Le président de la Colombie, Alvaro Uribe, est à la tête du pays le plus aligné de la région sur la politique de Washington. La Colombie reçoit de très importants subsides des États-Unis afin de lutter contre le « narcoterrorisme », en fait, pour mener une lutte contre tout ce que la Colombie compte de mouvements de résistance à une politique au service de l’oligarchie colombienne. Chaque année, disparaissent des centaines de militants paysans et ouvriers sous les balles de l’armée et des paramilitaires alliés au gouvernement. Ceux-ci protègent les investissements américains et européens dans les zones agricoles, pétrolières et minières du pays. Il n’existe pas réellement de preuves que les Farc-EP participent directement à la vente internationale de drogue, mais l’inculpation récente de dizaines de parlementaires soutenant Alvaro Uribe suffit à montrer que l’argent de la cocaïne finance avant tout la corruption de l’ensemble de l’appareil d’État.
Avec l’élection de Chavez, en 1999, au Venezuela, la problématique s’est régionalisée. Pour la première fois, le Venezuela, qui partage 3 000 kilomètres de frontières avec la Colombie, envisage de reconnaître les Farc-EP comme une force belligérante, et le pays semble tolérer une représentation « diplomatique » de cette guérilla à Caracas. Avec l’élection de Correa, en 2006, en Équateur, l’armée américaine est sommée de quitter, d’ici 2009, sa base militaire de Manta. La Colombie se retrouve ainsi cernée par des gouvernements qui représentent l’aspiration des masses à un changement profond de politique dans la région.
En engageant, à l’automne 2007, une médiation pour la libération unilatérale, par les Farc-EP, d’otages civils, dont Ingrid Betancourt, Chavez a eu besoin d’interlocuteurs et de zones sûres. C’est pourquoi l’Équateur a toléré la présence momentanée de Raul Reyes sur son territoire. Pour l’État colombien et les États-Unis, une reconnaissance des Farc-EP signifierait la disparition du principal prétexte à leur politique militariste dans la région. Avec la libération unilatérale d’otages civils, la démonstration de bonne volonté des Farc-EP a mis définitivement en péril la politique intérieure d’Uribe. Car l’opinion colombienne commence à basculer en faveur de la négociation, alors que le scandale de la parapolitique et la découverte, grâce aux indications de chefs paramilitaires, de 3 000 fosses communes déstabilisent Uribe. Bush est alors entré en grande difficulté avec les parlementaires démocrates pour obtenir la ratification du traité de libre commerce bilatéral et le dégel des crédits pour la phase II du Plan Colombie.
Uribe cherche, par tous les moyens, à empêcher un dialogue avec la guérilla, à en discréditer les facilitateurs, à provoquer une crise régionale dans laquelle les États-Unis ne manqueront pas d’intervenir, et à garder loin des regards internationaux sa politique mafieuse et fascisante.
Malgré les signes de déstabilisation des Farc-EP, dont témoigne l’assassinat, il y a quelques jours, du dirigeant Ivan Rios par son garde du corps, il demeure indispensable de revendiquer leur reconnaissance comme acteur belligérant, pour pouvoir ainsi avancer vers une solution politique négociée. Les bases de cette solution sont : une zone de dégagement pour les forces de la guérilla ; la libération inconditionnelle de l’ensemble des prisonniers de guerre, tant du côté des Farc-EP que de l’État colombien, dans le cadre d’un échange humanitaire ; la garantie d’une représentation politique des forces insurgées et, comme dans les États voisins, l’amorce d’un processus constituant débouchant sur un nouveau système politique.