Environ 6 000 personnes issues des communautés indigènes du Cauca, dans le sud-ouest de la Colombie, se sont rassemblées le 19 octobre à Bogota, exigeant de voir le président Iván Duque et excédées par la violence des groupes armés liés au trafic de drogue qui opèrent dans leur région. Dans plusieurs régions du pays, et notamment depuis le mois d’août, des massacres abominables sont rapportés.
Et depuis la série noire du mois d’août, souligne le site colombien de réflexion Razón Pública, “malgré l’indignation [exprimée dans des manifestations], douze autres massacres ont eu lieu, pour la plupart dans les mêmes régions et touchant surtout des jeunes”.
Chocó, Cundinamarca, Nariño, Bolívar, Cauca : toutes ces régions du nord au sud du pays sont affectées par des meurtres collectifs que l’on peut rapporter à la rivalité de groupes armés criminels pour la domination territoriale.
Simple question de domination
Ce sont par exemple les AGC, Autodefensas Gaitanas de Colombia, un groupe paramilitaire impliqué dans le narcotrafic et également connu sous le nom de Clan del Golfo. Selon l’auteur de l’article, ces factions affrontent leurs anciens alliés sur le terrain, pour des raisons de domination sur des zones qui n’ont souvent même pas de lien avec le trafic de drogue.
Dans ce type de scénario, les habitants sont soupçonnés par les uns ou par les autres de “pactiser avec l’ennemi” et sont alors exécutés. S’ils ne sont pas tués, ils peuvent être menacés ou voir un membre de la famille exécuté, cela afin d’assurer leur silence et leur soumission.
Les guérillas ont repris du service
Un autre cas de figure est incarné par la violence des groupuscules dissidents de l’ancienne guérilla des Farc, ou par celle de l’ELN (Armée de libération nationale), qui n’a jamais signé d’accord de paix, contrairement aux Farc. Les uns se dressent contre les autres, entraînant des exactions contre les villageois pour, notamment, “exercer [sur eux] un contrôle social”.
Enfin, les narcotrafiquants qui sillonnent certaines provinces, comme celle de Nariño, dans le sud-ouest du pays, entendent eux aussi, parfois en lien avec les autres groupes armés, terroriser la population et ne pas laisser de traces. Ou se venger de trahisons supposées de certains complices.
Mais d’autres cas de massacres ne trouvent pas d’explications dues au crime organisé ni aux antagonismes entre guérillas, reconnaît l’auteur, Kyle Johnson, un expert colombien des conflits.
Pourquoi les jeunes ?
Les principales victimes de meurtres collectifs sont des jeunes, et “ce n’est pas nouveau”, indique La Razón Pública.
Dans les zones rurales “de cultures illégales et de mines clandestines”, le chômage pousse les jeunes vers ces activités, “unique façon de gagner de l’argent”. Ils sont alors bien plus vulnérables à la violence, “qui est la seule façon de résoudre les conflits” dans ce type d’univers, même s’ils ne sont pas impliqués.
Par ailleurs, ils peuvent constituer une cible de choix pour des groupes rivaux de guérilla qui les suspectent facilement d’avoir été recrutés par leurs adversaires. Même s’ils ne sont pas impliqués.
La Razón Pública
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