QUEL AVENIR POUR L’ÉCOLOGIE POLITIQUE ?
Les résultats des listes Europe Écologie (EÉ) aux régionales ont relancé le débat sur la structuration et l’avenir du mouvement écologiste. Pour de nombreux protagonistes de la discussion, un stade de développement supérieur passe par une profonde mutation des Verts. Voire par leur liquidation… Depuis longtemps, Daniel Cohn-Bendit ne fait pas mystère de sa préférence pour cette option radicale. Il a donc mené son offensive en deux temps : d’abord, sans même attendre les régionales, en évoquant la possibilité d’une absence de candidat Vert au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 en échange d’un accord avec le PS pour les législatives, garantissant une cinquantaine de circonscriptions aux écologistes. Puis, le 22 mars, dès le lendemain des régionales, il a lancé un appel à constituer une « coopérative politique ». Concept des plus flous… sauf sur un point : la fin des Verts !
D’autres initiatives, complémentaires ou concurrentes, ont vu le jour comme les « états généraux de l’écologie et de l’emploi » pilotés par Eva Joly, Marie-Christine Blandin et Pierre Larrouturou ou encore un appel intitulé « Europe Écologie à l’heure de l’affirmation » impulsé par les eurodéputés d’Europe Écologie, notamment Jean-Paul Besset (ancien animateur de la fondation Hulot) et Yannick Jadot (ex-responsable des campagnes de Greenpeace). Et, finalement, la riposte des Verts « canal historique » est venue sous forme d’une lettre de Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, se prononçant pour une mutation progressive des Verts, articulée à la mise en place d’un réseau informel et réaffirmant sa conviction que « les Verts n’ont aujourd’hui ni vocation identitaire ni volonté de se dissoudre dans un ailleurs indéfini ». À l’évidence, c’est là le point litigieux. Pour ceux des animateurs d’Europe Écologie qui ne viennent pas de la tradition des Verts, « prolonger la cohabitation entre un parti et un réseau reviendrait à se condamner au surplace, voire à la désagrégation ». En filigrane est posé le problème de l’adhésion directe à Europe Écologie, de la constitution de collectifs de base et des règles à instaurer pour l’organisation des « assises pour la refondation de l’écologie politique », prévues pour l’automne. Et pour la désignation des candidats et candidates aux élections à venir, cantonales puis législatives…
On le voit : après un succès électoral et politique, le débat au sein de la mouvance écologiste s’est essentiellement focalisé sur les questions organisationnelles. Pourtant, les questions d’orientation politique émergent : bilan pitoyable du Grenelle de l’environnement, cautionné par les écologistes institutionnels ; rapport de subordination ou d’autonomie par rapport au PS. Sans compter la volonté de « lier la question environnementale et la question sociale », affirmée par Duflot… mais qui peine à prendre consistance du fait de l’incapacité des Verts et d’EÉ à rompre même partiellement avec les contraintes du système capitaliste et productiviste.
François Coustal
* Paru dans Hebdo TEAN 53 (29/04/10).
LE PCF PRÉPARE SON CONGRÈS
Le bilan et les perspectives du Front de gauche sont, entre autres, au menu du congrès d’étape que le PCF doit tenir en juin.
La direction du PCF vient de rendre publics les deux documents en discussion pour le « congrès d’étape » de juin. Le premier document adopté par le Conseil national (CN) par 69 voix contre 19 et 10 abstentions traite de la situation politique, du bilan du Front de gauche et des perspectives. « Faire grandir les résistances » à la politique de Sarkozy et « réussir le changement en 2012 » sont les deux axes de ce texte dont la perspective centrale se trouve bien résumée par Robert Injey, rapporteur du document au CN : « Nos premiers acquis avec le Front de gauche ne doivent pas nous faire perdre de vue notre ambition : celle de la construction d’une majorité de changement. Y parvenir, c’est éviter le double écueil stratégique : celui de l’enfermement de l’autre gauche et celui d’une gauche solidaire dont la solidarité serait celle de se taire et l’impossibilité de peser sur les choix. »
Pour essayer de comprendre avec qui s’unir, le rapporteur fait le point de l’état de la gauche : « Une gauche, du NPA à Europe Écologie, traversée par des mouvements très contradictoires. Avec un PS qui se retrouve dans des conditions plus favorables mais où demeurent des contradictions entre des positionnements à gauche mais sans remise en cause sur les moyens du changement. »
Voilà la seule critique que porte le document à la politique du PS. Dès lors, le positionnement est clair : il s’agit pour le PCF d’être l’aile la plus radicale d’un gouvernement de la gauche plurielle. Pour y arriver, le Front de gauche reste un outil mais il doit être capable de dépasser, comme le dit le document, la seule « partie très politisée de la société » qu’il a regroupée aux régionales et de se transformer en Front populaire : « Nous ne voulons pas faire travailler le Front de gauche comme un cartel ni comme un nouveau parti mais comme une démarche politique citoyenne et populaire ouverte. » Il s’agit de répondre à Jean-Luc Mélenchon qui réclame la possibilité d’adhésions individuelles au Front de gauche. Pour conclure, le PCF propose un débat programmatique avec les syndicalistes et militants associatifs avant d’aborder les candidatures, notamment celle de la présidentielle. C’est encore le président du Parti de gauche qui est visé pour avoir laissé entendre qu’il serait un bon candidat en 2012.
