En France, les attaques d’ampleur contre la Sécurité sociale se sont toujours heurtées à la résistance et à la mobilisation des salariés. Le programme UMP de contre-réformes prépare une nouvelle étape dans le démantèlement et la privatisation de la Sécu. La LCR agit pour une mobilisation unitaire et propose une alternative radicale au système de santé et de protection sociale actuel. Elle apporte ainsi sa contribution à ce qui peut devenir une première défaite pour Sarkozy et Fillon.
En premier lieu, elle propose que se prépare, dès maintenant, une mobilisation large et unitaire contre la loi de financement de la Sécurité sociale, présentée au Parlement à l’automne et, principalement, contre la disposition qui prétend imposer les nouvelles franchises de soins, c’est-à-dire une part forfaitaire non remboursée sur les consultations, la pharmacie, les analyses médicales et l’hospitalisation. Ces franchises pourraient se cumuler avec les forfaits déjà en vigueur : 1 euro sur chaque consultation ou acte médical, 18 euros sur les actes chirurgicaux lourds, 16 euros par jour d’hospitalisation. Le droit à la santé et l’accès aux soins sont encore plus remis en cause et les malades davantage pénalisés. Les salariés, les retraités, les chômeurs, les jeunes sont tous concernés par ces franchises. Les syndicats, les associations, les partis de gauche doivent s’unir pour imposer le retrait de cette disposition impopulaire, et des « collectifs antifranchises » doivent se créer partout. La mobilisation a imposé le retrait du CPE. La mobilisation peut et doit imposer le retrait des franchises de soins.
Salaire socialisé
Malgré les résultats du deuxième tour des législatives, le gouvernement n’a pas renoncé à la TVA « sociale ». Cette mesure a pour objet de remplacer la cotisation sociale par l’impôt indirect sur la consommation, le plus inégalitaire et le plus injuste des prélèvements obligatoires. Or, les cotisations sociales constituent une part du salaire, mise dans un pot commun, afin de financer les prestations sociales. C’est le salaire socialisé. Diminuer ou supprimer des cotisations sociales, c’est réduire nos salaires, ce que les employeurs appellent « les charges sociales », et augmenter les profits.
Modifier le mode de financement de la Sécu, c’est remettre en cause le principe de solidarité, c’est bouleverser ses fondements mêmes qui reposent sur les cotisations, (qu’elles soient dénommées patronales ou salariales), c’est-à-dire sur le salaire socialisé payé par les employeurs. Pour donner des moyens à la Sécu, il faut donc relever la masse salariale dans le pays, c’est-à-dire donner du travail à tous et toutes, augmenter les salaires et abolir toutes les exonérations. Et, si nécessaire, augmenter les cotisations, mais uniquement la part patronale, pour éviter de réduire le salaire net et le pouvoir d’achat.
Depuis 1945, date de la fondation de la Sécu actuelle, le patronat a agi avec constance afin de contrôler le budget de la Sécu, de contenir et de limiter le salaire socialisé. Il n’a jamais accepté le principe suivant lequel « on cotise selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins ». Le plan Juppé a introduit une rupture avec ce principe, en soumettant le budget de la Sécu au contrôle du Parlement, chargé de voter la loi de financement de la Sécurité sociale. Dans le cadre de la loi Douste-Blazy, lorsque l’enveloppe prédéfinie est dépassée, une « procédure d’alerte » est déclenchée et des mesures d’économies, autrement dit des réductions de prestations, doivent être prises.
Remboursement à 100%
C’est ce qui vient d’être décidé par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), dans le cadre du plan de redressement, qui réduit à 50 % le taux de remboursement des actes de spécialistes « hors parcours des soins » [1], et multiplie le nombre d’actes soumis à la franchise de un euro. Ajout supplémentaire à l’entreprise de démolition, depuis la formation du gouvernement Fillon, la Sécu est sous tutelle du ministère des Finances, celui de la Santé ne conservant que des attributions secondaires. La situation financière prédomine au détriment de l’état sanitaire.
La réduction « du périmètre des remboursements » va de pair avec le contrôle exercé sur les assurés sociaux et leurs dépenses. C’est ce qui se cache sous le vocable de « la maîtrise des dépenses de santé » ou « de la gestion du risque », en réalité une maîtrise comptable des dépenses de santé remboursées. C’est le danger du dossier médical personnalisé, qui va être mis en place dans les mois à venir et dont la gestion privatisée échappe à la Sécu. Les protections pour éviter que les assurances privées n’accèdent aux données sont aléatoires.
Dans l’activité des caisses, la place prise par le contrôle social est de plus en plus importante. Alors qu’elles n’ont pas les moyens budgétaires et de moins en moins de personnel pour assurer leurs missions de service public, et que partout les centres de Sécu ferment, elles consacrent une part de plus en plus importante de leurs moyens à « fliquer » les assurés sociaux. Chaque client, c’est ainsi que les directions des caisses appellent les assurés sociaux, est considéré comme un fraudeur potentiel. Chaque certificat d’arrêt de travail est considéré a priori comme abusif. Cela a parfois des conséquences dramatiques et coûteuses pour des malades, leurs pathologies s’aggravant parce qu’ils n’ont pu bénéficier du repos en raison des réticences de médecins à prescrire l’arrêt.
Pour aboutir à une véritable sécurité sociale, « l’assurance maladie » doit mettre au cœur de ses préoccupations le droit à la santé pour tous et toutes. Il s’agit non seulement de permettre à chacun de se soigner en étant remboursé à 100 % (sans aucune franchise) et par le tiers payant généralisé, mais aussi de prévenir la maladie en agissant sur les causes de la dégradation de l’état de santé, les conditions de travail ou le chômage, l’environnement, l’habitat, l’alimentation, causes qui n’ont bien souvent rien à voir avec la fatalité...
