Sur quoi la liste « Gennevilliers pour tous » a-t-elle centré sa campagne ?
Taoufik Halem – Nous avons défendu des axes nationaux : dénonciation de la droite, critique de la politique du PS et du PCF, soutien aux revendications sociales et aux luttes en cours, développement des services publics, municipalisation de l’eau, droit au logement pour tous. Nous les avons articulés avec des axes locaux que nous avons voulus les plus précis possibles (justice sociale pour tous, droit au logement, à l’emploi sans discrimination, une ouverture à la jeunesse, la démocratie locale participative, etc.), ce qui a été apprécié dans la population et qui a même surpris nos adversaires.
Comment était composée votre liste ?
T. Halem – Nous avons formé, autour des piliers de notre groupe depuis vingt ans, une liste de jeunes (plus de 50 % de ses membres) et de moins jeunes, de militants de la LCR (un cinquième), d’anciens du PCF qui nous ont rejoints, convaincus par nos idées ou décidés à peser pour qu’une autre gauche existe, de citoyens sans parti, de militants syndicalistes et associatifs, porteurs de valeurs socialistes, communistes, écologistes.
Quels enseignements avez-vous tiré des résultats ?
T. Halem – La liste conduite par Jacques Bourgoin (PCF, 75 %) a profité, comme dans de nombreuses villes, de la prime au maire sortant et du rejet de la politique de Sarkozy et de son gouvernement : ici, la droite (11,9 %) perd l’un des trois sièges qu’elle détenait. Mais, dans ce fief communiste, il faut prendre en compte l’abstention, importante (49 %) : le maire ne peut se prévaloir que de 37 % des électeurs inscrits (sans compter ceux qui n’ont toujours pas le droit de vote aux élections). Visiblement, la démocratie pratiquée ici a des progrès à faire pour convaincre le plus grand nombre, et notre proposition de créer des comités de quartiers autonomes a eu de l’écho. Lutte ouvrière (LO) avait demandé un poste sur la liste d’Union de la gauche, en bonne position, mais le maire lui a proposé une queue de liste : rejetant cette proposition, ainsi qu’un accord avec nous, LO perd son élu et tombe à 2,6 %. Avec nos 1 000 voix, nos 10 %, nous confortons deux élus. S’il y avait la proportionnelle, nous en aurions quatre. Ce résultat est un formidable encouragement. Nous allons mieux structurer le collectif avec nos deux élus et agir en force d’opposition constructive.
Quel bilan tires-tu de votre campagne électorale à Gennevilliers ?
T. Halem – Nous aurions sans doute pu obtenir plus, si nous avions été plus actifs, depuis trois ans, sur le terrain et si nous avions commencé plus tôt notre campagne avec l’ensemble des militants disponibles, car le matraquage et la logistique d’une municipalité PCF bien ancrée sont difficiles à contrer. Malgré cela, notre résultat est un succès à mettre au compte d’un travail mené depuis vingt ans, de l’engagement d’élus, d’une liste diversifiée et solide. C’est aussi le résultat d’un positionnement politique clair, sans compromission, avec des propositions concrètes en phase avec les attentes de la population. Nous nous ferons le haut-parleur des revendications sociales et des luttes. En tant que syndicaliste à la RATP, je suis bien placé pour savoir que nous avons devant nous des luttes décisives à mener.
Justement, dans ton secteur, comment vit-on la situation ?
T. Halem – Ce qui revient le plus souvent dans les discussions, c’est la question du pouvoir d’achat. Seule solution, l’augmentation des salaires, comme l’ont demandé ceux de la Snecma à Gennevilliers. Les gars disent aussi : avant de s’attaquer aux régimes spéciaux de retraite, comme ceux de la RATP, on ferait mieux de s’attaquer à ceux des députés, sénateurs et ministres ! On sait bien aussi que les services publics comme la RATP sont les derniers à exister dans certains quartiers populaires. Il est essentiel de les conserver, plutôt que de les brader au profit de transporteurs liés à Vivendi (Veolia), qui ne visent qu’à faire du profit pour leurs actionnaires.
Tu travailles avec des militants de la LCR depuis plusieurs années. Quelles sont tes relations avec cette organisation ?
T. Halem – J’ai succédé à Louis Aloisio (LCR), tête de liste durant quinze ans, membre de la LCR, et j’ai eu pour colistière Isabelle Guichard, elle-même à la LCR. Autant dire que nous travaillons ensemble, ce qui fait l’originalité de notre groupe. Nous avons apprécié le soutien d’Olivier Besancenot et de son organisation. Nous avons pu nous mettre d’accord très vite sur le contenu de notre propagande. C’est une évolution positive de part et d’autre, un rapprochement d’idées. Cependant, je regrette l’inégalité de l’investissement des militants de la LCR, sans doute par sous-estimation de l’enjeu et de l’importance d’une telle élection. Avec plus de présence, nous aurions pu obtenir plus, avoir trois élus, et ne pas rater notre présentation aux cantonales.
Que penses-tu de l’appel de la LCR à la construction d’un parti anticapitaliste large ? Quelles sont, selon toi, les conditions pour y parvenir ?
T. Halem – De toute évidence, il manque, en France, contre la droite et face à une gauche molle, un parti anticapitaliste large, capable de regrouper dans les élections tous ceux qui sont dans les luttes, simples citoyens ou groupes constitués comme le nôtre. La LCR a lancé un appel. Elle a donc une responsabilité considérable : elle ne doit pas dévoyer son projet, en se contentant de s’auto-grossir comme LO a tenté de le faire, il y a quelques années, ou le PCF avec ses tentatives de prolonger son existence par la création de structures à sa botte. Ce serait casser un espoir et décevoir. Des garanties devront être données, vérifiées dans les faits, tant sur le plan du contenu de ce nouveau parti (avec la volonté de débattre, de convaincre à partir de bases théoriques claires, radicales), que sur le plan de sa construction démocratique (respect des divergences, des décisions à tous les niveaux, depuis les comités locaux jusqu’aux instances régionales et nationales). La LCR doit s’ouvrir sans exclusive, sans repli sur elle-même.
C’est une occasion à ne pas rater ; le soufflé ne doit pas retomber. Dans cet esprit, de nombreux citoyens dont je suis pourront participer à la création de ce nouveau parti anticapitaliste et démocratique, un parti pour mettre une vraie gauche à la droite !