale » en Europe. Outre les activités « classiques » des « porteurs de valises », le réseau trotskiste a mis en place deux opérations d’envergure sous l’impulsion de Michel Raptis dit Pablo, dirigeant d’origine grecque de l’Internationale. Une usine d’armes pour le FLN a d’abord été installée au Maroc à partir de 1960, avec des volontaires de différentes nationalités. Pablo a aussi tenté de fabriquer de la fausse monnaie française pour le FLN, ce qui a entraîné son arrestation et un procès à Amsterdam. Pablo et ses partisans se sont installés en Algérie après l’indépendance jusqu’au coup d’État de Boumediène en 1965, et Pablo a été l’un des conseillers de Ben Bella. Le réseau de la IVe Internationale a rencontré moins d’écho dans l’opinion que les réseaux Jeanson ou Curiel, il a concerné moins de militants, mais a été très efficace sur le plan pratique, s’est engagé au prix de certaines illusions dans le soutien le plus poussé. Les trotskistes ont participé ainsi à un mouvement qui dépassait leur influence habituelle, très minoritaire. Ils en ont cependant recueilli peu de bénéfices politiques : les querelles internes reprennent le dessus et se soldent en 1965 par la scission de Pablo et de ses partisans.
La résistance française à la guerre d’Algérie est connue à travers les « porteurs de valises », ces Français(es) engagé(es) dans les réseaux de soutien au FLN, et dont l’une des principales activités consistait à transporter les cotisations prélevées par l’organisation nationaliste sur les quelque 220 000 Algériens présents en métropole (ils seront 350 000 en 1962) [.. Parmi ces réseaux, les plus célèbres sont le réseau Jeanson, organisé par le philosophe Francis Jeanson, disciple de Jean-Paul Sartre et gérant des Temps modernes, qui se met en place à partir de 1957 [2] et le réseau Curiel, du communiste internationaliste d’origine égyptienne Henri Curiel, assassiné en 1978 à Paris [3]. Les nombreuses arrestations opérées par la DST dans le réseau Jeanson en 1960 sont à l’origine du procès mémorable de septembre et octobre 1961, qui donna lieu au Manifeste des 121, texte dans lequel des personnalités intellectuelles et du monde du spectacle, de Sartre à Simone Signoret en passant par Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet et Nathalie Sarraute, déclaraient soutenir l’insoumission et l’aide au FLN. Ces réseaux sont les plus connus pour diverses raisons : la notoriété tout d’abord de ceux qui y ont participé, parmi lesquels on comptait de nombreuses personnalités issues des milieux de la presse ou de la culture. Mais aussi une médiatisation accrue du fait des arrestations et des procès qui ont, paradoxalement, mis sous le feu de l’actualité, puis de l’histoire, des activités qui par essence étaient clandestines. Enfin, le caractère œcuménique de ces réseaux, qui regroupaient aussi bien des chrétiens progressistes comme l’abbé Davezies, des communistes en rupture de ban comme Étienne Bolo, des militants du PSU comme Jacques Charby, a permis de constituer une représentation plus « fédérative » de leur démarche au sein de la gauche, dans la mesure où leurs ambitions politiques semblaient se limiter au combat pour l’indépendance de l’Algérie, sans autres présupposés idéologiques. Le combat des « porteurs de valises » est ainsi ramené sur un plan plus « humanitaire » que politique.
Les réseaux Jeanson et Curiel n’ont cependant pas été les seuls ni même les premiers réseaux d’aide au FLN. Le premier réseau qui s’est constitué en tant que tel pour soutenir le FLN est lié à la section française de la IVe Internationale, organisation créée en 1938 par Léon Trotski et une partie de l’opposition communiste de gauche. Le PCI (Parti communiste internationaliste) trotskiste, en lien constant avec l’Internationale, constitue un réseau aux multiples activités : fabrication de faux papiers, impression de tracts et de matériel de propagande pour le FLN, « caches » pour les militants recherchés par la police. La structuration de ce réseau international repose en grande partie sur un dirigeant historique de l’Internationale, le trotskiste d’origine grecque Michel Raptis, dit Pablo. C’est sous son influence directe que le réseau de la IVe Internationale s’engagera dans un soutien sans équivalent pour le FLN : aux activités communes à tous les réseaux s’ajoutera en effet la fabrication d’armes et de fausse monnaie pour les nationalistes algériens. Mais Pablo sera aussi l’un des chefs de file des « pieds rouges » trotskistes qui s’installèrent en Algérie après l’indépendance avec l’espoir d’y construire le socialisme : il fut à ce titre l’un des conseillers de Ben Bella. Quelle part ont pris les trotskistes de la IVe Internationale dans la solidarité concrète qui s’est manifestée en Europe et en France, et quel rôle fondamental a joué Pablo dans les actions d’envergure auxquelles cette solidarité a donné lieu ? Quels espoirs, quelles illusions, communs à une partie de l’extrême gauche, ont guidé sa réflexion et sa pratique durant la guerre d’Algérie et la période qui a suivi ? Dans quelle mesure ses activités ont-elles permis à la IVe Internationale de s’insérer dans la dynamique du combat contre le colonialisme, tout en créant paradoxalement de nouvelles lignes de fracture au sein de cette organisation ?
Pablo, un « révolutionnaire professionnel » au service de la IVe Internationale
Le personnage de Pablo représente, dans la lignée de Lénine ou Trotski, le type même de l’intellectuel révolutionnaire, dévoué à la cause du prolétariat, exilé de pays en pays mais infatigable organisateur, théoricien des luttes et en même temps engagé dans un combat quotidien. Mikhalis Raptis est né en 1911 à Alexandrie, en Égypte, mais ses parents vivent en Grèce dès 1916 [4]. Il est étudiant à Athènes à l’École polytechnique, où il acquiert son diplôme d’ingénieur urbaniste. Il adhère en 1928 à un groupe communiste dissident et semi-clandestin, et se situe assez tôt dans l’opposition de gauche. Il est très proche de Pantelis Pouliopoulos, dirigeant historique du trotskisme grec, fusillé en 1943 par l’armée italienne, et appartient à partir de 1934 à l’OKDE (Organisation communiste internationaliste de Grèce) qui regroupe les différents groupes communistes dissidents. Il rencontre en 1936 celle qui sera sa compagne toute sa vie, et dont tous ceux qui l’ont connu soulignent l’influence qu’elle avait sur lui [5][5] Entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000 à..., Hélène, responsable des Jeunesses communistes. Raptis est arrêté la même année après le coup d’État du dictateur Metaxas, il est interrogé et frappé avant d’être déporté sur une île. Il est libéré en 1937, expulsé de Grèce et il s’installe à Paris avec Hélène. Il participe en 1938 au congrès de fondation de la IVe Internationale en tant que délégué de la section grecque. Il devient alors Michel « Pablo » et pendant la guerre il fait profiter les groupes trotskistes français de son expérience de la clandestinité. Il participe notamment à la publication de la presse, y compris le journal Arbeiter und Soldat adressé aux soldats allemands. Michel Raptis est un véritable intellectuel, avec tous les aspects de l’image d’Épinal de l’intellectuel maladroit et naïf qui manque de sens pratique [6]. Ses proches soulignent l’influence de sa compagne Hélène, au caractère parfois autoritaire, militante trotskiste mais sans tâches dirigeantes, qui prodigue à son mari conseils et recommandations, contrebalançant par un esprit pragmatique les « naïvetés » éventuelles de Pablo [7. Il est aussi paradoxalement un organisateur hors pair, qualités évidentes au sortir de la deuxième guerre mondiale, et qui lui permettront de porter à bout de bras l’activité internationale d’aide au FLN de la IVe Internationale.
Pablo est en effet le principal artisan et l’arbitre de l’unification des divers groupes trotskistes (principalement le CCI, Comité communiste internationaliste, et le POI, Parti ouvrier internationaliste), qui a donné naissance au PCI à la fin de la deuxième guerre mondiale [8. Mais son rôle ne se limite pas à la section française et il exerce notamment la fonction de secrétaire général de la IVe Internationale à partir de 1946 [9. Il est notamment l’un des principaux théoriciens de l’Internationale, et il développe ses thèses, qui sont majoritaires dans l’Internationale, dans différents ouvrages, principalement La construction du parti révolutionnaire et La guerre qui vient. Il écrit dans La guerre qui vient que « le capitalisme va maintenant rapidement vers la guerre car il n’a pas d’autre issue à moyen ou à court terme » et il parle d’une « guerre générale », d’une « guerre civile internationale qui serait essentiellement révolution » [10]. Malgré le caractère bureaucratique et stalinien du régime soviétique, Pablo préconise que dans une telle situation la IVe Internationale ne peut rester neutre et doit défendre l’URSS, dans l’espoir que sa victoire déclenche une vague de révolutions politiques et anticapitalistes dans le monde entier, dans le cadre d’un processus de « guerre-révolution » qui combinerait le conflit entre les « États ouvriers » et les pays capitalistes, et une série de soulèvements nationaux anti-impérialistes ou révolutionnaires dans les pays capitalistes. Il mène la bataille lors du IIIe Congrès mondial de la IVe Internationale en 1951 pour que cette orientation tactique et politique soit adoptée. Il s’agit d’une réorientation fondamentale car le IIe Congrès préconisait la construction de partis trotskistes indépendants. Pablo fait le constat de l’échec de cette stratégie et propose, compte tenu du rapport de forces défavorable, l’intégration dans le « réel mouvement de masse », soit le parti politique ouvrier le plus représentatif de chaque pays, là où ce parti existe. En France, c’est le Parti communiste français qui correspond à ce parti, et la majorité de la section française, dirigée par Pierre Boussel dit Lambert, par Marcel Favre-Bleibtreu et par Michel Lequenne, suivie par une minorité de l’Internationale, considère qu’il s’agit là d’une capitulation face au stalinisme et qualifie Pablo ainsi que la direction internationale de « révisionnistes et de liquidateurs prostaliniens » [10]. Les militants trotskistes français ne sont guère qu’une centaine [10], mais les divergences internes donnent lieu à de violentes controverses qui débouchent sur la rupture. L’extrême gauche privilégie les tensions internes sur l’ouverture à l’extérieur. Les dirigeants français refusent d’appliquer la discipline de l’Internationale qu’ils quittent car ils refusent d’être placés sous tutelle comme le souhaitait Pablo. Ses détracteurs qui font scission, « lambertistes » français et « healyistes » anglais, rendent involontairement hommage à Michel Raptis en accusant la IVe Internationale de « pablisme ». Pablo est en effet l’un des principaux dirigeants de l’Internationale, avec le Belge Ernest Mandel dit Germain, le Français Pierre Frank et l’Italien Livio Maïtan.
Sur la voie du soutien au FLN
L’insurrection du 1er novembre 1954 qui éclate en Algérie et marque le début d’une longue guerre de huit ans représente une surprise pour les trotskistes comme pour le gouvernement français, à la différence de taille qu’il s’agit d’une bonne surprise. Les militants d’extrême gauche sont, par internationalisme, portés à soutenir les revendications d’indépendance des peuples colonisés donc « exploités » et « opprimés », et ce d’autant plus que, selon le principe du « défaitisme révolutionnaire », tout coup porté à l’impérialisme de leur propre pays ne peut qu’y faire progresser la révolution. La IVe Internationale a noué des liens avec les différents mouvements d’indépendance qui se sont développés : elle soutient les luttes de libération nationale au Viêt-nam, en Algérie, même si ce sont des nationalistes qui les dirigent. Sa position est sans ambiguïté sur ce point : « Nos sections dans les pays impérialistes métropolitains et dans tous les pays capitalistes ont le devoir de défendre activement la lutte émancipatrice des peuples coloniaux contre l’impérialisme, même dans les cas où cette lutte est dirigée par des éléments nationalistes et démocrates-bourgeois. » [13]. En ce qui concerne l’Algérie, les liens avec Messali Hadj, dirigeant historique du nationalisme algérien, sont anciens : mais au moment de la scission avec les « lambertistes », ce sont ces derniers qui conservent des relations privilégiées avec celui qui va fonder le MNA, opposé au FLN dans une lutte aussi féroce que fratricide. Pablo et la IVe Internationale soutiennent sans hésitation les revendications d’indépendance mises en avant par le FLN, et accordent une grande importance à la dynamique qui vient de s’enclencher. Ainsi, dans un rapport interne au PCI de novembre 1954, Pablo affirme qu’un « nouveau chapitre est ouvert dans la lutte pour l’émancipation de ces pays » et que cette émancipation « ne pourra plus être stoppée » [14].
