Bravant la fusillade des forces de répression, des milliers de manifestants ont pris d’assaut la « Maison Blanche », siège des autorités centrales et de la présidence, le 7 avril à Bichkek, au Kirghizistan. Les manifestants, d’abord regroupés pour protester contre les arrestations des oppositionnels, attaqués par les forces de répression, ont riposté à coup de pierres, ont chargé les escadrons de police qui tiraient sur eux, ont désarmé les policiers qu’ils parvenaient à saisir, ont conquis des camions et des blindés de la police, se sont emparés de la TV, ont libéré les prisonniers politiques, ont pris d’assaut plusieurs immeubles administratifs et, finalement, le siège de la présidence et la villa du président Kurmanbek Bakiyev, forçant ce dernier à s’enfuir. L’insurrection populaire renversait le régime, au prix d’au moins 83 morts et plus de 1500 blessés, surtout par balles, dans la seule capitale.
Un régime instable
Contrairement aux républiques post-soviétiques voisines, où le Kremlin avait mis en place un appareil bureaucratique central rénové, renforcé et préparé à la restauration capitaliste au cours des années 1980, la bureaucratie du Kirghizistan fit le saut dans le système capitaliste en étant divisée. Les privilèges, réels, des bureaucrates ne leur permettaient pas de constituer un capital privé. C’est donc les fonctions étatiques, assurant le contrôle des mécanismes de la privatisation et des finances de l’État, qui constituent la voie privilégiée d’une rapide accumulation primitive du capital, en particulier dans un pays peu industrialisé et ne disposant pas de nombreux directeurs d’entreprises, premiers candidats à leur appropriation privée. L’histoire du Kirghizistan indépendant (depuis le 31 août 1991) c’est celle des luttes au sein de la nouvelle élite bureaucratique, largement issue de la couche des « lettrés », qui s’est trouvée à la tête de l’État en 1990. Luttes dans lesquelles la population salariée, grande perdante de l’appropriation privée des biens publics, intervient cycliquement en perturbant le jeu.
De juin à août 1990 des affrontements populaires à Och et Uzgen, provoqués par une monté du chômage (22,8 % de la population locale) et le déficit de logements, transformés en conflit ethnique entre Kazakhs et Ouzbeks, réprimés par une intervention de l’armée soviétique, ont ouvert la voie à un Mouvement Démocratique du Kirghizistan, formé par des intellectuels et des bureaucrates intermédiaires. Cette opposition a exigé la destitution d’Absamet Masaliyev, vieux membre du Bureau politique du PCUS, président du Soviet suprême de la République. En octobre 1990 le Soviet suprême s’est avéré incapable de choisir le président de la République — un nouveau poste créé dans le cadre des réformes du régime — entre les deux candidats issus de la nomenklatura traditionnelle, Masaliev et le premier ministre kirghize Apas Jumagulov.
C’est un candidat « hors concours », Askar Akayev, membre du parti mais non de la plus haute nomenklatura, président de l’Académie kirghize des sciences, considéré initialement comme un libéral, qui a été choisi. Élu président du Kirghizistan indépendant lors d’une élection incontestée en décembre 1991, il a constitué son administration en puisant parmi ses amis intellectuels, déstabilisant ainsi les élites bureaucratiques traditionnelles.
Rapidement une partie des intellectuels libéraux ont déchanté, alors qu’Akayev orientait le régime vers un présidentialisme autoritaire. Favorable aux privatisations [1].
