« La résistance sociale est essentielle, cruciale parce que de son dénouement dépend tout le reste. Mais, nous savons que les luttes ne suffisent pas : elles sont déjà orphelines d’un débouché politique, sur un terrain global, avec une vision d’ensemble de la société. Cette résistance politique, cela pourrait être ce nouveau parti anticapitaliste, radical, internationaliste, féministe, écologiste, qui veut révolutionner la société, qui veut toujours changer de société et pas seulement améliorer la société. « Concrètement, ce nouveau parti pourrait être un regroupement collectif d’individus, de personnalités anonymes qui ressemblent à la majorité de la population exploitée et opprimée, de personnalités anonymes qui décident enfin de faire entendre leurs propres voix, sans prendre de détours.
« Face au vide sidéral de la gauche, en dehors des bancs de l’Assemblée nationale, doit émerger un adversaire de taille, enfin capable de tenir tête à la droite pour que, contrairement aux cinq dernières années, toutes ses attaques ne rentrent pas comme dans du beurre. Il faut faire exister une résistance globale, défendre pied à pied les conquêtes sociales, mais aussi, en plus, faire émerger une alternative globale, ressusciter l’espoir, convaincre une majorité d’entre nous d’un plan de mesures d’urgence sociales et démocratiques. Quel est le dilemme de la gauche ? Aujourd’hui, elle n’est pas capable d’aller à contre-courant quand elle le doit (sur l’immigration, par exemple), ni de créer des majorités d’idées quand elle le peut (sur les questions sociales, par exemple) !
« Il faut être utiles, mettre les mains dans le cambouis des mobilisations du quotidien. Mais, aussi, prendre le temps et réfléchir, afin que toute notre énergie dépensée ne soit pas une énergie gaspillée. Cette logique conduit à considérer qu’il y a une occasion à saisir. Avec qui et comment faire ce nouveau parti ? Quel type de nouveau parti ? Pourquoi maintenant ? D’abord parce que nous sommes de plus en plus nombreux à penser que c’est le moment ! Parce que nos luttes en ont cruellement besoin et que nous avons pris rendez-vous avec notre propre histoire ! Un rendez-vous qu’il s’agit de ne pas louper...
« Depuis quelques années, il existe une partie de la population et du monde du travail, minoritaire certes mais radicale, qui n’a pas envie de se laisser faire. Ce constat, nous l’avons fait avec tous ces anonymes qui vivent dans l’ombre mais qui sont pleins d’espoir. Et, dans les mobilisations, nous l’avons fait avec les militants des autres partis politiques, à commencer par ceux du Parti communiste, dévoués dans les luttes, mais désarçonnés par l’orientation de leur parti, ceux du mouvement social, altermondialiste, syndicaliste, ceux d’autres organisations révolutionnaires. Et même, probablement, des militants et des électeurs du Parti socialiste ou des écologistes...
« Ce qui a changé ? La LCR est devenue plus visible et plus utile : pas le point unique de référence, mais un point de référence... Il existe, autour de nous, un milieu qui ne partage pas l’entièreté de ce qu’est la LCR, ou de ce qu’elle a été. Mais qui pense, sur la base de ce que nous disons et de ce que nous faisons, que l’on pourrait faire un petit bout de chemin ensemble. Il faut donc, à notre échelle, prendre nos responsabilités : ni plus, ni moins.
« Alors, la LCR-bis ? Une interpellation tellement prévisible ! Nous n’avons d’autre prétention que de dire que nous allons essayer. Sans certitude que cela va marcher. Mais, oui, nous voulons vraiment essayer ! La LCR est probablement la seule force organisée dans la gauche radicale à lancer cet appel-là. Est-ce que cela veut dire que nous voulons le faire seuls ? Bien sûr que non ! Nous continuons à tendre une main fraternelle aux organisations, aux courants, aux collectifs locaux qui, eux aussi, veulent prendre leurs responsabilités, pas pour rallier la LCR, mais pour partager une démarche commune. Ce nouveau parti ne sera pas le nouveau grand parti dont l’histoire et les travailleurs ont besoin. Sans doute... Mais entre le « grand parti » et la LCR, vous ne croyez pas qu’il y a un juste milieu ?
« Les luttes ont besoin de plus de mémoire et de plus de conscience. “Le nombre immense qui n’a jamais su sa force”, disait Louise Michel. Et c’est tellement vrai ! Faire comprendre à la multitude des exploités et des opprimés qu’elle pourrait non seulement changer la société mais, aussi, organiser la société différemment... Notre objectif ? Construire un parti qui donnera la parole à ceux qui ne l’ont jamais ! Ceux-là ne courent pas après des postes dans les institutions, mais après leur propre émancipation, leur liberté. Pour cela, il faut un parti de militants : ni caricature de parti d’adhérents passifs, ni une organisation avant-gardiste et élitiste comme la vision en a été colportée par une partie de la gauche révolutionnaire. On peut avoir une histoire et un héritage sans avoir les yeux braqués vers le passé. Sur les décombres où tant d’illusions ont été enfouies par la social-démocratie et par le stalinisme, il faut d’abord reconstruire. On ne pourra pas faire du neuf qu’avec de l’ancien.
« Or, plutôt que de reconstruire, une partie de la gauche radicale cherche à recomposer, à recoller les morceaux radicaux du vieux mouvement ouvrier. Or, cela fait quinze ou vingt ans que l’on cherche à faire des regroupements, des coalitions, des cartels... sans succès, tant pèse le passé des uns et des autres. Par le haut, il y a blocage. En revanche, par le bas, le souffle du renouveau et d’une nouvelle génération militante - qui n’est pas marquée par le poids des expériences du passé - a commencé à passer. À terme, il sera peut-être suffisant pour obliger les organisations à travailler ensemble : nous ne renonçons pas à la perspective d’un rassemblement unitaire. Mais le problème est de savoir comment on prend les choses. Aux origines du mouvement ouvrier, nos aînés ont été capables de construire parce qu’ils ont été capables de convaincre un milieu significatif que l’heure était venue de se représenter soi-même. Se représenter soi-même : c’est la question clé. »