L’extrême gauche n’est pas unanime dans cette analyse des événements de la Toussaint 1954. Ainsi la Fédération anarchiste se contente d’une position de principe contre la répression, refuse de soutenir une organisation nationaliste, renvoyant dos à dos le FLN et l’État français et sommant les « prolétaires nord-africains » de ne pas lutter « pour remplacer l’Évangile par le Coran » [15]. La Fédération communiste libertaire, autre groupe anarchiste issu d’une scission de la FA, ainsi que le PCI « lambertiste » soutiennent le MNA de Messali Hadj, de manière presque inconditionnelle pour les trotskistes, moins exclusivement en ce qui concerne la FCL [16]. Le PCI tendance Frank et la IVe Internationale analysent le FLN comme l’organisation qui dirige la révolution algérienne, et décident dès lors de lui apporter prioritairement leur soutien. Pierre Frank écrit ainsi dans une lettre de mars 1961 : « Nous avons soutenu le FLN non parce que nous avions vu en lui une formation marxiste, mais parce qu’il menait une lutte effective, réelle, contre l’impérialisme français. » [17]. Cette position « pragmatique » permet à la IVe Internationale de jouer un rôle réel et non de simple témoignage pendant la guerre d’Algérie, malgré des positions très minoritaires dans un contexte qui verra le PS-SFIO, en la personne de son dirigeant Guy Mollet, se rallier en 1956, à son arrivée au pouvoir, à l’option répressive de la « pacification » de l’Algérie, tandis que le PCF, très frileux sur la question algérienne [18], vote les pouvoirs spéciaux qui permettent au gouvernement de Guy Mollet d’envoyer le contingent en Algérie.
La IVe Internationale, premier réseau de soutien au FLN
Une fois prise la décision de soutenir le FLN, les contacts sont rapidement établis avec la Fédération de France du FLN. C’est par l’intermédiaire d’Yvan Craipeau que les contacts se sont noués [19]. Yvan Craipeau est une figure du mouvement trotskiste français, secrétaire de Trotski en 1933, et dirigeant des activités trotskistes en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a cependant quitté en 1948 un mouvement trotskiste français qu’il jugeait trop sectaire, à la suite de l’échec de l’unification avec les Jeunesses socialistes en rupture avec le Parti socialiste [20]. Il milite depuis le début des années 1950 dans le milieu de la « Nouvelle Gauche » et constitue selon le mot de Laurent Schwartz un de ces « anciens trotskistes à vie » [21]. Contacté par un responsable du FLN qui lui demande une « aide concrète », Yvan Craipeau lui explique que la Nouvelle Gauche n’est pas le cadre politique le plus approprié pour un soutien de ce genre et propose de lui faire rencontrer des membres de la direction du PCI. La rencontre a lieu durant l’hiver 1954-1955 : Simonne Minguet – une des rares femmes parvenues à un poste de direction dans un parti trotskiste qui n’échappe pas à la surreprésentation masculine de l’ensemble de la classe politique – représente le Bureau politique du PCI, Pablo est là pour la IVe Internationale [22]. Pablo et Simonne Minguet proposent l’aide du PCI en France et en Europe. Le FLN veut s’implanter en métropole, où le MNA est mieux inséré, et doit pour cela convaincre les nombreux ouvriers algériens qui y travaillent. Le savoir-faire des trotskistes peut leur être précieux pour la diffusion de leur propagande. Ils se voient confier un tract et le premier journal du FLN, Résistances algériennes, dont ils assurent l’impression et la diffusion [23]. Pour la diffusion, les militants trotskistes déposent les paquets de tracts ou les journaux chez des commerçants ou des bars « tenus » par le FLN, comme s’ils venaient livrer des fournitures. Quant à l’impression, c’est Pierre Avot, ouvrier membre du PCI et compagnon de Simonne Minguet, qui est chargé de cette mission délicate : il s’agit tout d’abord de trouver des imprimeurs prêts à fermer les yeux sur les travaux qu’ils ont à effectuer. Pierre Avot s’occupera ensuite d’une imprimerie mobile transférée successivement dans différents lieux clandestins [24]. Henri Benoîts, ouvrier de Renault-Billancourt, membre du Bureau politique du PCI, est responsable de la liaison avec les Algériens pour la plupart des activités « matérielles », tandis qu’à un autre niveau Pablo rencontre les dirigeants de la Fédération de France [25]. Les contacts se font notamment avec un responsable étudiant qui s’occupe de la presse, Mohammed Harbi, aujourd’hui historien reconnu, auteur entre autres d’un ouvrage sur le FLN qui fait référence [26]. Très vite les services rendus par les trotskistes ne se limitent plus aux « publications » du FLN mais s’y ajoutent la production de faux papiers ou le transport de documents d’une frontière à l’autre, notamment grâce à Jacob Monetta, membre de la IVe Internationale, militant syndicaliste allemand du DGB, qui occupe à ce titre un poste à l’ambassade de RFA à Paris et dispose d’une valise diplomatique [27]. Les contacts sont bons entre les trotskistes et le FLN et un responsable FLN sera même invité au XIe Congrès clandestin du PCI en décembre 1955 [28].
Le réseau trotskiste est partagé dès les origines par des différences d’appréciation sur les limites à fixer pour la solidarité avec le FLN. Un premier incident qui met le PCI aux prises avec la répression est à ce propos révélateur. Les trotskistes reçoivent par la poste, à des adresses diverses, une partie du matériel du FLN, imprimée à l’étranger. En avril 1956, certains des paquets de journaux sont ouverts (accidentellement ou dans le cadre d’une investigation des douaniers) et interceptés. Ces paquets sont adressés à des boîtes au nom de militants qui sont arrêtés par la DST. Simonne Minguet et Raymond Bouvet sont membres du PCI et sont informés des activités de leur organisation, mais Janine Weil a quitté le mouvement trotskiste pour militer dans la Nouvelle Gauche et ne connaît pas l’usage clandestin de sa boîte postale, utilisée habituellement pour recevoir la revue théorique Quatrième Internationale. Une partie des militants du BP, et notamment les plus jeunes parmi lesquels Michel Fiant, poussent Pierre Frank, en tant que dirigeant de l’organisation, à assumer politiquement la responsabilité de la solidarité avec le FLN, ce qui permettrait par ailleurs de dédouaner Jeanine Weil de tout rôle dans cette affaire. Le débat est houleux car Pierre Frank est réticent à aller se livrer. Même pour un révolutionnaire, la perspective de séjourner en prison n’a rien de très réjouissant, mais il craint surtout les retombées sur l’organisation d’un soutien trop appuyé au FLN. Il ne tient pas à ce que le PCI tombe dans la clandestinité ou soit interdit. En définitive, le BP du PCI déclare publiquement que Pierre Frank « va se présenter au juge d’instruction pour assumer la responsabilité de l’une de ces adresses qui est celle de la revue Quatrième Internationale » [29]. Arrêté le 12 avril par la DST, il informe le juge d’instruction Giraud qu’il est le titulaire effectif de la boîte postale au nom de Jeanine Weil. Le PCI organise une campagne de solidarité à laquelle se joignent des personnalités comme Henri-Irénée Marrou, Edgar Morin, Francis Jeanson, Jean-Paul Sartre, Laurent Schwartz, Claude Bourdet et Gilles Martinet de la Nouvelle Gauche, qui signent tous une pétition de soutien aux emprisonnés [30]. Tous les militants trotskistes sont relâchés le 9 mai 1956 et les poursuites contre eux seront abandonnées faute de charges suffisantes pouvant prouver leur collusion avec le FLN [31]. Mais des divergences se font jour dans le mouvement trotskiste entre les partisans de la prudence et ceux qui veulent s’engager plus avant dans le soutien au FLN. Pablo se range résolument parmi ces derniers et constitue même leur chef de file. L’ensemble de l’organisation s’accorde néanmoins sur la nécessité de mettre en œuvre « non seulement un appui politique mais aussi, autant que possible, un appui matériel à la lutte révolutionnaire qui s’y poursuit » [32]. Si l’ « appui matériel » fait l’unanimité, les divergences portent sur le « autant que possible » : où commence, où s’arrête ce « possible » ? Pablo est de plus en plus celui qui s’occupe des questions coloniales et des réseaux trotskistes de solidarité avec le FLN, et à ce titre c’est lui qui fixe les limites de ce « possible ». Il s’établit aux Pays-Bas à partir de 1958 et rencontre régulièrement des dirigeants du FLN, tout en centralisant les activités de la IVe Internationale concernant la solidarité avec la révolution algérienne. Les sections allemande et belge sont notamment mises à contribution [33]. Louis Fontaine, ouvrier de l’usine de Vernon, et Pierre Avot sont permanents de la section française et s’occupent de l’imprimerie clandestine pour le FLN ainsi que de la fabrication de faux papiers [34]. Le soutien au FLN constitue l’activité principale d’une quinzaine de militantes et militants, les autres participent occasionnellement pour des actions ponctuelles [35].
Usine d’armes et fausse monnaie
Pour Pablo, la question des « révolutions coloniales » doit être l’une des priorités de l’Internationale, et il insiste particulièrement sur les aspects pratiques que cela implique : il s’agit, comme il l’explique dans un texte interne, d’ « éduquer dans l’action des couches plus ou moins larges sur le sens et la portée réels de l’alliance avec les peuples colonisés » [36]. Il précise dans le même texte : « Notre soutien à la révolution présente ne peut se contenter d’être épisodique, verbal et accessoire mais doit au contraire être constant, pratique et l’un de nos axes essentiels d’action. » Pablo a de grandes ambitions pour la IVe Internationale, et il affirme encore que « les aspirations, au moins dans une aile de la jeunesse, tendent au soutien de la révolution coloniale : nous devons être les organisateurs de cette tendance ». Pour lui, le centre de la révolution mondiale est la « révolution coloniale » et il va consacrer toute son énergie à cette question. En conformité avec les positions qu’il défend dans sa propre organisation, Pablo mènera personnellement plusieurs actions d’envergure en marge du soutien « traditionnel » commun à tous les réseaux de « porteurs de valises ». Il organise ainsi la création d’une usine d’armes au Maroc et la fabrication de fausse monnaie pour le FLN. Pour comprendre comment Pablo assume pratiquement toute la responsabilité du soutien au FLN assuré par la IVe Internationale, il est nécessaire d’analyser le fonctionnement d’une telle organisation, qui n’est pas des plus simples compte tenu du caractère à la fois minoritaire et international de cette organisation. Le centralisme démocratique revendiqué par les statuts, établis lors du IIe Congrès mondial de 1948, se traduit dans les instances de l’organisation par la création d’un comité exécutif international (CEI) élu, lequel CEI élit un secrétariat international (SI), basé en Europe [37]. Ce SI organise véritablement, entre les congrès mondiaux, la vie de l’Internationale, et prend les décisions pratiques. Depuis la scission de 1952 cette direction de l’Internationale est marquée par le poids de quatre figures fondamentales du mouvement trotskiste de l’époque, le Grec Michel Raptis, le Belge Ernest Mandel, le Français Pierre Frank et l’Italien Livio Maïtan [38]. Mais cette direction elle-même n’est pas homogène, les désaccords sont importants sur le rôle de l’Internationale dans l’aide à la révolution algérienne, et Pablo dispose d’une certaine marge de manœuvre, d’autant plus qu’il peut compter sur le soutien d’une partie importante des sections hollandaise, danoise et française [39]. Il peut ainsi contourner les réticences de Frank, Maïtan et dans une moindre mesure Mandel, qui craignent qu’une activité d’aide au FLN trop soutenue mette en danger ou discrédite l’organisation, et fasse négliger d’autres priorités [40].