Akayev a cependant réussi à se faire réélire en 2000 — les élections auraient été falsifiées. En mars 2002 il a fait tirer sur les manifestants qui protestaient à Jalal-Abad contre l’arrestation d’un député, en mai la police a brutalement dispersé une manifestation similaire à Bichkek. Un mouvement populaire, plus large que l’opposition politique traditionnelle, exigeant sa démission commence à se développer. Son mandat arrivant à expiration en 2005, Akayev s’est mis à préparer une succession dynastique, faisant élire au Parlement son fils Aidar et sa fille Bermet [2]. Mais il a préjugé de ses forces. Une semaine après les élections législatives, le 18 mars 2005, les manifestations massives ont débuté à Jalal-Abad, à Och, à Toktogul, à Pulgon et finalement à Bichkek, la capitale. La population a occupé les locaux administratifs, séquestré les dirigeants régionaux. L’opposition parvint à s’unifier autour de Rosa Otounbayeva, ancienne ministre, et de Karmanbek Bakiyev, ancien Premier ministre. Le 24 mars les opposants se sont emparés du siège du gouvernement et de la télévision, le président Akayev s’est enfui. Les forces de police se sont dispersées ou ont rejoint les opposants. Le premier ministre a démissionné, les élections de mars ont été annulées, Kurmanbek Bakiyev a été nommé Premier ministre et président par intérim, puis élu président lors de l’élection de juillet 2005. La « révolution des tulipes », au cours de laquelle les opposants auraient bénéficié de l’aide matérielle occidentale, venait de l’emporter.
Bakiyev a rapidement suivi le chemin de son prédécesseur, écartant ceux qui l’avaient mis au premier plan, resserrant son régime sur une base clientéliste dans le sud du pays (région de Jalal-Abad et d’Och), pratiquant le népotisme et la corruption. Il s’est assuré le contrôle des médias et a commencé à intimider les opposants : après 2007, nombre d’entre eux ont été agressés par des inconnus alors que d’autres furent retrouvés assassinés dans des conditions mystérieuses. En juillet 2009, Bakiyev a confisqué l’élection présidentielle, se déclarant vainqueur avec 78 % des suffrages, alors que les véritables résultats, retrouvés après sa chute dans le bureau de son frère, chef de la sécurité nationale, le plaçaient en troisième position et donnaient 52 % des voix au social-démocrate Almazbek Atambaev [3]. Après cette élection il resserrera encore plus le régime autour de ses proches, nommant son fils, Maksim, a la tête de l’Agence centrale pour le développement, les investissements et l’innovation, qui contrôle les finances du pays [4]. Son frère, Zhanybek, dirigeait déjà les Services de sécurité. Le régime a privatisé tous les secteurs de l’économie. Les années de sécheresse, s’ajoutant au pillage par le clan présidentiel des ressources de ce pays, pauvre [5] et rudement touché par la hausse des prix des matières premières, ont rendu les conditions de vie inacceptables : coupures d’électricité quotidiennes, manque de l’eau courante, hausse des prix alimentaires. En janvier le régime a imposé une très forte augmentation des prix des services [6] et a annoncé un second train de hausses pour juillet. Bakiyev avait auparavant vendu les compagnies énergétiques à un très bas prix à des sociétés contrôlées par ses amis [7].
Cheminement de l’insurrection
La montée des tensions sociales était perceptible dès l’arrivée des factures de janvier : « Alors qu’ils dépensaient 20 % à 30 % de leur salaire pour les régler, maintenant ils dépenseront autour de 80 % pour payer les services » expliquait début février un analyste de Bichkek [8]. Le 24 février plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre la hausse des prix de l’énergie à Naryn, au centre du pays. Les autorités régionales leur ont promis de transmettre leurs demandes. Le 10 mars plusieurs milliers ont de nouveau manifesté à Naryn, exigeant cette fois-ci le limogeage du fils du président. Le 17 mars les opposants protestaient massivement à Bichkek… Le 31 mars le régime faisait interdire par le tribunal de Bichkek un journal trop indépendant, Forum, à la suite de la publication des vers d’un poète kirghize : les termes « En période de crise chaque fils de sa Patrie doit se transformer en foudre » étaient considérés comme une « incitation à l’organisation d’un coup d’État » [9].
En mars, pour tenter de mobiliser ses troupes, Bakiyev a commencé à réunir des « kurultai », assemblées de notables inspirés de la tradition kirghize. Mal lui en pris, l’idée a été reprise par les partis de l’opposition et les mouvements sociaux, qui ont organisé également des « kurultai », bien plus massives et, surtout, devenant des embryons d’auto-organisation civique. La réaction du régime fut d’interdire ces « assemblées illégales » et de multiplier les arrestations, mais l’effet a été le contraire de ce qu’il escomptait : une boule de neige des mobilisations populaires.