Pour résumer, disons que le PCF veut continuer de diriger un Front de gauche qui serait à gauche de la « gauche solidaire » dans un gouvernement commun et qu’à cette étape, il n’envisage pas de se rallier à une candidature de Mélenchon à la présidentielle. Ce sera soit un candidat du PCF soit un « syndicaliste » proche, soit, pourquoi pas, le ralliement à une candidature unique de la gauche. On notera d’ailleurs qu’il n’est jamais fait mention dans le document, ne serait-ce qu’une fois, des noms des partenaires du Front : Parti de gauche ou Gauche unitaire ou Parti communiste des ouvriers de France ou Alternatifs... Une absence significative.
Sur le deuxième document, il y a peu de choses à dire. C’est la nouvelle langue de bois pour dire qu’il faut un parti plus ouvert, plus pluraliste, plus démocratique, plus à l’écoute de la base, des nouveaux mouvements sociaux et des nouvelles technologies : « une transformation de notre travail de direction à tous les niveaux qui visent à démultiplier les champs et l’efficacité du militantisme local compris au sens large »... Bref, rien de nouveau pour faire revenir les quatorze membres de la direction qui ont démissionné et auxquels le CN, dans un appel solennel, demande de reconsidérer leur décision qui les amènent à vouloir dynamiser la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) au détriment du PCF...
Alain Krivine
* Paru dans Hebdo TEAN 53 (29/04/10).
PARTI SOCIALISTE : NOUVEAUX ESPOIRS, VIEUX DILEMME
Les dirigeants du PS, revigorés par leur victoire aux régionales, sont cependant mis face à leurs contradictions.
La victoire du PS lors des dernières élections régionales a été suffisamment spectaculaire pour que les dirigeants socialistes considèrent à nouveau crédible un retour au pouvoir de leur parti en 2012. La première conséquence de ces ambitions retrouvées est l’effort fait pour redéfinir des propositions, voire… un « programme » ! Les propositions des treize groupes de travail en charge de l’organisation de la prochaine convention socialiste sur le « nouveau modèle de développement » ont été mises en ligne.
En règle générale, la soumission aux dogmes libéraux a un peu cédé la place à un certain volontarisme en matière économique et à un discours « plus à gauche » de nombre de dirigeants du PS. Mais encore faut-il y regarder de plus près : parmi les mesures en débat les plus en vue, on trouve notamment la fusion de la contribution sociale généralisée (CSG) et de l’impôt sur le revenu. Ce qui constituerait une nouvelle étape dans l’étatisation de la protection sociale. Ou encore, pour financer cette même protection sociale, l’augmentation du barème de la CSG payée par les retraités (imposables) ! D’ailleurs, la perspective d’attaques gouvernementales et patronales sur les retraites a constitué un bon révélateur des évolutions du PS et de leurs limites. On se souvient de la première réaction de Martine Aubry, envisageant allègrement le recul de l’âge de la retraite à 61 ou 62 ans… avant de faire marche arrière suite au tollé déclenché par sa déclaration. Mais la ligne officielle – défense de la retraite à 60 ans et recherche de nouvelles sources de financement – ne fait pas l’unanimité. Manuel Valls mais aussi François Hollande considèrent qu’il faut « adapter la durée de cotisation » et que « si nous vivons plus longtemps, nous travaillerons plus longtemps ».
Reste que, bon an mal an, Martine Aubry et les dirigeants PS sont repartis à l’assaut du sarkozysme et de son bouclier fiscal. Laurent Fabius en profite pour revisiter le passé : « Cette résignation, ce fut le social-libéralisme, une sorte de pâté d’alouettes : on voit bien en quoi il est libéral, pas trop en quoi il est social ». Autant d’errements dont, évidemment, il s’absout aisément ! Benoît Hamon agite, lui, le contre-exemple grec : pas question qu’un retour de la gauche au pouvoir se traduise en France par des mesures d’austérité sociale contre les couches populaires comme celles que met aujourd’hui en œuvre le gouvernement Papandréou ! Mais François Hollande tente de doucher ces ardeurs : la gauche devra bien rétablir l’équilibre des finances et, en conséquence, « nous n’avons pas besoin d’en promettre tant et plus » ! Un vrai cri du cœur…
En fait, il semble bien que les dirigeants socialistes soient condamnés à cette valse-hésitation entre promesses et « réalisme ». Des promesses sociales (plus ou moins) généreuses pour regagner les suffrages des couches populaires frappées par la crise et qui veulent que leur situation s’améliore. Et du « réalisme » gestionnaire pour continuer à être – aux yeux des décideurs économiques – une solution de rechange à une droite en perte de vitesse. Il ne s’agit pas seulement d’une répartition des rôles entre les principaux futurs candidats à la candidature (présidentielle), même si les uns privilégient plutôt un discours social alors que d’autres creusent le sillon de l’alternance « responsable ». C’est un vrai dilemme politique : son incapacité passée à le résoudre a déjà conduit le PS à plusieurs défaites majeures consécutives.
François Coustal
* Paru dans Hebdo TEAN 52 (22/04/10).