Michel Raptis entretient des rapports chaleureux avec les dirigeants du FLN, rapports qui sont d’ailleurs réciproques [41]. Il en retire une représentation trop « progressiste » du FLN, et espère notamment contribuer à la politisation du mouvement, dans un sens marxiste-léniniste bien entendu, et éventuellement recruter quelques militants pour la IVe Internationale dans le cadre du processus révolutionnaire en cours [42]. Il n’est d’ailleurs pas le seul à partager ces espoirs qui sont ceux de beaucoup de militants du réseau trotskiste. Les entreprises du réseau seront à la mesure de ces espoirs, de ces illusions. Pablo et la IVe Internationale vont tout d’abord mettre en place une usine d’armes pour le FLN au Maroc. Ce projet est le fruit d’une collaboration étroite entre les trotskistes et l’organisation nationaliste algérienne. L’idée d’une telle usine a été proposée par Pablo aux dirigeants algériens, qui l’ont acceptée [43]. Le FLN en effet est soumis à des difficultés certaines pour se procurer les armes nécessaires à la révolution. De mystérieux attentats ont provoqué la mort de divers trafiquants qui vendaient des armes aux nationalistes algériens. La responsabilité des services spéciaux français ne fait guère de doute, ce qui amène à réfléchir ceux qui pourraient être tentés par un semblable commerce [44]. Des arraisonnements de navires battant pavillon britannique ou yougoslave, qui transportaient des armes, ont eu lieu du fait de l’armée française, et l’approvisionnement ne se fait plus qu’avec difficulté [45]. Dès lors, la possibilité pour le FLN de produire ses propres armes est plus que symbolique. Le FLN achète donc au Maroc une grande propriété près de Kenitra, avec des rangées d’orangers qui servent de couverture aux activités secrètes de l’usine : de l’extérieur tout pourrait laisser croire à une fabrique de confiture d’oranges. Pablo et un de ses camarades grecs se chargent d’acheminer des machines (tours, fraiseuses, raboteuses) par l’intermédiaire de filières depuis les pays de l’Est. Des ingénieurs proches de la IVe Internationale sont mis à contribution et l’usine est opérationnelle au début de 1960, en cinq unités dispersées [46]. L’usine est à l’image des différentes filières internationales utilisées : les tours sont chinois, de nombreuses autres machines yougoslaves ou tchèques, les treillis des ouvriers (ils portent tous le même uniforme) sont américains, leurs sous-vêtements chinois [47]. Quant aux ouvriers, ils viennent eux aussi de divers pays et sont des ouvriers qualifiés : les Algériens représentent la majorité, mais les trotskistes et les membres d’autres réseaux (en particulier les réseaux allemands) ont fourni un contingent d’ouvriers. Si le chef d’atelier est hollandais, un groupe de trotskistes argentins, un trotskiste grec, deux Allemands sans appartenance politique, des Anglais travaillent aussi dans l’usine [48]. Après de longues discussions, Pablo et ses camarades ont réussi à faire admettre au FLN le principe de la participation de militants français, et un ouvrier français fabrique donc des armes pour le FLN [49]. C’est Louis Fontaine qui est affecté à cette usine clandestine pour la section française : il est déjà clandestin et en fuite depuis la découverte par la DST du local abritant l’imprimerie clandestine. Pierre Avot et Louis Fontaine sont pris en charge par l’Internationale et sortent du territoire français. Pierre Avot est exfiltré en Italie, auprès de sa compagne Simonne Minguet, membre du secrétariat international (SI) dont le siège est désormais en Italie. Louis Fontaine se rend en Allemagne et la section trotskiste allemande se charge de lui [50]. Il se porte volontaire pour se rendre à l’usine FLN mise en place par la IVe Internationale, dont il a entendu parler mais qu’il croit être en Égypte. La section allemande se charge donc de son voyage vers le Maroc, et lui fournit une fausse carte d’identité mais pas de passeport. Malgré des problèmes avec la police marocaine à l’aéroport, il est pris en charge par le FLN à Rabat et transféré vers l’usine. L’unité à laquelle il est affecté comprend une centaine d’ouvriers en comptant les gardes qui surveillent l’enceinte fermée de l’usine. Les ouvriers dorment dans des baraques en planches à quelques kilomètres de l’usine, et sont transportés sur leur lieu de travail la nuit dans des camions bâchés. Ils sont enfermés, à l’écart du monde extérieur, et ont droit à une sortie en camion tous les deux ou trois mois, pour aller sur une plage. Les non-Algériens disposent de plus de liberté, et Louis Fontaine rencontre ainsi régulièrement Pablo à Rabat [51]. L’usine permet la mise au point de mortiers, de mitraillettes et de grenades [52]. La qualité de ces armes n’est pas des plus performantes [53], mais le FLN fabrique ses propres armes pour l’ALN, le symbole est là, et Boussouf, ministre GPRA de la Guerre, va même visiter cette usine [54]. Pablo s’y rendra aussi pour prononcer un discours à l’occasion de la 5 000e mitraillette construite [55]. Louis Fontaine va travailler deux ans dans cette usine jusqu’à l’indépendance algérienne [56]. L’apport de la IVe Internationale, et notamment de la section française, pour l’usine au Maroc du FLN, touche à un point sensible de la solidarité avec les Algériens. Les armes qui sont fabriquées dans cette usine sont vouées à être utilisées contre des soldats français, et les trotskistes ne s’embarrassent pas en ce domaine d’hésitations qui ont pu faire refuser à certains porteurs de valises de transporter des armes. Le soutien n’est pas seulement « humanitaire » ou politique mais militaire, il y a là un appui sans équivalent par rapport aux autres réseaux avec toutes les conséquences qui en découlent. La responsabilité politique n’est pas la même, et l’engagement est d’autant plus délicat dans une entreprise où l’action de l’Internationale se confond avec celle du FLN. Le risque est réel, si l’on regarde uniquement les faits, de n’apparaître que comme une organisation supplétive du FLN. Il est d’autre part difficile de garder une distance critique quand de telles actions communes sont engagées ; mais l’heure, pour les trotskistes, n’est pas à la distance critique et c’est l’action qui prime.
Michel Raptis va engager la IVe Internationale dans une autre action d’envergure aux conséquences importantes. Il s’agit de fabriquer de la fausse monnaie française pour l’usage du FLN. Ali Haroun attribue l’idée de ce projet à sa personne et à Omar Boudaoud, dirigeant de la Fédération de France du FLN, en 1958 [57]. La mise en place du « nouveau franc » par le général de Gaulle, et la surimpression de la mention « 100 NF » sur les anciens billets de 10 000 F en cours sont à l’origine du projet. À cette occasion, un grand nombre de nouveaux billets doit être mis en circulation, et les deux Algériens pensent que dans ce contexte il doit être possible d’écouler de la fausse monnaie [58]. L’idée avait déjà été émise au sein du FLN l’année précédente par Cherchali Hadj, mais il n’y avait pas eu de suites [59]. Le but recherché par les Algériens est double : tout d’abord si la fausse monnaie est répartie parmi toute l’émigration en France, il est possible d’écouler de grosses sommes dans un délai relativement court, et de récupérer ainsi de vrais billets ; mais d’autre part Boudaoud et Haroun espèrent aussi, de manière plutôt audacieuse et à vrai dire peu raisonnable, déstabiliser l’économie française [60]. Reste le principal problème : l’impression. Le FLN fait alors appel à Pablo, ce qui prouve la confiance dont il créditait les trotskistes pour des affaires de cette nature [61]. Il ne porte pas d’appréciation sur le projet mais se fait fort de le faire aboutir [62]. Il a certes un moment d’hésitation, et demande ainsi son avis à Mohammed Harbi, celui des Algériens avec qui il entretient les meilleurs rapports. Ce dernier, qui n’est pas un farouche partisan du projet, et qui par ailleurs est en désaccord politique avec la direction de la Fédération de France à tel point qu’il va démissionner au cours de l’année 1958, lui déconseille l’aventure. Il pense en effet que la logistique du FLN n’est pas sûre, les cadres trop surveillés par la police et les services spéciaux français, et que l’entreprise a peu de chances d’aboutir [63]. Il craint aussi pour Pablo si l’entreprise était découverte : le Grec, s’il est expulsé dans son pays, risque gros. La suite prouvera que ce n’est pas du côté du FLN que des défaillances auront lieu. La plus rigoureuse clandestinité est requise pour ce genre d’activité, et Pablo n’en réfère même pas à l’ensemble du secrétariat international : il n’en parle qu’à Mandel, et encore de manière allusive [64]. Pablo s’appuie sur Salomon Santen, dirigeant néerlandais de la IVe Internationale, membre du SI, et ensemble ils s’adressent à un imprimeur libertaire d’Amsterdam avec qui ils ont déjà travaillé pour établir de fausses cartes d’identité. Albertus Oeldrich est un ancien membre des Brigades internationales, résistant pendant l’occupation des Pays-Bas par les nazis, et Salomon Santen le connaît bien [65]. Oeldrich est le seul imprimeur dont Pablo et Santen peuvent s’assurer le concours pour cette affaire de fausse monnaie : ils ont toujours entretenu de bons rapports avec lui et il ne leur a jamais fait faux bond [66]. La décision politique est prise en mars 1959 par la direction FLN et Pablo commence à mettre en place le projet [67]. Santen, Oeldrich et Pablo commandent des machines spécialisées, presse automatique, machine à découper et presse offset : tout est disponible en novembre 1959 [68]. Reste le problème du papier : c’est en janvier 1960 qu’une société d’Amsterdam accepte d’en livrer 1 000 kg [69]. Helmut Schneeweiss, ancien militant ouvrier allemand pourchassé par les nazis pendant la guerre, protégé par des trotskistes à cette occasion, parvient à trouver un local dans sa ville d’Osnabrück en Allemagne [70]. Tout est en place, il ne manque que des billets pour servir de modèles. Pablo s’adresse à Pierre Avot et lui demande de lui fournir une liasse de billets français avec l’anneau de la Banque de France, comme ceux qui sortent de cette même Banque de France. Clandestinité oblige, Pierre Avot n’est pas mis au courant de l’affaire de fausse monnaie, mais il se doute bien entendu de l’activité qui va être mise en œuvre au vu des demandes qui lui sont formulées [71]. Ce n’est pas Omar Boudaoud en personne qui s’occupe de l’affaire de la fausse monnaie mais Ahmed Abbas, et il s’acquitte de sa tâche avec une grande rigueur [72]. Mais Oeldrich ne peut pas travailler seul, et il est aidé par Schneeweiss et par Hubertus Hompe, un ami hollandais spécialisé dans l’impression. Les conditions de travail sont strictes, certes pas autant que pour les ouvriers de l’usine au Maroc, mais Oeldrich et Hompe évitent de sortir, restent toute la semaine à l’imprimerie à Osnabrück pour ne rentrer que le week-end à Amsterdam [73]. Ces précautions sont inutiles : Hubertus Hompe, renvoyé de l’imprimerie nationale à Amsterdam pour faute grave [74], est un indicateur manipulé par les services secrets hollandais en la personne de Joop Swart, un agent ou un indicateur du BVD (police secrète hollandaise) [75]. Joop Swart, qui se dit « imprimeur-publiciste » [76], est lié aux services secrets et emploie Hubertus Hompe [77][. Oeldrich, sans en référer à Pablo ou aux Algériens, lui a déjà demandé de l’aider pour la fabrication de faux papiers et s’adresse encore à lui pour l’affaire des faux billets [78]. Hubertus Hompe est un individu falot, aisément manipulable, qui ne maîtrise pas tous les tenants et les aboutissants de l’affaire : Pablo parlera lors de son procès d’un « être mentalement diminué dont on a exploité les conditions particulières, pour en faire un vulgaire indicateur des services secrets » [79]. Le fait est que la police intervient alors que le travail est en bonne voie : le papier a été traité de manière à ressembler à du papier de lin utilisé pour les billets, l’effigie de Napoléon Bonaparte et le filigrane sont copiés de manière très convaincante, et les billets doivent être tirés le 11 juin [80].