Le 6 avril dans la ville de Talas, à la suite de l’arrestation de Bolotbek Scherniyazov, dirigeant du parti Ata-Meken (Patrie), qui préparait une réunion nationale des « kurultai » auto-organisés, prévue pour le 7 avril, plusieurs milliers de manifestants ont affronté la police, ont pris d’assaut l’immeuble de l’administration régionale, construit des barricades défendues avec des cocktails Molotov, occupé l’aéroport et bloqué les pistes d’atterrissage. Les insurgés de Talas ont également instauré un « gouverneur du peuple ».
Par tracts ils se sont adressés aux forces de répression : « Aujourd’hui le gouvernement vous utilise pour ses propres buts. Il vous impose des actions contraires à la loi, il vous fait attaquer les militants de l’opposition et les gens qui protestent. Décidez vous-mêmes. Nous faisons confiance à votre intelligence et à votre dignité. Pensez à vos parents, à vos frères et sœurs, à vos voisins et amis, qui doivent supporter l’humiliation pour vivre. N’oubliez pas que vos enfants et vos petits-enfants grandissent et veulent être fiers de leurs parents. Les autorités vous rappellent votre serment et vos obligations de préserver l’ordre. Mais le saint serment est un symbole de loyauté envers la patrie et non envers la famille Bakiyev. Vous avez prêté le serment de préserver la loi et l’ordre, d’être au service du peuple ! Nous espérons que vous respecterez ce serment. Un jour viendra où la famille régnante va disparaître et viendra le temps de la responsabilité de chacun. A bas Bakiyev ! Assez de ses lois familiales ! Le pouvoir doit appartenir au peuple ! » [10]
Le 7 avril les manifestations se sont répandues dans la capitale, Bichkek, et ont renversé le régime de Bakiyev [11]. Les forces de la répression ont ouvert le feu mais ont été débordées par la population. Les partis de l’opposition ont constitué un Comité exécutif central du « Kurultai populaire du Kirghizistan » qui dans sa première résolution annonçait : « Afin de garantir la sécurité publique et le respect de la loi, d’empêcher les pillages et d’assurer le retour à la vie publique, le Comité exécutif central du Kurultai populaire a décidé de former une milice populaire, de nommer Madylbekov Turat commandant de la ville de Bichkek, de soumettre tous les organes de protection de l’ordre et tout le personnel militaire au commandant de Bichkek, de transférer toutes les ressources des Affaires Intérieures au commandant de la ville de Bichkek. » [12]. Des détachements de 40-50 miliciens populaires, issus des groupes de jeunes insurgés, ont quadrillé la ville.
Les appels adressés aux policiers et aux militaires ont eu un effet lorsqu’il est apparu que ces derniers pouvaient choisir entre deux pouvoirs : celui de Bakiyev, qui s’effondrait, et celui des insurgés qui commençait à se construire. Peu à peu la majorité des fonctionnaires ont choisi le camp populaire.
Le régime de Bakiyev tombait. Ce dernier s’est enfui vers le sud du pays. Il a organisé des rassemblements en sa faveur dans son village natal et à Jalal-Abad, mais avec peu de succès — selon les journalistes présents seulement un tiers des personnes rassemblées (entre quelques centaines et quelques milliers) l’ont applaudi, d’autres préférant rester prudents. A Jalal-Abad la majorité de la population a déserté les rues lors de son arrivée, par peur d’affrontements ou par hostilité. A Och, des tirs ont perturbé un meeting de plusieurs milliers de personnes organisé par Bakiyev, le forçant à fuir. Ses clients le lâchent : des députés de son parti Ak-Zhol, qui disposait de 75 sur 90 sièges au sein du Parlement, dissous le 8 avril par les vainqueurs, ont demandé sa destitution. Le président déchu a tenté aussi d’obtenir une intervention militaire des « casques bleus » (officiellement) ou des armées kazakhes et ouzbeks, sans succès pour l’instant. Il a tenté de négocier les conditions de sa démission et finalement, le 16 avril, il a quitté le pays avec l’aide des autorités du Kazakhstan.
