Alors que l’offensive antisociale se poursuit sans répit (budget 2009, destruction des 35 heures, droits des chômeurs…), une question traverse les réseaux militants : comment a-t-on pu subir autant de reculs, alors que Sarkozy n’est pas parvenu à surmonter sa chute de popularité ? C’est un véritable traumatisme que subissent les équipes. Malgré des potentiels de mobilisation sectoriels (enseignants, salariés des impôts, sans-papiers), les journées interprofessionnelles ont été des échecs (22 mai, 17 juin). Elles n’ont pas atteint la masse critique, ne serait-ce que pour effriter l’arrogance du pouvoir, qui s’est payé le luxe d’apparaître plus rageusement antisocial que le Medef lui-même.
Le pouvoir est parvenu, notamment avec la « position commune » sur la représentativité, à porter le syndicalisme dans un état de confusion et de division jamais égalé. La méthode Coué employée par les dirigeants de la CGT (une rentrée « sur les chapeaux de roue »), un bilan du 17 juin jugé « solide » (?), a pour symétrique l’étonnante rigueur syndicale de ceux qui ne brillent pas habituellement par leur combativité : « appels » FO-CFTC, en juin, à des actions… pour l’automne, alors que les attaques ont lieu ici et maintenant.
Une urgence s’impose donc : tirer les bilans, débattre entre équipes syndicales et réseaux associatifs. Et le faire le plus publiquement possible, malgré les risques d’accentuation de la concurrence à la veille des prud’homales. Déjà, se multiplient des interpellations (appels), ou des discussions plus collectives dans les structures du syndicalisme, donnant naissance à des textes (ce qui est très rare). Ce foisonnement de débats peut déboucher sur une meilleure préparation des échéances de rentrée, dans l’absolue nécessité de préparer une résistance efficace, et si possible la contre-attaque politique dans une convergence unitaire à rebâtir. Il s’agit avant tout de faire passer les intérêts du monde du travail avant tout affichage prédominant de « spécificités », au détriment de ce qui doit être commun. Résistance, rassemblement, unité, mutualisation des moyens, des énergies, voilà le mot d’ordre !
Quelques dates et quelques projets de mobilisation se dessinent. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, avait annoncé, dès juin, la date du 7 octobre, en fait « journée mondiale d’action » impulsée par la Confédération syndicale internationale (CSI). L’enjeu en est la lutte « pour un travail décent » : « 70 % des travailleurs dans le monde n’ont aucun contrat de travail », souligne l’appel de la CGT, de la CFDT, de l’Unsa, de FO et de la CFTC. À Paris, un rassemblement, place du Trocadero, risque de prendre un caractère un peu fourre-tout. Est-il possible d’en faire un vrai rendez-vous de lutte, avec manifestations et grève ? Un « travail décent » exige un emploi sécurisé, mais aussi correctement payé. Au moment où le ministre du Travail, Xavier Bertrand, veut imposer une loi visant à substituer aux salaire des primes d’intéressement, et à menacer le Smic, la question salariale, « trou béant » du syndicalisme depuis des mois, sera à nouveau cruciale dès septembre.
Un autre dossier primordial sera la protection sociale (dont la défense des droits des chômeurs), avec des échéances majeures : la loi d’application du rapport Larcher (restructuration des hôpitaux, agences régionales de santé), la loi de financement de la Sécurité sociale, et la nouvelle convention Unedic. Le Collectif national contre les « franchises », la Fédération de soutien des hôpitaux de proximité et la Convergence pour les services publics discutent de mutualiser leurs moyens pour proposer un cadre unitaire (avec une marche ou « rallye » national). La question du budget et des 31 000 nouvelles suppressions d’emplois publics, ainsi que l’annonce de la privatisation accélérée de La Poste, devraient également faire converger toutes les forces sociales et politiques défendant les services publics.