Le 10 juin à 16 heures, la police allemande arrête au laboratoire secret d’Osnabrück Oeldrich, Hompe et Schneeweiss ; le même jour, la police hollandaise interpelle Raptis et Santen à leurs domiciles respectifs à Amsterdam ; enfin à 22 heures c’est Ahmed Abbas qui est arrêté à Cologne [81]. Tous les suspects sont interrogés par la police : Oeldrich craque, il avoue tout contre la promesse classique que ces aveux seront portés à son crédit lors du procès [82] ; Schneeweiss avoue également un certain nombre de faits. Pablo et Abbas, qui nient tout, sont furieux des aveux de ceux qui prétendaient avoir participé à la Résistance contre les nazis et qui s’effondrent face à la police d’une démocratie [83]. Pablo en veut par ailleurs à Oeldrich de n’avoir pas su choisir ceux avec lesquels il travaillait [84], tandis que Abbas adresse le même reproche au dirigeant trotskiste [85]. Les Algériens et les Européens ne suivront pas la même ligne de défense. Ahmed Abbas reçoit pour consignes de tout nier et de ne pas faire de l’affaire un procès politique. La Fédération pense qu’en Allemagne, où il est jugé du 1er au 22 avril 1961, l’opportunité d’un tel procès n’est pas évidente : « Continue à te défendre personnellement au mieux, c’est tout », lui est-il conseillé [86]. La IVe Internationale décide au contraire d’engager une campagne de solidarité internationale pour soutenir Raptis et Santen lors de leur procès à Amsterdam du 21 au 28 juin 1961 [87]. L’initiative de Pablo n’est pourtant pas sans provoquer des remous au sein de l’organisation, puisque Frank et Maïtan sont loin d’approuver ce qu’ils considèrent comme de l’aventurisme [88]. Mais l’heure est à la solidarité et non aux règlements de compte, d’autant plus qu’il s’agit non seulement de défendre deux dirigeants mais également de susciter une large solidarité avec la IVe Internationale. La ligne de défense est la suivante : Pablo revendique le soutien politique à la révolution algérienne et nie toute implication dans l’affaire de la fausse monnaie, assimilée à une manipulation policière. La tâche est facilitée par le fait que les billets n’avaient pas encore été imprimés. Mais les trotskistes tentent aussi, sur le modèle des procès du réseau Jeanson, de transformer le procès en réquisitoire contre la colonisation, donc en tribune politique. Des attaques vives sont également portées contre les manipulations des polices allemande et hollandaise. L’aspect politique de l’affaire est géré par les trotskistes en deux étapes : avant le procès et pendant le procès. Avant le procès, Pierre Frank écrit à de nombreuses personnalités françaises pour leur demander de soutenir Raptis et Santen lors du procès : André Breton, Pierre Naville, Laurent Schwartz sont entre autres sollicités [89]. Des lettres de Jean-Paul Sartre, de Michel Leiris, de Jean-Jacques Mayoux, de Claude Bourdet, de Maurice Nadeau, de Laurent Schwartz, sont envoyées au ministre de la Justice de Hollande [90]. Les soutiens français se comptent parmi les anciens trotskistes, parmi les signataires du Manifeste des 121 et parmi les membres les plus éminents du PSU. Mais la solidarité est internationale et Salvador Allende, candidat socialiste à la présidence chilienne et futur président, Michael Foot, dirigeant travailliste en Grande-Bretagne et futur adversaire de Margaret Thatcher aux législatives de juin 1983, mais aussi des personnalités du Pérou, de Nouvelle-Zélande, et de la gauche hollandaise, apportent un soutien aux deux accusés [91]. Durant le procès, Santen et Raptis multiplient à la barre les déclarations politiques pour attirer l’attention sur la situation en Algérie. Des témoins prestigieux sont appelés par la défense, tels l’historien Isaac Deutscher, auteur d’un Trotski, ainsi qu’un député travailliste anglais, mais aussi un avocat et un professeur belges qui témoignent sur les pratiques des services secrets, et pour la France Laurent Schwartz, Claude Bourdet, Michel Leiris. La veuve d’un résistant hollandais, Sneevliet, fusillé par les nazis, dont Santen a épousé la fille, vient également témoigner. Enfin Pierre Frank et Livio Maïtan sont présents à la barre [92]. Des manifestations de militants hollandais de gauche (certains appartiennent à des réseaux) sont l’occasion d’échauffourées avec les forces de l’ordre [93]. Le procès est l’occasion de faire l’apologie de la IVe Internationale et de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Pierre Frank est interrompu par le Président parce que son témoignage se transforme en réquisitoire contre le colonialisme français [94], Livio Maïtan et Sal Santen concluent tous les deux leur intervention par cette exclamation : « Vive la révolution algérienne ! Vive la IVe Internationale ! » [95]. Les deux accusés sont condamnés à quinze mois de prison, faible peine si l’on se réfère aux délits qui leur sont reprochés [96]. Les circonstances atténuantes sont retenues pour Abbas et Schneeweiss, qui sont condamnés à une peine de deux ans de prison, et pour Oeldrich qui se voit infliger une peine de deux ans et demi [97]. Ainsi le procès d’Amsterdam s’est transformé malgré le FLN en occasion de soutenir des partisans européens de la révolution algérienne et, grâce à ce soutien international, l’échec complet d’une opération hasardeuse s’est transformé en succès politique. Les dirigeants trotskistes n’en sont pas moins divisés entre ceux qui soutiennent l’action de Pablo, et ceux qui, une fois les nécessités de la solidarité passées, critiquent ouvertement la manière de procéder du dirigeant emprisonné. Les rancœurs ne se dévoilent pas tout de suite mais Frank, Maïtan et Mandel sauront mettre à profit l’absence de Pablo, qui purge sa peine [98], pour reprendre le contrôle de l’organisation [99]. Ils ne se priveront pas de critiquer durement les méthodes de Pablo, qui agit par « coups d’éclat », dont à leurs yeux l’affaire de la fausse monnaie n’est qu’un exemple. Mandel écrira ainsi le 15 septembre 1962 dans une lettre à la direction des sections pour dénoncer le risque d’ « abandonner la direction de l’Internationale à un seul “penseur” entouré de quelques éléments “dynamiques” qui se contentent d’exécuter ses ordres » et critique la « difficulté croissante que manifeste le camarade Pablo à collaborer ainsi en équipe » [100]. Mais la tentation de Pablo d’agir en solitaire et les violentes critiques d’une partie des autres membres de la direction masquent de réelles divergences dans l’appréciation du rôle de la révolution coloniale et de la IVe Internationale, qui n’éclateront que plus tard. Tant que les nécessités de la lutte et de la solidarité avec le FLN seront mises en avant par le combat quotidien et occulteront la réalité de l’organisation nationaliste, il n’y aura pas de controverse par rapport au travail concret effectué. C’est après l’indépendance que les interrogations se feront pressantes et que les illusions commenceront à se dissiper.
Pieds-rouges et tâches nouvelles
Les accords d’Évian de mars 1962 permettent de définir une nouvelle phase dans les rapports de solidarité des trotskistes avec les Algériens : le temps n’est plus à la clandestinité mais à un soutien ouvert et public. Ces accords représentent également une nouvelle phase de la révolution algérienne, puisque le FLN sera désormais confronté à l’exercice du pouvoir. Il ne s’agit plus de défendre une organisation en lutte contre le pouvoir national mais de soutenir de manière plus ou moins critique le nouveau régime qui se met en place. Pablo et la IVe Internationale analyseront la nature du nouveau régime pour tenter de comprendre les potentialités d’avancées sociales qu’il comporte et les groupes dirigeants à même de les mettre en œuvre. Les réflexions de Pablo et des trotskistes concernant la suite à donner à cette victoire se déclinent selon trois axes : l’aide à apporter à la jeune révolution victorieuse, l’analyse du nouveau régime, de ses luttes internes, des possibilités et des menaces qu’il recèle dans l’optique d’une révolution socialiste en Algérie, et, enfin, les mesures à prendre pour avancer en direction de cette révolution socialiste, « conseils » adressés au peuple algérien.
— Concernant le premier axe, la solidarité avec la révolution victorieuse, la IVe Internationale prend des initiatives au cours de l’année 1963 : en mars, Pablo parle d’organiser dès avril-mai une conférence avec des « représentants éminents du monde scientifique, technique, financier, intellectuel, syndical et politique de toute l’Europe occidentale, disposés à apporter une aide technique, culturelle, financière et humanitaire à l’Algérie nouvelle » [101]. Dans le même temps, une lettre du bureau du secrétariat international (SI) de la IVe Internationale recommande aux sections, et notamment aux éléments entristes, de mener une campagne envers les PC pour que « l’URSS et les États ouvriers adoptent rapidement une attitude résolue et organisent une aide économique d’envergure pour l’Algérie révolutionnaire » [102]. Dans cette même lettre, il est demandé aux sections trotskistes d’ « envoyer en Algérie des techniciens, des médecins, des instituteurs, des agronomes », mais aussi des « médicaments ». Jean-Michel Krivine, par exemple, organise une aide à la formation médicale en Algérie [103]. Le militant trotskiste, entriste dans le PCF [104], chirurgien, participait pendant la guerre d’Algérie aux activités d’un groupe de médecins qui soignaient gratuitement et anonymement les militants du FLN blessés : André Basch [105], Bernard Rueff et Stanislas Tomkiewicz en faisaient partie [106]. Le groupe [107]. Ce groupe de médecins... se rend durant l’été 1963 en Kabylie et crée la première école de formation paramédicale pour instruire de manière accélérée par des méthodes de pédagogie active le personnel soignant des fermes et villages autogérés [108]. Les cours sont donnés dans la ferme abandonnée d’un colon en communion avec la population et dans une ambiance très chaleureuse, malgré une formation qui peut atteindre dix-huit heures par jour [109]. L’expérience ne dure que deux mois et demi, mais les médecins de ce groupe s’investiront ensuite dans une aide sanitaire durant l’été 1964 [110]. Stanislas Tomkiewicz écrit notamment dans une revue médicale un article sur le « trachome », maladie des yeux provoquée par les mouches. Il y décrit la lutte contre cette maladie comme constituant une partie intégrante du combat pour la révolution et le socialisme [111]. L’atmosphère est à l’enthousiasme révolutionnaire, et tous ces militants ont le sentiment de participer à une véritable révolution socialiste.
— En ce qui concerne le deuxième axe, à savoir l’analyse des forces sociales en présence en Algérie, les trotskistes constatent la présence de « trois courants distincts : la gauche socialiste ou socialisante ; la droite “bourguibiste” ; le centre indécis et opportuniste » [112]. Le terme de bourguibiste fait référence à la possibilité d’une direction bourgeoise du nouveau régime, sur le modèle de la présidence d’Habib Bourguiba en Tunisie. D’après les trotskistes, cette droite est « numériquement très faible, aussi bien dans la base de la Révolution que dans la population algérienne » mais elle bénéficie de l’appui « de l’impérialisme et des féodo-bourgeois maghrébins » [113]. La gauche représente cependant selon les trotskistes « l’authentique expression de sa base révolutionnaire » et n’est « pas un mythe, mais une réalité vivante » [114]. C’est en direction de cette gauche que les trotskistes veulent porter leurs efforts et leur solidarité.
