En 1999, Ernest-Antoine Seillière (Medef) annonçait une nouvelle « Constitution sociale ». Sarkozy, dans son discours du 18 septembre, veut imposer un « nouveau contrat social » et, d’ici 2012, « refonder l’État » (19 septembre), dans une dénonciation générale d’un « trop plein de droits », qui serait à l’origine des « injustices ».
Cette terminologie à forte charge symbolique est utilisée à dessein : c’est l’histoire sociale de ce pays que Sarkozy et le Medef veulent détricoter, jusqu’à faire oublier les fondements de la gauche historique et les principes collectifs nés des mobilisations populaires : solidarité, égalité, droits politiques et sociaux nationaux, prévalant sur les situations individuelles ou contractuelles. La liberté est réduite à celle du marché (marché du travail, de l’assurance risque), doublé d’une mise sous surveillance bio-étatique : fichage génétique, flicage des « déviants », des « fraudeurs », emprisonnement des malades. Certains syndicalistes dénoncent ce programme d’« ajustement structurel », vocable du FMI dans les pays mis sous tutelle. Telle est bien la sarkosociété, cet hyperlibéralisme mâtiné d’autoritarisme absolu, jusqu’à provoquer la nausée... Et la résistance.
Avec la grève annoncée des cheminots, le 18 octobre prochain (lire page 4), un chemin s’ouvre pour reprendre l’initiative dans le camp populaire. Avec trois semaines de délai, du temps est donné pour le dévoilement des supercheries, la prise de conscience, la construction d’une opposition et d’une alternative de rassemblement, dans la rue, dans la grève. D’autres rendez-vous annoncés permettent de tester le retour des solidarités autour d’objectifs qui touchent toute la population, et pas seulement quelques professions qu’on veut stigmatiser.
C’est le cas avec la journée du samedi 29 septembre contre les franchises médicales, première action nationale et interprofessionnelle, préparée depuis juin par un collectif d’organisations, de syndicats, d’associations, avec le soutien des partis de gauche (rassemblés aussi dans le comité Riposte). Chronologiquement, ces franchises sont incluses dans la loi de financement de la Sécurité sociale (avant le 22 octobre), elles sont donc une des premières mesures scélérates. Scélérates parce qu’elles détruisent la tradition de solidarité de la Sécurité sociale, qui garantit un droit automatique aux soins, quel que soit le revenu. Scélérates parce qu’elles constituent un impôt sur la maladie, payé par les malades. Scélérates au sens où elles confortent la voie (ouverte par Douste-Blazy en 2004) vers une assurance fondée sur la « responsabilité individuelle », que Sarkozy veut généraliser : « l’assurance-maladie n’a pas vocation à tout prendre en charge » (discours du 18 septembre).
Il veut appliquer, d’ores et déjà, ce principe aux personnes âgées dépendantes, en appelant à leur « capacité contributive » et à « leur patrimoine ». C’est la démonstration que la parole sarkozyenne sur le pouvoir d’achat n’est qu’un leurre. Par ces franchises emblématiques, Sarkozy applique le programme libéral le plus « pur », qui associe charité publique (je compte sur vos « dons » pour vaincre les grandes maladies) et marché assurantiel.
Les franchises dressent contre elles les associations de malades, et c’est décisif pour l’opinion publique. Mais le 29 septembre ne suffira pas. Il faudra amplifier la mobilisation en crescendo et se donner un grand rendez-vous de manifestation. Le 13 octobre, la Fédération nationale des accidentés de la vie (accidents du travail, handicapés) et l’Association de défense des victimes de l’amiante (Andeva) appellent à manifester pour faire entendre la voix des victimes des conditions de travail capitalistes. Elles dénoncent aussi les franchises médicales. Cette journée peut être un relais pour que, tous ensemble, avec les associations, les syndicats, les mutuelles, les forces politiques de gauche, nous réoccupions complètement la rue (pourquoi pas le 20 octobre, après la journée cheminote ?), pour un objectif rassembleur qui peut rencontrer un grand écho, mettre le pouvoir en porte-à-faux, le faire reculer.
Il est décisif que la journée de grève à la SNCF, le 18 octobre, ne reste pas isolée. Comme il est décisif que les confédérations syndicales, prisonnières du calendrier sarkozyen, sortent enfin de leur torpeur, retrouvent leur indépendance sous la pression des événements, et mettent dans le débat public une charte revendicative unifiée. En commençant par défendre les conditions d’un régime général de retraite unifié autour des meilleurs acquis (retraite à taux plein dès 60 ans ou après 37,5 annuités), généralisant à toutes les professions des départs anticipés pour travaux pénibles, avec des critères publics garantis. En soutenant les premières résistances des organisations de chômeurs contre la fusion ANPE-Unedic [1]. En refusant de négocier les revendications du Medef sur le contrat de travail. Rejoint par d’autres services publics, le 18 octobre pourrait être le signal d’une résistance solidaire, unissant public privé, et chômeurs.