La crise financière et économique a constitué la toile de fond de cette semaine de formation, l’enjeu étant de comprendre les mécanismes sous-jacents au développement actuel du capitalisme dont les offensives se généralisent depuis la fin des Trente Glorieuses, et se sont exacerbées au cours des dernières années. Aussi, depuis le début de cette crise, les Etats capitalistes poursuivent-ils dans la voie d’une légitimation des instances dominantes, détentrices du pouvoir économique, qui s’est manifesté par des prêts massifs aux banques. A cela s’est ajouté le mécanisme de la dette, utilisé comme prétexte pour imposer des politiques d’ajustement structurel. Le cas de la Grèce illustre parfaitement cette dynamique, dans la mesure où, au nom du maintien des taux de profit, le gouvernement coupe largement dans les systèmes sociaux.
De cette analyse de la crise découle un constat commun : la multiplication des offensives, qui se manifestent au travers des plans d’austérité annoncés et amorcés dans plusieurs pays comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, les contre-réformes, les licenciements massifs, ou encore la radicalisation du discours autour des politiques sécuritaires et racistes. L’imbrication de ces attaques marque une régression nette dans les compromis sociaux acquis suite à la seconde guerre mondiale et nécessite une riposte qui prenne en compte toutes les dimensions de la crise.
Renforcement des rapports sociaux de domination
Cette année, le camp était largement rythmé par les thématiques de l’anti-racisme, du féminisme et des luttes LGBTI. Aussi, cette semaine aura-t-elle permis de s’intéresser au sort des plus opprimé·e·s, qu’il s’agisse des femmes, des immigré-e-s, ou encore des minorités sexuelles, dont l’oppression se situe à divers niveau, familial, économique ou encore idéologique. C’est au travers de journées thématiques consacrées à ces groupes, et à des soirées organisées par ces derniers qu’il a été possible à chacun de prendre conscience de l’oppression qu’ils subissent au quotidien.
Si la crise est généralisée, elle ne touche évidemment pas tout le monde au même niveau. Le rouleau compresseur mis en place par les instances dominantes afin de maintenir le système établi tire une large part de son efficacité de l’instrumentalisation des questions liées notamment à l’oppression des femmes et au racisme, et la crise actuelle est un terreau particulièrement fertile pour asseoir ou renforcer des politiques racistes dont les discours construisent des « ennemis intérieurs », des « boucs émissaires », et cristallisent les peurs et les phantasmes sur des problématiques précises en détournant par là des véritables problèmes sociaux. Le racisme d’Etat, dont l’expression principale réside pour l’heure dans un discours islamophobe de plus en plus violent et décomplexé, est un outil indispensable pour toute politique qui vise le renforcement des inégalités sociales pour le maintien des privilèges d’une minorité dominante.
Parallèlement à l’offensive raciste, on observe un relent patriarcal généralisé, qui se traduit entre autres par une remise en cause d’acquis majeur des luttes féministes, comme le droit à l’avortement.
Ces diverses oppressions et discriminations sont notamment rendues possibles par une absence de prise en compte de l’interférence entre l’exploitation de classe, l’oppression patriarcale et les discriminations raciales au sein même d’une extrême gauche souvent divisées sur ces questions.
Une large réflexion a également été menée autour de la question écologique, suite à l’échec du sommet de Copenhague qui illustre l’incapacité et l’absence de volonté des dirigeants de ce monde à prendre la mesure de l’urgence auquel nous faisons face, et qui met à jour la contradiction inhérente au système capitaliste dont la seule stratégie est de peindre son fonctionnement en vert. Les discussions ont entre autres souligné l’importance d’un changement des pratiques individuelles, et surtout la nécessité de faire de la question écologique une véritable priorité au sein des mouvements anticapitalistes.
L’autogestion comme mise en pratique de nos idées
Cette semaine a également été l’occasion d’expérimenter le mode de société auquel nous aspirons. Elaboré sur le principe de l’annulation des inégalités sociales, une monnaie locale, le « Che », au taux de change variable en fonction du PIB de chaque pays a été instaurée. Construite sur le principe de l’autogestion, une répartition des tâches a été instaurée afin de rendre équitable le fonctionnement de ce « laboratoire » du socialisme.
Les réflexions ont pu être abordées au travers d’ateliers animés par des jeunes, des moments de formation, mais également des lieux d’échanges inter-délégations, qui ont permis un mise en commun d’expériences et de réalités pour réfléchir ensemble à des stratégies de lutte.
Quelles résistances ?
Ce que cette 27e édition aura principalement mis en évidence est la nécessité de construire une lutte internationale qui puisse se détacher d’une approche uniquement ouvriériste, pour élargir le champ de l’action et éviter ainsi une hiérarchisation des luttes. Il ressort également que ces diverses luttes doivent être portées par les groupes opprimés eux-mêmes en vue d’une autodétermination et soutenues par l’ensemble du mouvement anticapitaliste. Enfin, cette rencontre internationale confirme l’importance d’une responsabilisation et d’une auto-organisation de la jeunesse en général, dans un contexte où cette dernière est de plus en plus précarisée et divisée.
Justine Détraz, Maïla Kocher