— Le troisième axe consiste à définir des mesures d’urgence à prendre par le gouvernement algérien pour s’orienter vers une révolution socialiste, « pour laquelle paysans et ouvriers ont consenti à des sacrifices surhumains » [115]. Du fond de sa prison, Pablo pose la question « qu’allez-vous faire de cette victoire ? » dès novembre 1961 [116][, et la IVe Internationale tente officiellement de proposer des mesures dans Quatrième Internationale de juillet 1962 [117]. Les mesures en question sont communes à Pablo et aux autres membres de la direction de l’Internationale. Les trotskistes recommandent au FLN de suivre le modèle cubain dans lequel Mandel croit distinguer la prise du pouvoir par des « forces semi-prolétariennes (plébéiennes de gauche) » [118]. Pour cela la priorité consiste à mener « une réforme agraire radicale » car la révolution « ne peut refuser, tarder même, de donner la terre aux paysans sans se trahir » [119]. Mais le cadre nouveau de développement de l’Algérie ne peut être qu’une « économie largement nationalisée, protégée par le monopole du commerce extérieur » [120]. Deux voies s’offrent à la révolution algérienne : « Une solution à la Tunisie bourguibiste, ou à la Cuba fidéliste. » [121]. Il va de soi pour Pablo et ses camarades que la première solution ne peut résoudre aucun des problèmes fondamentaux : « Indépendance par rapport à l’impérialisme, solution du problème agraire, industrialisation, élimination du chômage et de l’analphabétisme, libération des femmes » [122]. Pour satisfaire ces revendications, le FLN, direction de la lutte révolutionnaire, doit se transformer en « un parti socialiste, révolutionnaire, démocratique », avec « un programme politique et social mieux articulé et plus clairement défini » [123].
Les propositions de la IVe Internationale sont une chose. Reste à évaluer leurs chances d’être appliquées en Algérie. Sur cette question l’enthousiasme des trotskistes donne lieu à tous les pronostics : ainsi la revue Quatrième Internationale annonce dès juillet 1960 que « l’Algérie risque d’aller bien au-delà de Cuba, de la Guinée, et de donner une impulsion irrésistible à la révolution socialiste dans tout le Maghreb » [124]. Pour eux la gauche représente « l’immense majorité de la base révolutionnaire du FLN » [125] et la révolution ne peut s’arrêter à l’indépendance, en l’absence d’une bourgeoisie suffisamment développée. Les trotskistes sont conscients du « poids des coutumes et des croyances » mais espèrent que le FLN saura profiter de « l’enthousiasme immense de la révolution au moment de sa victoire, quand sa lave est encore chaude, quand l’énergie, la volonté, l’aspiration des masses pour un changement radical de leur condition humaine sont tendues à l’extrême, afin de leur faire franchir d’un coup les étapes décisives » [126]. Les masses doivent constituer un appui pour les nouveaux dirigeants, et l’issue socialiste de la révolution est assurée par le fait que « les masses ouvrières et paysannes, qui ont tant souffert et qui se sont aguerries dans une lutte contre un impérialisme puissant, exigeront impérieusement d’être payées comptant et vite » [127]. Les trotskistes comptent dans une large mesure sur la « poussée révolutionnaire des masses » pour entraîner les dirigeants [128]. Pablo s’engage dans un voyage de dix-sept jours durant l’été 1962 qui fait l’objet d’un rapport confidentiel le 25 août 1962 [129]. À son retour il est convaincu que la « Révolution sociale est commencée », même si en l’absence de force révolutionnaire l’armée (ALN) est la « seule force actuellement structurée dans le pays », car cette armée est dotée d’une « volonté révolutionnaire réelle ». Il est cependant conscient que la « Révolution sociale algérienne aura des débuts difficiles et chaotiques » à cause du « manque de cadres » et du « bas niveau culturel et politique » [130]. Mais une entrevue avec Ben Bella, dirigeant « sobre, modeste, réfléchi », l’a convaincu que le projet d’une Algérie socialiste est possible car pour Ben Bella la « logique d’un développement socialiste » de la Révolution est « inévitable » [131]. Ben Bella a d’ailleurs prêté une oreille attentive aux projets de Pablo concernant l’autogestion, qui doit constituer un embryon de contrôle ouvrier et paysan, l’amorce d’un véritable pouvoir prolétarien. Pablo annonce que la « commission africaine » mise en place par la IVe Internationale « a de toute manière décidé son installation en Afrique ». Cette commission regroupe une bonne partie de ses partisans français et quelques militants d’autres nationalités, c’est-à-dire un noyau de vingt personnes à peu près [132]. Maurel, c’est-à-dire Michel Fiant, se rend quant à lui trois semaines en Algérie en novembre et décembre 1962 et présente un rapport devant le comité central du PCI le 15 décembre 1962 [133]. Selon lui, on assiste à un « approfondissement de la marche au socialisme », mais pour cette révolution « très désordonnée en apparence » « il faut une boussole marxiste pour s’y retrouver dans les premières phases ». Il préconise donc d’« envoyer un camarade pour “dégager le terrain” » et pour accompagner Pablo et deux autres trotskistes qui « sont maintenant algériens ». Michel Fiant critique l’interdiction du Parti communiste algérien décidée par le FLN mais affirme que le soutien de l’organisation doit se maintenir en tant que « soutien critique » [134].
Le rapport d’un militant de la IVe Internationale nommé Driss [135] dans un article de discussion internationale du 10 octobre 1962 tranche avec les deux rapports précédents [136]. Driss critique d’abord la direction du FLN, atteinte de « bureaucratisation progressive et sensible », aux pratiques bourgeoises et constituée d’un « appareil hypertrophié ». Il n’y voit qu’un « conglomérat de fractions n’ayant en commun que la lutte anticolonialiste », ce qui rejoint l’opinion formulée par l’historien et ancien dirigeant de la Fédération de France Mohammed Harbi [137]. D’autre part pour Driss ces fractions sont en lutte et « le maintien de cette lutte sur une base de personnes, de clans, fractions, régions, et l’impossibilité de sa transposition sur un plan politique » représentent une « tare fondamentale dont a souffert et continue à souffrir la Révolution algérienne ». Driss affine l’analyse en décrivant « l’apolitisation des cadres dans leur majorité » et « l’apolitisation des masses dans leur totalité ». Cet état de fait engage directement la responsabilité du FLN « appareil bureaucratico-administratif, militaire et policier, se préoccupant du seul encadrement militaire des masses », dont la « phraséologie pseudo-marxiste, pseudo-révolutionnaire » s’explique par la « lutte dans un contexte mondial où la phraséologie “socialiste” s’était largement épanouie ». Or non seulement la direction FLN « n’a pas un seul instant mis en pratique son programme “révolutionnaire” », mais « elle a empêché directement et indirectement toute politisation des cadres », et ce « jusque dans les prisons ». Ben Bella est qualifié de « Bonaparte en formation » qu’un « concours de circonstances » qu’il sut « habilement exploiter » a porté au pouvoir grâce à un « prestige » « auquel la presse française est loin d’être étrangère » [138]. Driss déplore dans ces conditions l’attitude « attentiste » des masses. Il critique également l’ALN, à la « culture politique nulle » suite aux difficultés du combat mené et de la volonté de la direction du FLN. Cette armée se comporte selon lui, après la déclaration d’indépendance, « comme en territoire conquis », avec un cortège de vols, viols, mariages forcés, réquisitions diverses, ce qui produit une « coupure entre l’ALN et le peuple » et une « incapacité de jouer le rôle révolutionnaire d’encadrement des masses ». Pour lui cette armée et son commandant en chef, le colonel Boumediène, ne pourraient s’imposer « que d’une façon putschiste », ce qu’il juge néanmoins « peu probable et nullement souhaitable ». Les seules perspectives qu’il envisage se situent dans l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens) malgré la « faiblesse de sa direction et dans l’opposition » [139] laquelle, malgré ses erreurs, reste le « secteur le plus à gauche, vers lequel doivent converger tous [les] efforts d’aide à la Révolution algérienne ». Mais lui semble « absolument exclue, à court terme, l’issue socialiste de la Révolution ». Ce rapport aura manifestement peu d’effets sur la position de la IVe Internationale. Une résolution de janvier 1963 sur « la phase actuelle de la révolution algérienne » affirme que « ce processus pourrait se terminer par l’institution d’un État ouvrier algérien, fondé sur une alliance entre le prolétariat des villes et des campagnes et des paysans pauvres, et dirigé par une tendance marxiste-révolutionnaire » [140]. Dans ce même document l’organisation trotskiste se fixe comme objectif la « construction d’un noyau marxiste-révolutionnaire algérien », une « aile gauche » au sein du FLN, et apporte un « appui critique » au gouvernement de Ben Bella en essayant notamment de « réclamer un congrès de constitution d’un FLN révolutionnaire et démocratique ».
L’affirmation du courant de Pablo
Cette position de soutien critique dure jusqu’au coup d’État de Boumediène du 19 juin 1965. Si elle fait l’unanimité dans l’organisation trotskiste, deux courants naissent pourtant qui en tirent des conclusions différentes en termes d’action immédiate, et qui recouvrent l’opposition de plus en plus évidente entre Pablo et les autres dirigeants de l’Internationale. Les deux courants accordent pourtant une grande importance aux suites de la révolution en Algérie, au point que de nombreux trotskistes feront partie des « pieds-rouges » [141], ces Français qui ont décidé de s’installer en Algérie après l’indépendance. Pablo tout d’abord s’établit en Algérie et devient conseiller de Ben Bella, principalement en ce qui concerne l’autogestion. Pablo crée l’Union nationale d’animation socialiste, qui élabore les plans pour une évolution vers le socialisme [142]. Il parvient, avec Mohammed Harbi et Hocine Zahouane, à faire adopter en octobre et novembre 1962, puis en mars 1963, des décrets sur l’administration des biens vacants et l’autogestion des entreprises [143]. Il devient même consul de Chypre à Alger, sur proposition du président de Chypre, Mgr Makarios [144]. Il est rejoint en Algérie par certains des militants qui se sentent les plus proches de lui, qui ont souvent participé activement aux réseaux, et qui veulent tenter de construire le socialisme en Algérie. Simonne Minguet et Pierre Avot décident ainsi de vivre en Algérie, d’autant plus que Pierre Avot est toujours recherché en France pour l’imprimerie de Montrouge [145]. Simonne Minguet, qui dispose d’une licence de lettres, est employée par l’agence de presse algérienne, Algérie Presse Services (APS) [146]. Louis Fontaine, qui travaillait dans l’usine d’armes au Maroc, est lui aussi recherché en France. Il compte bien s’installer en Algérie, d’autant que l’usine, qui n’a plus de raisons d’être, ferme après l’indépendance. Mais il est le seul Européen dans le car qui transporte les ouvriers de l’usine vers l’Algérie, et les Marocains n’acceptent pas qu’il passe la frontière. Il se rend alors au bureau du FLN au Maroc et il peut passer clandestinement en Algérie. Il s’y retrouve bien démuni, seul et sans argent, logé chez des amis de l’usine [147]. L’arrivée de Pablo et des autres trotskistes lui permet de mieux s’organiser. Il participe avec Jacques Privas (Grimblat de son vrai nom) au bureau d’aide non gouvernementale au mouvement révolutionnaire en Afrique qui rencontre notamment des délégations de l’ANC et des organisations révolutionnaires du Mozambique [148]. Puis Fontaine parvient, grâce à un ami algérien, à obtenir un emploi de bureau dans l’administration algérienne. Il travaillera ensuite avec Simonne Minguet à l’agence de presse en tant que télétypiste [149]. Mais les proches de Pablo ne sont pas les seuls à s’établir en Algérie et Albert Roux, qui se situe plutôt du côté de Mandel et de Frank, s’y installe également [150]. Il correspond régulièrement avec Michel Lequenne et lui rend compte des activités de son groupe en Algérie, qui consistent essentiellement en une collaboration avec des Algériens syndicalistes [151].
