Le précédent congrès de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE), le premier syndicat de Kanaky, en décembre 2006, avait décidé la création d’un parti politique, afin de relayer les revendications sociales et sociétales portées par le syndicat. Les partis traditionnels indépendantistes, regroupés au sein du Front de libération national kanak socialiste (FLNKS) [1], ne portent plus de projet de changement de société et ne recherchent plus que de nouvelles délégations de pouvoir de l’État colonial français. Face à eux, l’USTKE veut porter un projet fondé sur une autre répartition des richesses, le respect de la tradition kanake et l’indépendance.
Il y a 27 ans, la révolte kanake démarrait par l’image symbolique d’Éloi Machoro [2] brisant une urne. Elle permit l’inscription par l’ONU de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser. En 1988, les accords Matignon-Oudinot, signés pour dix ans, mettaient fin à quatre ans « d’événements », qui firent des dizaines de morts parmi les Kanaks. Michel Rocard, Premier ministre, avait réussi à faire croire aux Kanaks que l’évolution démographique leur redonnerait la majorité sous dix ans et que l’État engagerait un processus de rééquilibrage économique en leur faveur. Dans un contexte où la colonisation de peuplement n’a jamais cessé, et où les principaux dirigeants du FLNKS ont goûté aux prébendes largement distribuées par la France et démobilisé toutes les structures de lutte à la base, l’accord de Nouméa fut signé en 1998, et ratifié par référendum en 19993. [3]
Le préambule de l’accord reconnaît que « la colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak » et qu’il faut « la pleine reconnaissance de l’identité kanake ». Le texte prévoit le maintien de la domination coloniale pour au moins vingt ans, et des transferts de pouvoirs pendant la période transitoire. Depuis sa signature, il y a huit ans, plus de 10 000 Métropolitains se sont installés sur le territoire, véritable recolonisation contribuant à marginaliser les Kanaks et à vider de sens les promesses de rééquilibrage des emplois en leur faveur. Les transferts de compétences n’ont pas eu lieu concernant le schéma minier, le droit civil et commercial, les principes directeurs de la propriété foncière, l’enseignement du second degré, les signes identitaires, le nom du pays, le drapeau, l’hymne, la devise, etc. La droite coloniale étant majoritaire, elle bloque ces mesures au congrès du territoire. L’arrivée de Sarkozy ne fait que la renforcer dans sa détermination à barrer la route à l’indépendance.
Le Parti travailliste est donc bien une nécessité pour reprendre le flambeau de la lutte pour l’indépendance, un droit reconnu par l’ONU. Ses principes stipulent que les Kanaks, « en tant que peuple premier et colonisé, ont la légitimité à revendiquer leur souveraineté nationale sur leur sol ». Les Kanaks « combattent le colonialisme sous toutes ses formes jusqu’à son éradication totale ». Leur lutte « se fonde sur des principes anticapitalistes et prend en compte les intérêts des colonisés, des opprimés, des exploités, des exclus, etc. ». Le peuple kanak « constitue une communauté pluriethnique, libre, unie et souveraine fondée sur la solidarité des éléments d’origines diverses qui la composent ». Le Parti travailliste sera présent dans toutes les communes pour les prochaines élections municipales, et il se présentera aux élections provinciales de 2009. La LCR sera à ses côtés.
RÉPRESSION COLONIALE
Comme en métropole, la criminalisation du mouvement social bat son plein en Nouvelle-Calédonie. Deux jours après le congrès fondateur du Parti travailliste, cinq dirigeants de l’USTKE, dont son président, Gérard Jodar, ont été arrêtés, au petit matin, par des escouades de gendarmes armés et encagoulés. Ils ont été retenus une journée en garde à vue pour des incidents lors de récents conflits sociaux et l’organisation d’une manifestation « illégale » devant les grilles du Haussariat (Haut-commissariat), à l’occasion de la venue de Christian Estrosi, le sous-ministre des colonies. Ce monsieur, entré en politique avec le parrainage de Jacques Médecin, l’ancien maire de Nice, alors en fuite en Amérique du Sud, ne supportait pas le bruit des manifestants pendant la réception qu’il organisait. Les dangereux délinquants sont convoqués le 19 février devant le tribunal correctionnel.
UN PARTI ÉCOLOGISTE
La France a ratifié le protocole de Kyoto, mais une clause indique qu’il ne s’applique pas aux POM (Pays d’outre-mer, nouveau nom des TOM). De nombreux pesticides dangereux, non homologués en France, sont en vente libre et largement utilisés dans la colonie, au mépris de la santé des populations. Il n’y a toujours pas de schéma directeur de l’énergie, la réglementation minière n’a pas été revue depuis 1954, alors que le boom du nickel s’accompagne de la création de mines à ciel ouvert éparpillées sur tout le territoire. L’amiante naturel est très abondant et aucune réglementation ne limite l’arasement des massifs miniers ou l’ouverture de pistes, qui libèrent dans l’air de très grandes quantités de particules mortelles… Ces quelques exemples justifient que le Parti travailliste mette la protection de l’environnement au centre de sa politique, pour que le pays indépendant soit encore vivable pour les femmes et les hommes demain.