Un indépendantiste devant un drapeau du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d’unmeeting de la campagne du FLNKS pour le « Oui » au référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, à Nouméa le 1er octobre 2020. © Théo Rouby / AFP
L’État a imposé que le 3e référendum d’autodétermination se tienne à la date prévue en décembre 2021. C’était aller contre la demande des indépendantistes de le reporter, compte tenu de l’impact du covid et de la période de deuil qui s’en est suivie. En dépit d’une abstention de 57 %, dont une majorité de Kanaks, le gouvernement considère que l’électorat de l’archipel a alors définitivement opté pour une « Nouvelle-Calédonie dans la France ».
Aujourd’hui, il décide de reporter les élections provinciales de 2024 et de modifier la Constitution pour autoriser le « dégel » du corps électoral provincial. Il s’agit d’ouvrir la citoyenneté calédonienne, pas seulement aux natifs – les indépendantistes sont favorables à la pleine application du droit du sol –, mais au terme d’une durée de 10 ans à tous les résidents. Lesquels deviendront électeurs et éligibles pour les assemblées de Province qui déterminent les orientations politiques locales et la composition du Congrès du pays.
Cette imposition d’un « corps électoral glissant », sans un accord politique global négocié entre les différentes parties prenantes, constitue un passage en force de l’État. Celui-ci, une fois de plus, dicte son calendrier en fixant au processus engagé la date butoir du 1er juillet 2024.
C’est revenir sur un élément clé de l’accord de Nouméa, lequel a permis d’engager un processus de décolonisation et de garantir la paix civile au cours de ces trente dernières années.
Une telle politique renoue avec la logique qui a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement.
Elle vise à mettre définitivement en minorité le peuple Kanak, en contradiction du droit international et des résolutions de l’ONU qui invitent les « puissances administrantes » à « veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles administrent ».
Le Congrès du FLNKS, qui s’est tenu le 23 mars 2024, s’est unanimement prononcé contre ce projet de réforme constitutionnelle. Il a également confirmé que, pour le FLNKS, seuls le dialogue et la recherche du consensus peuvent permettre d’envisager une solution d’avenir pour l’ensemble des Calédoniennes et Calédoniens.
Nous nous alarmons de cette politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple kanak et qui met en péril la notion même de citoyenneté calédonienne au principe de la construction du destin commun.
Elle compromet la recherche d’un consensus entre les diverses communautés quant au devenir du pays et ne peut conduire qu’à un immense gâchis.
Il est impératif de préserver le processus de décolonisation qui a été poursuivi ces dernières décennies. Pour les droits du peuple kanak et des autres communautés. Pour l’avenir de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Pour l’image de la France et celle de la République.
Premiers signataires
Catherine Abecassis, réalisatrice
Gilbert Achcar, chercheur et écrivain
Paul Alliès, universitaire
Eñaut Aramendi, responsable de l’action syndicale et sociale au Pays Basque Nord
Françoise Attiba, LDH 66
Jean-Paul Augier, historien
Bertrand Badie, politiste
Etienne Balibar, philosophe
John Barzman, historien
Christian Belhôte, magistrat
Mikaa Blugen-Mered, enseignante en géopolitique
Jérôme Bonnard, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Claude Calame, helléniste et anthropologue
Patrick Chamoiseau, écrivain
David Chapell, historien, Université de Hawaï
Mathias Chauchat, professeur de droit, université de Nouvelle Calédonie
Nara Cladera, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Fred Constant, professeur des universités
Pierre Cours-Salies, sociologue
Thomas Coutrot, économiste
Bernard Dardel-Leenhardt, architecte urbaniste
Pierre Dardot, philosophe
Christine Demmer, anthropologue
Bernard Dreano, responsable Cedetim
Argitxu Dufau, porte-parole du syndicat LAB au Pays Basque Nord
Josu Egireun, syndicaliste et anticapitaliste
Didier Epsztajn, blogueur Entre les lignes, entre les mots
Sonia Fayman, sociologue
Claire Gago-Chinaine, militante occitaniste
Franck Gaudichaud, historien, Université Toulouse Jean Jaurès
Marta Gentilucci, anthropologue
Jérôme Gleizes, économiste
Daniel Guerrier, militant anticolonialiste, ancien co-président de l’AISDPK
Christine Hamelin, anthropologue
Hortensia Ines, syndicaliste Union syndicale Solidaires
Mehdi Lallaoui, réalisateur
Christian Laval, sociologue
Isabelle Leblic, anthropologue
Michèle Leclerc-Olive, CNRS honoraire, responsable associations coopération nord-sud
Domenja Lekuona, auteure multimedia, occitaniste
Michael Löwy, sociologue
Christian Mahieux, syndicaliste Union syndicale Solidaires, éditeur Syllepse
Marc Mangenot, économiste
Philippe Marlière, politiste
Marie-José Maruejouis, occitaniste
Roger Martelli, historien
Jean-Pierre Martin, psychitatre
Gustave Massiah, économiste, altermondialiste
Laurent Mauduit, écrivain et journaliste
Isabelle Merle, historienne
Michel Naepels, anthropologue
Dominique Noguerres, LDH 66
Alphonse Pajapujane, militant kanak
Ugo Palheta, sociologue
Jacques Perez, LDH 66
Agnès Pelage, sociologue
Alice Picard, porte parole nationale d’ATTAC
Christian Pierrel, directeur de publication de La Forge
Philippe Pignarre, éditeur
Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT, en charge des questions internationales
Edwy Plenel, journaliste
Jacques Ponzio, psychanalyste
Alphonse Pujapujane, militant kanak
Michèle Riot-Sarcey, historienne
Pierre Rousset, militant associatif et internationaliste
Koldo Saenz, responsable international du syndicat LAB
Henri Saint-Jean, docteur en psychologie sociale
Dominique Salgon, militant occitaniste
Christine Salomon, anthropologue
François Sauterey, vise président du MRAP
Denis Sieffert, éditorialiste
Patrick Silberstein, éditeur Syllepse
Francis Sitel, responsable revue ContreTemps
Marc Tabani, anthropologue
Gérard Tautil, auteur, militant occitaniste
Serge Tcherkezoff, anthropologue
Jean-Marie Theodat, universitaire
Ngoc-Ahn Tran, sociolinguiste
Benoît Trepied, anthropologue
Anne Tristan, journaliste
Jacques Vernaudon, linguiste, université de Polynésie française
Antoine Vigot, syndicaliste FSU
Sophie Zafari, militante syndicale