Gouvernement Provisoire
Au nom du « Kurtulai populaire », Rosa Otounbayeva a pris la tête d’un gouvernement provisoire, annonçant une nouvelle Constitution, le retour au parlementarisme, un nouveau code électoral et des élections dans un délai de six mois. Constatant que Bakiyev a vidé les caisses de l’État en transférant les fonds vers des banques privés, le gouvernement provisoire a pris le contrôle des six banques privées et a fermé les bureaux de change pour tenter d’éviter la fuite des capitaux. Il est aussi question de renationaliser les biens privatisés par Bakiyev et les entreprises des branches stratégiques. Rosa Otounbayeva a admis que le nouveau pouvoir n’a trouvé que 22 millions de dollars dans les caisses de l’État, mais a promis de baisser les tarifs des services communaux.
Le gouvernement provisoire a été constitué par trois partis politiques — le Parti social-démocrate du Kirghizistan [13], le Parti socialiste Ata-Meken, le Parti Ak-Choumkar — regroupés au sein du Mouvement populaire uni, ainsi que par plusieurs organisations non gouvernementales, syndicales et associatives indépendantes. Cependant dès sa constitution ceux qui ont conquis la « Maison Blanche » ont fait part de leur mécontentement : ils réclamaient un tiers de sièges gouvernementaux, qu’ils n’ont pas obtenus.
Les principaux ministres du gouvernement provisoire ne sont pas des inconnus. Tous ont déjà occupé des postes ministériels, parlementaires ou ceux de hauts fonctionnaires de l’État. Rosa Otounbayeva avait été diplomate soviétique, puis Premier ministre et ministre des affaires étrangères d’Akayev et de Bakiyev et ambassadrice de ces deux présidents. Actuellement dirigeante du SDPK, elle a une réputation d’incorruptible et passe pour n’être pas impliquée dans la lutte fractionnelle de l’opposition, ce qui lui vaudrait de se retrouver à la tête du gouvernement provisoire [14]. Son premier adjoint, en charge de l’économie, Almazbek Atambayev, dirigeant du SDPK, a été ministre de Bakiyev en 2005-2006, puis opposant, puis premier ministre en 2007, puis son adversaire lors de la présidentielle de 2009. Le général Ismail Isakov, qui a pris la tête de l’armée et de la police, a été ministre de la Défense et chef du Conseil de Sécurité sous Bakiyev, qui l’a fait condamner à huit ans de prison en janvier 2010 après qu’il ait rejoint l’opposition en octobre 2009. Temir Sariev, en charge des finances, a été candidat présidentiel du Parti Ak-Choumkar en 2009. Responsable de la justice, Azimbek Beknazarov a été procureur général. Leader charismatique du Parti socialiste Ata Meken, en charge des réformes constitutionnelles, Omurbek Tekebaev a dirigé l’opposition au régime Akayev, fut candidat à la présidence en 1995 et en 2000, président du Parlement en 2005 à la veille de la « révolution des tulipes », a aidé Bakiyev puis a rompu avec lui en 2006. Enfin Abdygany Erkebaev, fondateur et premier président du SDPK, a été président du Parlement, puis leader du cabinet fantôme formé par l’opposition en 2008.