Ni État, ni patrons
Pour cela, il faut mettre en cause l’exercice libéral des professions de santé et développer des centres de soins polyvalents dans les villes et les quartiers. La Sécu et les mutuelles ont suffisamment d’expérience, notamment en matière de prévention, pour être le pivot d’un service public de santé. Il est nécessaire d’inverser la politique en cours depuis des années, de rouvrir les centres de santé - notamment ceux fermés par les caisses -, de les développer sur tout le territoire et en priorité dans les départements, communes et quartiers manquant de médecins et de professionnels de santé.
La Sécurité sociale doit être le maître d’œuvre d’une politique de santé démocratique. Pour répondre aux besoins de la population, cette politique doit être élaborée avec les populations, et non en fonction des enveloppes fermées et insuffisantes votées par le Parlement. Les experts scientifiques, les associations de malades et d’usagers doivent apporter leur aide et leur savoir-faire. La première des conditions à la mise en œuvre de cette démocratie sociale est le retour à l’élection des administrateurs de la Sécu à tous les niveaux, du local au national. Pour cela, ils doivent être élus au plus près des assurés sociaux (par exemple, dans les centres de santé et de Sécu). Pour toutes leurs décisions importantes, ils devront consulter leurs mandants, rendre des comptes. Ils devront également être révocables.
Ils devront disposer de tous les pouvoirs de gestion. Il faut donc mettre fin à la tutelle de l’État et exclure les patrons des conseils d’administration des caisses. Personne ne demande à son employeur de déterminer ses choix de consommation, de contrôler l’utilisation de son salaire direct. Il n’y a pas plus de raison de lui demander de participer à la gestion du salaire socialisé.
Encarts
Le service public de santé
Le financement socialisé de la Sécurité sociale coexiste avec un réseau de soins en grande partie libéral. La LCR propose que la médecine sociale devienne prédominante dans l’organisation sanitaire, et donc de réduire la part du secteur privé, car la santé n’est pas une marchandise comme une autre, une pompe à profit.
Le service public de santé, intégré à la Sécurité sociale, doit coordonner tous les établissements, des hôpitaux aux centres de santé proches de la population, chargés de la prévention, de l’éducation, des urgences ne nécessitant pas d’hospitalisation, et des soins des diverses spécialités médicales et paramédicales.
Les médecins libéraux et professionnels de santé libéraux doivent travailler en réseau avec les centres de soins et les hôpitaux, et y faire des vacations si nécessaire. Le paiement à l’acte et tous les dépassements d’honoraires (secteur 2) seront supprimés. La rémunération des professions de santé libérales sera forfaitaire.
Le service public de santé devra bénéficier de toutes les capacités légales afin d’agir sur les causes de la dégradation des états de santé, en concertation avec les associations intervenant sur ces terrains : les CHSCT dont les pouvoirs doivent être renforcés, les comités d’entreprise bénéficiant du droit de veto, les inspecteurs du travail (en nombre suffisant et totalement indépendants des employeurs), le personnel médical scolaire (médecins, infirmières, psychologues présents dans tous les établissements).
Le mode de financement
Le déficit de la Sécu (assurance maladie, retraites, allocations familiales) est totalement dramatisé. En 2007, les dépenses prévues s’élèvent à 402,2 milliards d’euros, et les recettes à 394,8 milliards, soit un déficit de 7,4 milliards. C’est un budget supérieur de plus de 50 % à celui de l’État, pour un déficit 5,6 fois moindre (l’État dépense 267,8 milliards et perçoit 225,9 milliards, soit un déficit de 41,9 milliards).
Les dépenses de santé et de protection sociale augmentent plus vite que le PIB, ce qui serait insupportable pour « l’économie ». Pourtant, d’autres dépenses, comme par exemple les loisirs et l’électronique, progressent davantage, sans susciter autant d’effroi. En réalité, pour les libéraux, ce ne sont pas les dépenses de santé qu’il faut restreindre, mais seulement les dépenses socialisées, le recours aux assurances privées serait salutaire. Aux États-Unis, les dépenses de santé sont bien plus importantes... et les indicateurs de santé déplorables. Mais, dans ces conditions, peu importe, c’est bon pour « l’économie » !
Les premières mesures à prendre :
• créer des emplois et augmenter les salaires (100 000 chômeurs en moins, c’est 1 milliard d’euros en plus pour la Sécu, 1 % d’augmentation des salaires, c’est 3 milliards supplémentaires pour la Sécu) ;
• récupérer l’argent transféré des salariés au patronat, qui bénéficie des exonérations de cotisations (23 milliards d’euros en 2007) et de la fiscalisation croissante de la Sécu ;
• imposer, comme seule rémunération, le salaire, et supprimer celles qui échappent aux cotisations (participation, intéressement, épargne salariale, stock-options, etc.) ;
• récupérer les dettes patronales (près de 2 milliards par an) - créer une caisse de compensation des irrécouvrables alimentée par les employeurs -, et les dettes de l’État (6 milliards) ;
• contrôler les accidents du travail (et non les arrêts dus aux mauvaises conditions de travail), en redonnant à la Sécu le moyen de mener des enquêtes sur les accidents du travail et les maladies professionnelles car, selon des enquêtes épistémologiques, le coût des non-déclarations est de 15 milliards d’euros par an ;
• abroger les impôts sur la maladie (TVA sur la pharmacie et le matériel médical).
1. Selon la loi de financement de la Sécu 2007.