Si des divergences existent, elles ne portent donc pas sur la nécessité d’un soutien direct, en France et en Algérie, à la révolution algérienne. Au Congrès de 1963 – dit « Congrès de réunification » parce qu’il consacre le retour dans le giron de la IVe Internationale d’un certain nombre de groupes qui avaient fait scission en 1953, et notamment du SWP américain [152] – le texte majoritaire qui y est adopté concerne la dialectique de la révolution mondiale. Ce texte développe la thèse selon laquelle « les trois forces principales de la révolution mondiale – la révolution coloniale, la révolution politique dans les États ouvriers dégénérés ou déformés, et la révolution prolétarienne dans les pays impérialistes – forment une unité dialectique. Chacune de ces forces influe sur les autres et, en retour, en reçoit des impulsions puissantes ou des coups de frein sur son propre développement » [153]. La révolution dans les pays coloniaux est en pointe parce que la « faiblesse même du capitalisme, toute la structure socioéconomique particulière engendrée par l’impérialisme, la misère permanente de la grande majorité de la population en l’absence d’une réforme agraire radicale » provoquent une « succession apparemment inépuisable de luttes de masse » [154]. Pablo et sa « Tendance marxiste révolutionnaire internationale » (TMRI) présentent un texte alternatif qui ne recueille que 10 ou 15 % des effectifs selon que l’on ajoute ou pas les sections qui reviennent à la IVe Internationale [155]. Le principal point polémique du texte consiste en la proposition que, compte tenu de « l’importance majeure à l’étape actuelle de la Révolution mondiale de la révolution coloniale », « le centre rénové de l’Internationale s’installe quelque part dans ces régions » [156]. Le « quelque part » est beaucoup moins vague qu’il n’y paraît : Pablo ne le formule pas directement mais il s’agit bien sûr de l’Algérie où il s’est déjà installé avec nombre de ses partisans membres de la commission africaine. L’idée de délocaliser le centre de l’Internationalisme n’est pas neuve, elle a déjà été émise par Posadas, un dirigeant sud-américain de l’Internationale, au Congrès mondial de 1961. Posadas, qui par ailleurs suggérait dans une optique catastrophiste que l’URSS lance une attaque nucléaire préventive contre les États-Unis, réclamait le transfert du centre de l’Internationale en Amérique latine, ce qui lui aurait permis d’en prendre le contrôle [157]. Les dirigeants européens, qui refusent en arguant de la plus grande stabilité politique de l’Europe et de sa position centrale en ce qui concerne les transports et les communications, sont taxés d’hostilité à la révolution coloniale. Juan Posadas et ses partisans, minoritaires, font scission en 1961 [158]. Dans les motivations de Pablo à installer le nouveau centre de l’Internationale en Algérie se mêlent certainement conviction politique et intérêt personnel en termes de contrôle de l’appareil [159]. Mais le contrôle de cet appareil lui échappe depuis le Congrès de 1961, auquel il n’a pas assisté puisqu’il était en prison, et qui a vu l’élection au poste de secrétaire général d’Ernest Mandel [160]. Pablo accuse Mandel, Maïtan et Frank d’avoir profité de son incarcération pour l’écarter de la direction [161]. Ainsi Pablo se plaint à Pierre Frank et à Livio Maïtan, dans une lettre du 2 juin 1962, que sa lettre du 5 mai 1962 et celle de Santen, contribution au débat interne, n’aient pas été diffusées dans l’Internationale [162]. Il expliquera par des procédés de ce genre le fait que ses thèses restent minoritaires. Les autres dirigeants lui reprochent sa propension à agir seul, et sa tendance à fonctionner à part, avec ses seuls partisans, ce que Mandel qualifie dans une lettre à la direction des sections du 5 septembre 1962 de « fractionnisme aveugle » [163]. Il critique dans la même lettre sa « prétention d’être le “secrétaire légitime” » de l’organisation. Pablo s’occupe avec ses partisans de la rédaction du journal de la commission africaine de la IVe Internationale, Sous le drapeau du socialisme, et il est accusé d’en profiter pour y développer les thèses de sa fraction. Pierre Frank affirme dans un rapport de 1962 qu’il y a « dans ce journal des choses qui n’ont pas été décidées », notamment une « caractérisation de l’Algérie (“État Populaire”) » [164]. Le manque de discipline de Pablo est dénoncé ainsi que la mise à l’écart des camarades majoritaires chargés de collaborer à Sous le drapeau du socialisme. Pablo refuse par ailleurs de soutenir en Angola le Front national de libération de l’Angola (FNLA) de Holden Roberto, et lui préfère le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) [165].
Les divergences entre Pablo et les autres membres de l’Internationale représentent comme l’écrit Mandel un « éclatement de l’équipe qui a dirigé en fait l’Internationale pendant une dizaine d’années » [166], mais toutes les sections et toutes les directions nationales sont touchées, en particulier en France. De violentes altercations verbales se produisent lors du Comité exécutif international des 23 et 24 juin 1962 entre partisans et opposants à Pablo [167], et en France les réunions du Comité central de 1962 à 1965 sont l’occasion de controverses entre les majoritaires regroupés autour de Frank, avec notamment Eric (Alain Krivine) à partir de 1963, et les minoritaires comme Privas, Lenoir (Gilbert Marquis) et Maurel (Michel Fiant) [168]. En 1965, Mandel, Maïtan et Frank posent un préalable pour que Pablo et sa tendance participent au VIIIe Congrès mondial et déposent des thèses politiques soumises au vote des délégués : Pablo doit s’engager par écrit à respecter les décisions majoritaires prises par l’Internationale [169]. Pablo voit là une manœuvre de la direction : il est piégé, l’alternative est simple, se soumettre et être muselé, ou contester et être exclu. Livio Maïtan notamment se livre à de violentes attaques contre Pablo et ses partisans [170][. Pablo qui refuse les conditions édictées par la direction est exclu avec sa tendance, ce qui ne fait que sanctionner un fonctionnement de fait en marge de Sous le drapeau du socialisme. Une fois encore, les divergences au sein de la IVe Internationale se sont réglées par une crise puis par la scission. Les « pablistes », désormais ainsi dénommés dans le mouvement trotskiste, fondent la Tendance marxiste révolutionnaire internationale, dont la section française sera l’Alliance marxiste révolutionnaire. Ils demeureront de petits groupes avant de se dissoudre dans les années 1990, après une phase d’entrisme dans le PSU pour l’AMR [171]. Les Français de la tendance « pabliste » sont jusqu’en 1965 présents en grand nombre en Algérie, mais le coup d’État du colonel Boumediène le 19 juin 1965 leur permet de retrouver leurs camarades majoritaires dans les prisons du nouveau régime. Simonne Minguet, Pierre Avot, Albert Roux sont arrêtés [172]. Louis Fontaine, en voyage en France, ne peut retourner en Algérie et toutes ses affaires sont confisquées [173]. Les trotskistes, qui n’ont pourtant jamais réussi, toutes tendances confondues, un quelconque prosélytisme en Algérie, représentent un danger politique et sont des soutiens du régime de Ben Bella. Pierre Avot est battu, Albert Roux torturé [174], puis tous les trotskistes français sont expulsés vers la France où ils sont parfois confrontés aux suites judiciaires de leur soutien au FLN [175]. Pablo réussit à se cacher et à quitter l’Algérie pour la Suisse [176]. L’expérience révolutionnaire dans une Algérie indépendante tourne court, les espoirs suscités par les premiers décrets de nationalisation et par les premiers projets d’autogestion sont brisés, l’Algérie ne deviendra pas socialiste et le retour est bien amer. « La révolution algérienne, alliée no 1 de la classe ouvrière française » pour la IVe Internationale [177], n’a pas atteint les objectifs que les trotskistes, mais aussi d’autres à gauche et à l’extrême gauche, lui avaient fixés. Le soutien au FLN du réseau trotskiste a été efficace en ce qui concerne les tâches pratiques [178], permanent jusqu’à l’indépendance et même après, mais il n’a pas constitué un débouché politique majeur pour les revendications d’indépendance de l’Algérie. Ce sont les réseaux Jeanson et Curiel, et un parti comme le PSU [179], qui ont été les relais les plus utiles auprès de l’opinion pour de telles revendications, qui ont rencontré le plus d’écho dans la société française.
La IVe Internationale a fait la preuve de sa capacité à s’insérer dans une dynamique qui a bouleversé la société française, elle a su jouer un certain rôle dans une période cruciale, mais elle en sort pourtant divisée. Le réseau de solidarité qu’elle a animé a apporté un soutien sans faille à une formation politique nationaliste, le FLN, qui, sous couvert d’une phraséologie progressiste, a appliqué dans la lutte contre le MNA des méthodes peu démocratiques, que le MNA lui rendait bien d’ailleurs. L’exercice du pouvoir a également démontré que le FLN n’était pas la formation progressiste que certains à gauche avaient cru voir. Comme tout parti nationaliste, le FLN était un cartel de tendances diverses unies pour la libération nationale [180]. L’histoire du FLN pendant la guerre n’est pas exempte de règlements de compte et de luttes intestines parfois sanglantes, et ces luttes se poursuivront avec vigueur après l’indépendance. Les porteurs de valises et la fraction de l’extrême gauche qui a soutenu le FLN ont mis de côté ces caractéristiques peu démocratiques du FLN pour privilégier la lutte de libération effective conduite par l’organisation. La voie du soutien critique a été choisie, et il est vrai que dans une période cruciale comme la guerre d’Algérie la critique s’efface devant un soutien qui correspond aux nécessités du moment. Les illusions des trotskistes et particulièrement d’un dirigeant comme Pablo portent plus spécifiquement sur une surévaluation des possibilités d’une véritable révolution sociale en Algérie, et sur la possibilité pour cette révolution de se propager en Europe. Sur le plan pratique cette attitude permet de s’ouvrir aux problématiques posées par les peuples coloniaux, mais conduit à une certaine idéalisation des modèles de révolution dans le Tiers Monde. Des groupes minoritaires peuvent être tentés d’investir de grands espoirs dans de tels phénomènes révolutionnaires de masse. Les illusions portent donc sur la portée de la révolution algérienne, mais aussi sur l’influence des idées trotskistes parmi les militants algériens. À partir du moment où le secteur de la révolution algérienne apparaît comme le plus dynamique à une organisation qui se veut à la pointe du combat anticapitaliste, y compris en apportant une aide matérielle au FLN, la IVe Internationale ne désespère pas que se crée au sein du mouvement nationaliste un courant plus radical qui se rapprocherait de ses positions. Elle néglige alors le fait que le FLN est une organisation militarisée, tendue tout entière vers l’indépendance et non vers la révolution socialiste même si les textes du Congrès de la Soummam [181] ont pu faire illusion. D’autre part, les dirigeants nationalistes ont su poser les barrages adéquats pour interdire toute osmose des militants FLN avec d’autres organisations françaises, osmose rendue par ailleurs bien improbable par l’activisme en faveur de l’indépendance [182]. Les rapports entre l’extrême gauche trotskiste et le FLN s’inscrivent dans une double dynamique : celle de la lutte d’indépendance algérienne, révolution coloniale effective, et celle de la révolution européenne, souhaitée et prophétisée par l’extrême gauche, mais qui ne se traduit pas dans les faits. La conjonction de ces deux luttes, très inégales par leur ampleur, est facilitée par l’internationalisme des révolutionnaires français et entretenue par la phraséologie marxiste adoptée par les dirigeants du FLN en direction de l’extérieur [183]. Quant à Pablo, il est à la fois celui qui a engagé à une large échelle la IVe Internationale dans les activités de soutien au FLN, et celui qui a poussé le plus loin la logique de ce soutien, sur le plan pratique comme sur le plan théorique, jusqu’à la rupture avec sa propre organisation. Il a perdu dans l’aventure la direction d’une Internationale dont il avait jusque-là déterminé les principales orientations.
Sylvain Pattieu
Notes
[1]
Ramdane Redjala, La guerre d’indépendance du FLN, dans La France en guerre d’Algérie, Paris, Collection des publications de la BDIC de Nanterre, 1992, p. 67. Dans le même ouvrage Benjamin Stora souligne qu’à la fin de la guerre, le nombre de cotisants était de 135 000.
[2]
Hervé Hamon et Patrick Rotman, Les porteurs de valises, la résistance française à la guerre d’Algérie, Paris, Éd. Albin Michel, 1979.
[3]
Gilles Perrault, Un homme à part, Paris, Éd. Bernard Barrault, 1984.