Comme dans toute insurrection populaire, lorsque les travailleurs ne disposent pas de leur propre représentation et donc d’un projet politique à eux, ce sont les groupes constitués — au Kirghizistan aujourd’hui les partis politiques formés par les élites écartées précédemment du pouvoir — qui reprennent l’initiative. Dans le nord du pays au moins ils disposent aujourd’hui du soutien populaire. Mais pas d’un chèque en blanc. Ainsi un reportage d’Al Jazeera montrait récemment les sans-abri de Bichkek en train de délimiter des terrains pour pouvoir se construire des maisons. « Nous nous sommes insurgés pour pouvoir disposer d’un logement », expliquaient-ils en plaçant des pierres qui formaient leurs initiales pour indiquer que ce terrain était occupé. « Le terrain ne leur appartient pas, cela n’a aucune validité » commentait un des « miliciens » du gouvernement provisoire, qui sont arrivés sur place. Mais il n’a pas voulu ou osé enlever les délimitations… Des conflits ont également eu lieu dès qu’Otounbayeva a laissé entendre qu’elle était prête à laisser partir Bakiyev s’il présentait sa démission de la présidence. Les exigences de le juger pour ses crimes ont immédiatement apparu et, finalement, le gouvernement provisoire a annoncé qu’il ne négocierait pas avec le criminel et que ce dernier sera arrêté et jugé dès que possible. Le 11 avril Rosa Otoubayeva a dit à l’Agence Reuters : « Franchement, nous avons du mal à retenir ceux qui sont prêts à se précipiter [sur le bastion de Bakiyev dans le sud du pays] avec des fusils. »
Le vice-président du parti Ata-Meken, Rayshan Jeenbekov, a présenté ainsi la situation du nouveau gouvernement : « Si nous résolvons les problèmes socio-économiques au cours d’un ou deux mois, alors ce gouvernement se stabilisera et pourra durer peut-être plus longtemps. Mais si nous ne parvenons pas à résoudre les problèmes socio-économiques, si nous ne sommes pas capables de punir tous les coupables du régime autoritaire de Bakiyev, alors nous serons face à une grande question. » [15] Les partis qui ont pris la tête de l’insurrection et formé le gouvernement provisoire avaient un projet démocratique — le parlementarisme, le refus de l’autocratie… — mais non un programme de transformation sociale qui permettrait d’améliorer la vie de la grande majorité de la population, ni même une imagination permettant de s’orienter dans ce sens. Le bilan de faillite de l’URSS rend difficile cet imaginaire. Les formes d’auto-organisation qui ont commencé à voir le jour en mars — les « kurtulai » populaires — ont été rapidement tournées vers le combat insurrectionnel, leurs membres les plus actifs ont pris les armes, les discussions sur le projet de société ne se sont pas développées. Pour se nourrir, se vêtir, s’abriter, les gens sont laissés à eux-mêmes, les formes d’action collective sur ce terrain ont du mal à apparaître. La faiblesse de l’industrialisation du pays ne pousse pas naturellement à l’auto-organisation sur les lieux du travail.
Finalement, le Kirghizistan représente une base stratégique en Asie centrale. L’existence sur son territoire de bases militaires russes et américaines en témoigne, comme le conflit larvé entre les deux puissances. Ces bases n’ont pas été au centre des préoccupations des insurgés. Les gouvernements russe et états-unien, surpris par l’explosion populaire, aspirent surtout à rétablir la paix sociale au Kirghizistan. Pour ce faire ils sont prêts à aider financièrement le gouvernement provisoire. Mais cette aide ne vise pas seulement la sécurisation de leurs bases, elle sera conditionnée par la capacité du nouveau régime à contrôler la population et à préserver le modèle social dont la faillite depuis 1991 n’est plus à démontrer.
L’insurrection populaire kirghize constitue un magnifique exemple de ce dont les opprimés sont capables pour renverser une autocratie. Elle a défoncé une des portes bloquant la transformation sociale. Elle a fragilisé la propriété privée des moyens de production en mettant sur la sellette les accapareurs les plus importants du moment — la famille Bakiyev. C’est à la fois énorme et insuffisant. Pour que la révolution politique puisse transcroître en révolution de transformation sociale, en révolution populaire émancipatrice, il faut que la population puisse construire ses formes propres d’auto-organisation, trouver un programme et se doter d’une stratégie…
Une nouvelle page de l’histoire s’est ouverte au Kirghizistan. Reste à écrire les suivantes !
Paris, le 16 avril 2010
Jan Malewski