[4]
Sauf indication contraire, les éléments biographiques qui suivent sont tirés de Jean-Guillaume Lanuque et Michael Löwy, notice biographique inédite consacrée à Pablo, destinée à publication dans la prochaine période du Dictionnaire Maitron (1940-1968), actuellement en préparation. Avec l’aimable autorisation des auteurs.
[5]
Entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000 à Paris, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000 dans le Var, entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 à Paris.
[6]
Louis Fontaine qui fut l’un de ses proches affirme ainsi qu’il aurait été « affolé par un marteau » (entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000). D’autres proches de Pablo insistent sur cet aspect de sa personnalité (entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999).
[7]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000, entretien avec Michel Fiant le 3 février 2000 dans le Var.
[8]
Yvan Craipeau, Mémoires d’un dinosaure trotskiste, secrétaire de Trotski en 1933, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 172 ; entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[9]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, Hull (Québec), Vents d’ouest, 1993.
[10]
Michel Pablo, La guerre qui vient, Paris, Publications de la IVe Internationale, 1953.
[11]
Entretien avec Michel Lequenne le 18 novembre 1999 à Paris ; François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit. ; Yvan Craipeau, Le mouvement trotskiste en France, Paris, Éd. Syros, 1971.
[12]
Entretien avec Michel Fiant le 8 novembre 1999, entretien avec Jean-Michel Krivine le 16 novembre 1999 à Ermont, entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[13]
Conférence internationale de la IVe Internationale d’avril 1946 (mentionnée dans La question coloniale et la section française de la IVe Internationale, Paris, Maspero, date non notée, archive O, col. 1615 à la BDIC de Nanterre. Cette brochure constitue un des « Cahiers rouges » de formation rédigés par la Ligue communiste, issue du PCI).
[14]
Document Fo ? Rés 137/..., archives de la BDIC de Nanterre.
[15]
Maurice Fayolle, article extrait de Défense de l’homme, décembre 1954, revue mensuelle anarchiste citée par Jacques Jurquet, Années de feu, Algérie 1954-1956, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 81.
[16]
Sylvain Pattieu, mémoire de maîtrise sous la direction de Jean-Louis Triaud, Les camarades des frères. Guerre d’Algérie et extrême gauche en France. Dynamiques et recompositions, Université de Provence Aix-Marseille I, UFR Civilisations et Humanité, Département d’histoire, juin 2000.
[17]
Document Fo ? Rés 569/4, archives de la BDIC de Nanterre.
[18]
Sur les positions du PCF pendant la guerre d’Algérie : René Dazy, La partie et le tout, le PCF et la question algérienne, Paris, Éd. Syllepse, 1990.
[19]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[20]
Entretien avec Yvan Craipeau le 7 février 2000 à Paris et Yvan Craipeau, Mémoires d’un dinosaure trotskiste, op. cit.
[21]
Laurent Schwartz, Un mathématicien aux prises avec le siècle, Paris, Éd. Odile Jacob, 1997.
[22]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[23]
Ibid., entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000 à Paris, entretien avec Henri Benoîts (membre du BP du PCI en 1954) le 7 février 2000 à Issy-les-Moulineaux.
[24]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[25]
Entretien avec Henri Benoîts le 7 février 2000, entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[26]
Ibid., entretien avec Mohammed Harbi le 25 février 2000 à Paris.
[27]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 février 2000.
[28]
À ce congrès le texte suivant est adopté : « Le congrès s’est particulièrement attaché à examiner les moyens d’aider la révolution en Afrique du Nord » (La vérité des travailleurs, organe du PCI, de janvier 1956, cité dans La question coloniale et la section française de la IVe Internationale, op. cit.).
[29]
Document Fo ? Rés 291, archives de la BDIC de Nanterre.
[30]
Ibid.
[31]
La question coloniale et la section française de la IVe Internationale, op. cit. (note 12) ; entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[32]
Quatrième Internationale. Le Ve Congrès de la IVe Internationale, numéro spécial, décembre 1957, p. 53, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[33]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[34]
Ibid., entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[35]
Ibid.
[36]
Texte interne de Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[37]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit. (note 9), p. 117.
[38]
Entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000 à Paris.
[39]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit., p. 177.
[40]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[41]
Mohammed Harbi souligne ainsi les relations privilégiées qu’il entretenait avec Pablo, la sympathie qu’il lui inspirait, tandis qu’un autre dirigeant comme Mandel était plus « austère » (entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000).
[42]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[43]
Hervé Hamon et Patrick Rotman, Les porteurs de valises, op. cit. (note 2), p. 358.
[44]
Ibid., p. 358.
[45]
Mohammed Harbi, Le FLN, mirage et réalité, des origines à la prise du pouvoir (1945-1962), Paris, Éd. Jeune Afrique, 1980, p. 209.
[46]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[47]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[48]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[49]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[50]
Ibid., entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[51]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[52]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[53]
Entretien avec Michel Fiant le 8 novembre 1999.
[54]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999, entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[55]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[56]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[57]
Ali Haroun, La 7e wilaya, la guerre du FLN en France, 1954-1962, Paris, Éd. Seuil, mai 1986, p. 331.
[58]
Ibid., p. 331.
[59]
Ibid., p. 331.
[60]
Ibid., p. 331 et 332.
[61]
Les dirigeants se méfiaient de la nature politique de l’organisation trotskiste, ils craignaient des tentatives de recrutement au sein du FLN, et « préféraient » pour cette raison le réseau Jeanson, moins « dangereux », car il ne tirait pas sa cohérence d’une idéologie politique. Mais ils n’en avaient pas moins une grande confiance pour les trotskistes en ce qui concerne l’efficacité pratique (entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000). Un exemple de cette confiance est la manifestation tragique du 17 octobre 1961. La Fédération de France avait décidé de manifester pacifiquement en masse à Paris pour protester contre le couvre-feu imposé aux musulmans. La police française sous les ordres de Maurice Papon attaqua la manifestation et des dizaines d’Algériens furent tués ou blessés. Henri et Clara Benoîts étaient présents lors de ce drame, car des dirigeants du FLN leur avaient demandé de venir pour vérifier, en leur qualité d’Européens, que la manifestation se passait bien (entretien avec Henri et Clara Benoîts le 7 février 2000).
[62]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 332.
[63]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000.
[64]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[65]
Ibid., Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 332-333.
[66]
Michel Raptis déclara lors de son procès que Oeldrich, « ayant un passé révolutionnaire et un très bon passé dans la Résistance algérienne », lui fit quand il le rencontra l’effet d’un « homme intègre, courageux », « prêt à aider de manière désintéressée et absolument volontaire la révolution algérienne » : défense du camarade Michel Raptis au procès d’Amsterdam, juillet 1961, Quatrième Internationale, Paris, no 13, p. 6, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[67]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 333.
[68]
Ibid., p. 333 ; entretien avec Michel Fiant le 8 novembre 1999.
[69]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 333.
[70]
Ibid., p. 333.
[71]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[72]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 333-334.
[73]
Ibid., p. 334.
[74]
Ibid., p. 338 ; entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[75]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 338 ; entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 ; défense de Michel Raptis au procès d’Amsterdam, Quatrième Internationale, op. cit., p. 4 et 5.
[76]
Défense de Michel Raptis au procès d’Amsterdam, Quatrième Internationale, op. cit., p. 4.
[77]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 339.
[78]
Ibid., p. 338 et 339.
[79]
Défense de Michel Raptis au procès d’Amsterdam, op. cit., p. 4.
[80]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 334 et 335 ; Abbas affirme même dans son rapport : « Nous n’avions presque rien à envier à la Banque de France. »
[81]
Ibid., p. 335 et 336.
[82]
Ibid., p. 336 et 337 ; défense de Michel Raptis au procès d’Amsterdam, op. cit., p. 6.
[83]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 : Pablo était partisan de « sanctions exemplaires » contre Oeldrich ; Ali Haroun, op. cit., p. 337. Ahmed Abbas, enfermé dans la même prison qu’Oeldrich, profite même d’une négligence d’un gardien (les deux hommes n’auraient jamais dû se retrouver ensemble) pour se jeter sur l’imprimeur en le croisant sur le chemin des douches et pour tenter infructueusement de l’étrangler. Il faut souligner qu’Oeldrich révélait de plus en plus d’informations sur les agents FLN en Allemagne et en Hollande, mettant en danger de nombreux militants du réseau (ibid., p. 338).
[84]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[85]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 338.
[86]
Ibid., p. 339 à 341.
[87]
Le procès d’Amsterdam, Quatrième Internationale, Paris, juillet 1961, no 13, p. 2 et 3.
[88]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[89]
Document Fo ? Rés 569/4, archives de la BDIC de Nanterre. Les copies des lettres de Pierre Frank et les réponses qu’il a reçues sont dans ce carton.
[90]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 342 ; La question coloniale et la section française de la IVe Internationale, op. cit. (note 12). Dans ce dernier document sont cités des extraits des lettres : le ton et les arguments sont dans la ligne de la défense des trotskistes. Claude Bourdet affirme que « si ses idées politiques sont différentes » des siennes, il tient Michel Raptis pour « un homme parfaitement honnête et incapable de tremper dans une affaire de droit commun » ; Leiris affirme : « Quels que soient les actes dont il est accusé, je ne croirai jamais qu’il a pu se départir de son habituelle délicatesse, dans l’appui qu’il a estimé juste de donner à une cause dont le soutien représente pour lui un impératif moral autant qu’un choix politique » ; Mayoux écrit qu’il semble « parfaitement invraisemblable » que Raptis « se soit comporté en faux-monnayeur », car il est « moins capable de tels délits que sans doute beaucoup de ceux qu’on trouverait dans le camp de ses accusateurs », « complices criminels de l’impérialisme français qui font alterner dans leurs complots les machinations et les machines infernales » ; Maurice Nadeau loue « sa vie irréprochable, son passé de révolutionnaire dévoué à une cause pour laquelle il a été toujours prêt à sacrifier sa vie », et il est persuadé que Raptis a été « victime d’une machination montée par ses ennemis politiques » ; Laurent Schwartz enfin a été « douloureusement surpris de l’arrestation de Sal Santen et de Michel Raptis ». À suivre ces lettres, la situation est complètement inversée, Raptis et Santen sont les victimes et leurs accusateurs se retrouvent accusés.
[91]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 343.
[92]
Tous ces témoins sont mentionnés dans Le procès d’Amsterdam, op. cit., p. 2 et 3.
[93]
Ibid., p. 3.
[94]
Ibid., p. 3.
[95]
La déclaration de Maïtan est reproduite dans Témoignage du camarade Livio Maïtan, Quatrième Internationale, juillet 1961, Paris, no 13, p. 7 et 8, celle de Santen dans Après le procès d’Amsterdam, Quatrième Internationale, Paris, no 14 de novembre 1961, p. 45 à 48 et 76.
[96]
Op. cit., p. 1.
[97]
Ali Haroun, La 7e wilaya, op. cit., p. 342.
[98]
Après sa libération, les autorités hollandaises veulent l’envoyer en Grèce, ce qui signifie sous un régime dictatorial le bannissement dans un camp. Mais une campagne permet d’éviter cette expulsion, et Pablo obtient un passeport pour se rendre au Maroc (Le droit d’asile bafoué, Quatrième Internationale, Paris, no 14 de novembre 1961, p. 45).
[99]
Entretien avec Michel Fiant le 8 novembre 1999, entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000. La lecture des archives de la IVe Internationale à la BDIC de Nanterre (notamment le carton Fo ? Rés 442 et les archives de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106) permet de suivre les dissensions au sein du mouvement trotskiste et de comprendre les manœuvres et les griefs des uns et des autres.
[100]
Archives de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[101]
Document Fo ? Rés 442, archives de la BDIC de Nanterre.
[102]
Ibid.
[103]
Entretien avec Jean-Michel Krivine le 16 novembre 1999.
[104]
Il restera entriste dans le PCF jusqu’aux années 1970 et participera en tant que représentant du PCF au tribunal Russel créé en 1967 pour évaluer les crimes de l’armée américaine au Viêt-nam (entretien avec Jean-Michel Krivine le 16 novembre 1999). Jean-Michel Krivine est le frère d’Alain Krivine, porte-parole de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire).
[105]
Fils de Victor Basch assassiné en 1944 par les miliciens de Vichy.
[106]
Entretien avec Stanislas Tomkiewicz le 26 avril 2000. Tomkiewicz, médecin-psychiatre d’origine polonaise, survivant du ghetto de Varsovie, est à cette époque membre du PCF. Il héberge pendant la guerre plusieurs militants du FLN recherchés, dont un condamné à mort pour l’attentat contre le dépôt d’essence de Mourepiane, dans la banlieue marseillaise : pour détourner l’attention de la femme de ménage mariée à un policier, il affirme qu’il s’agit de « cousins venus d’Israël ».
[107]
Basch et Rueff sont sans parti. Ce groupe de médecins a également organisé des centres d’accueil, dispensaires destinés à prendre en charge les militants FLN relâchés après les accords d’Évian, dont certains souffraient de séquelles dues aux tortures.
[108]
Entretien avec Stanislas Tomkiewicz le 26 avril 2000 à Paris ; dossier personnel de Jean-Michel Krivine sur ses activités en Algérie, chapitre concernant « l’école de responsables sanitaires » (ferme Pasterneau : été 1963), p. 46 à 54.
[109]
Entretien avec Stanislas Tomkiewicz le 26 avril 2000.
[110]
Ibid., dossier personnel de Jean-Michel Krivine sur ses activités en Algérie, chapitre concernant « l’aide sanitaire durant l’été 1964 », p. 55 à 87.
[111]
Entretien avec Stanislas Tomkiewicz le 26 avril 2000.
[112]
La Révolution algérienne à l’heure des options décisives, Quatrième Internationale, Paris, no 16 de juillet 1962, p. 3, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[113]
Ibid., p. 3.
[114]
Ibid., p. 5.
[115]
Ibid., p. 5.
[116]
Michel Pablo, La Révolution algérienne à l’heure du choix (lettre au FLN écrite de la prison d’Amsterdam), Quatrième Internationale, Paris, no 14 de novembre 1961, p. 44, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[117]
La Révolution algérienne à l’heure des options décisives, op. cit., p. 2 à 5.
[118]
Rapport économique présenté par le camarade Germain devant le CC de décembre 1960 précédant le VIe Congrès mondial, d’après des notes prises par Arnold (Jean-Michel Krivine), archives personnelles de Jean-Michel Krivine reliées par lui-même sous le titre Réunions et comités centraux du PCI de 1960 à 1969. Pablo écrit quant à lui que « Cuba, grâce à l’intelligence et à l’audace suprême de la direction avertie de la révolution, entre dans l’Histoire par la porte du socialisme naissant qui se lève victorieux sur l’humanité » (La Révolution algérienne à l’heure du choix, op. cit., p. 61).
[119]
Ibid., p. 41.
[120]
La Révolution algérienne à l’heure des options décisives, op. cit., p. 4. Pablo parle dans sa lettre de « nationalisation complète de toute l’industrie, du commerce et de l’artisanat ».
[121]
La Révolution algérienne à l’heure du choix, op. cit., p. 41.
[122]
Ibid., p. 41.
[123]
Ibid., p. 42.
[124]
Notes éditoriales, Les négociations sur l’Algérie, Quatrième Internationale, Paris, no 10 de juillet 1960, p. 8, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[125]
La Révolution algérienne à l’heure des options décisives, op. cit., p. 5.
[126]
La Révolution algérienne à l’heure du choix, op. cit., p. 43.
[127]
Notes éditoriales, La Révolution algérienne aborde sa phase sociale, op. cit., p. 4.
[128]
Ibid., p. 4.
[129]
Document Fo ? Rés 442, archives de la BDIC de Nanterre. Un autre rapport contenu dans le carton Fo ??Rés 442, signé « Abdelkrim », un des nombreux pseudonymes de Pablo, va dans le même sens et souligne plus particulièrement les espoirs que place Pablo dans l’ALN.
[130]
Ce bas niveau culturel et politique est durement ressenti par tous les militants français qui ont eu l’occasion de vivre en Algérie et qui ne connaissaient que des militants de la Fédération de France plus politisés : entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 et entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[131]
En mars 1982, Michel Raptis affirme encore dans une interview que « la lutte d’indépendance avait créé les conditions favorables à l’édification d’une Algérie indépendante » et qu’on « était véritablement, à cette époque, en présence d’une situation révolutionnaire » (Le côté rouge de la frontière, interview de Michel Pablo Raptis et de Gilbert Marquis, Autrement, dossier no 38 consacré à l’Algérie vingt ans après l’indépendance, Paris, mars 1982, p. 47).
[132]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[133]
Rapport de Maurel sur son voyage en Algérie, Réunions et comités centraux du PCI de 1960 à 1969, op. cit.
[134]
Gilbert Marquis confirme dans une interview de mars 1982 que « lorsque a été adopté le régime du parti unique, nous l’avons critiqué ouvertement, quitte à perdre des amitiés » (Le côté rouge de la frontière, op. cit., p. 48).
[135]
Qui est ce Driss ? Son nom laisse à penser qu’il s’agit d’un Maghrébin, même s’il s’agit très certainement d’un pseudonyme. Michel Fiant croit se rappeler qu’il s’agit d’un Marocain dont il a oublié le nom, mais Gilbert Marquis ne le pense pas, sans toutefois proposer un autre nom ou envisager une autre personne. On ne peut donc s’en tenir qu’à des conjectures.
[136]
« Rapport du camarade Driss, bilan et perspectives de la Révolution algérienne », texte de discussion internationale daté du 10 octobre 1962, document Fo ??Rés 442, archives de la BDIC de Nanterre.
[137]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000.
[138]
Mohammed Harbi souligne à propos de la rivalité entre le FLN et le MNA le rôle joué en faveur du FLN par « une gauche française qui se veut solidaire », car cette influence « a un effet qu’on ne saurait sous-estimer sur l’opinion algérienne elle-même (...) très sensibilisée à l’information que donne la gauche française sur l’Algérie » (Mohammed Harbi, Le FLN, mirage et réalités, op. cit. (note 43), p. 161-162). Le phénomène a pu jouer, relayé par la presse de gauche, dans le cas de Ben Bella.
[139]
Driss fait sans doute référence aux partisans de Mohammed Boudiaf.
[140]
Résolution de janvier 1963 sur la phase actuelle de la révolution algérienne, document Fo ? Rés 442, archives de la BDIC de Nanterre. Jacques affirme aussi lors d’un comité central de décembre 1963 que « l’Algérie sera bientôt un État ouvrier » (Réunions et comités centraux du PCI de 1960 à 1969, op. cit. (note 116)).
[141]
Selon Gilbert Marquis interviewé en mars 1982, « environ un quart des “pieds-rouges” étaient membres de la IVe Internationale » (Le côté rouge de la frontière, op. cit., p. 47). Cette évaluation semble plutôt « à la hausse ».
[142]
Interview de Michel Pablo Raptis, ibid., p. 47 et 48.
[143]
Jean-Guillaume Lanuque et Michael Löwy, notice biographique inédite consacrée à Pablo, op. cit. (note 4).
[144]
D’après la notice biographique consacrée à Pablo, rédigée par Jean-Guillaume Lanuque et Michael Löwy, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, dit « Maîtron ».
[145]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[146]
Ibid.
[147]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[148]
Ibid.
[149]
Ibid.
[150]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 ; entretien téléphonique avec Albert Roux le 19 mai 2000. Les trotskistes de la « tendance Frank » n’étaient sans doute pas plus d’une dizaine en Algérie.
[151]
Entretien téléphonique avec Albert Roux le 19 mai 2000.
[152]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit. (note 9), p. 177 à 179.
[153]
La dialectique actuelle de la révolution mondiale, document adopté par le Congrès mondial de réunification, Quatrième Internationale, Paris, numéro spécial du 3e trimestre de 1963, p. 13.
[154]
Ibid., p. 12 et 13.
[155]
Thèses sur la nouvelle situation politique et les tâches de la IVe Internationale, Quatrième Internationale, Paris, numéro spécial du 3e trimestre de 1963, p. 65 à 69. Les partisans de Pablo se retrouvent essentiellement dans la section française (la moitié de la section, soit une quarantaine de militants), dans les sections danoise, hollandaise et australienne. On peut affirmer sans risque d’erreur que les effectifs de ce courant ne dépassent pas quatre-vingts ou cent militants (d’après François Moreau, Combats et débats de la IVe internationale, op. cit. ; d’après les entretiens avec Michel Fiant, Jean-Michel Krivine, Simonne Minguet et Pierre Avot).
[156]
Ibid., p. 69.
[157]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit., p. 169.
[158]
Ibid., p. 169 à 174.
[159]
Il affirme ainsi dans une entrevue en 1982 : « S’il y avait une autocritique à formuler, je pourrais dire que dans son ensemble, la IVe Internationale n’a pas très bien compris l’importance de l’affaire algérienne. » En fait d’autocritique, il y a là plutôt une critique de la position de Mandel et Frank. L’entrevue est parue dans Le côté rouge de la frontière, op. cit., p. 48.
[160]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit., p. 169 et p. 172.
[161]
Entretien avec Michel Fiant le 8 novembre 1999, entretien avec Gilbert Marquis le 8 février 2000.
[162]
Lettre du 2 juin 1962, archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[163]
Lettre de Germain à la direction des sections le 15 septembre 1960, archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[164]
Rapport de Pierre Frank en 1962, archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[165]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit. p. 190.
[166]
Lettre de Germain à la direction des sections le 15 septembre 1960, archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[167]
Compte rendu à l’attention de Pablo de la réunion du CEI les 23 et 24 juin 1962, archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ??Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[168]
Réunions et comités centraux du PCI de 1960 à 1969, op. cit. ; entretien avec Roland Vacher le 23 avril 2000 : membre du Comité central à cette époque, il le quitte à cause du climat délétère engendré par cette situation de division.
[169]
François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit., p. 189 ; archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[170]
Archives personnelles de Michel Pablo, document GFo ? Rés 106, archives de la BDIC de Nanterre.
[171]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 ; François Moreau, Combats et débats de la IVe Internationale, op. cit., p. 190.
[172]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999.
[173]
Entretien avec Louis Fontaine le 3 février 2000.
[174]
Les tortures qui lui sont infligées sont semblables à celles que l’armée et la police française utilisaient contre les Algériens : entretien téléphonique avec Albert Roux le 19 mai 2000.
[175]
Entretien avec Simonne Minguet et Pierre Avot le 17 novembre 1999 ; entretien téléphonique avec Albert Roux le 19 mai 2000.
[176]
Jean-Guillaume Lanuque et Michael Löwy, notice biographique inédite consacrée à Pablo, op. cit. (note 4).
[177]
J. Regnaud, Après la signature des accords d’Évian, Quatrième Internationale, Paris, no 15 d’avril 1962, p. 42, archives personnelles de Jean-Michel Krivine.
[178]
Le réseau trotskiste n’a subi qu’un petit nombre d’arrestations, en partie grâce à l’expérience de la clandestinité des trotskistes.
[179]
Le PSU compte cependant dans ses rangs beaucoup d’anciens trotskistes, comme Yvan Craipeau, ou de militants entristes comme Michel Lequenne, qui ont joué un rôle dans la prise en compte par ce parti des revendications d’indépendance de l’Algérie.
[180]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000.
[181]
Le Congrès de la Soummam est organisé le 20 août 1956 par le dirigeant FLN Abane Ramdane. Il s’agit des premières assises du FLN, durant lesquelles, outre l’adoption de différentes mesures concernant l’organisation du FLN et de l’ALN, est rédigé un texte programmatique, la « Plate-forme de la Soummam », jugé progressiste par la gauche qui soutenait le FLN (Ramdane Redjala, La guerre d’indépendance du FLN, La France en guerre d’Algérie, op. cit. (note 1)).
[182]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000.
[183]
Entretien avec Mohammed Harbi le 25 avril 2000.