Au Royaume-Uni, depuis quelques semaines, le mouvement Black Lives Matter appelle au déboulonnage de statues. “De son côté, Oku Ekpenyon espère plutôt en ériger une”, constate le Financial Times. Cette enseignante britannique milite depuis plus de vingt ans pour la création d’un mémorial national de l’esclavage.
L’idée germe à la fin des années 1990. Professeure d’histoire dans le secondaire, elle emmène un groupe d’élèves visiter la tour de Londres. “Lorsque nous sommes rentrés, une élève d’origine africaine m’a demandé : ‘où est notre histoire’”, confie-t-elle au journal financier. “En classe, on parlait à l’époque de la Grande-Bretagne, de la révolution industrielle, mais l’esclavage était toujours considéré comme quelque chose qui s’était passé ailleurs.”
Un emplacement trouvé et le soutien du maire Boris Johnson
Avec un groupe d’amis, elle lance alors une association : Memorial 2007. L’objectif de la démarche : créer un monument à la mémoire des esclaves et de leurs descendants à temps pour le bicentenaire de l’abolition de la traite des êtres humains dans l’Empire britannique, décrétée en 1807. “Cette date est passée désormais, regrette Oku Ekpenyon. Je suis fatiguée, je n’aurais jamais pensé devoir encore me retrouver à travailler là-dessus aujourd’hui.”
Tout était pourtant bien parti. Un sculpteur avait été désigné et la maquette réalisée. “Celle-ci représente six adultes debout sur un piédestal orné de bas-reliefs, afin de raconter à la fois l’esclavage et son abolition”, précise le Financial Times. En parallèle, un emplacement de choix avait été trouvé : à Hyde Park, en plein centre de la capitale britannique. Cerise sur le gâteau, le projet a reçu le soutien en 2008 d’un certain Boris Johnson, alors maire de Londres. Depuis, dénonce-t-elle, “l’État britannique refuse de contribuer au coût du mémorial, évalué à 4 millions de livres, alors que d’autres monuments à travers le pays ont reçu un soutien financier”. Résultat : le permis de construire a expiré en novembre dernier. Une nouvelle autorisation doit désormais être soumise.
Des États qui traînent les pieds face à une “histoire contestée”
Pour la militante, les obstacles auxquels le projet fait face “reflètent l’ambivalence du pays vis-à-vis de cette histoire contestée”. Certes, tempère le quotidien, “une arche anti-esclavage a été érigée dès 1834 dans la petite ville de Stroud et il existe des statues d’antiesclavagistes britanniques, mais rien qui commémore la douleur de la période elle-même, à l’exception notable d’une œuvre plutôt conceptuelle installée dans la City de Londres à l’occasion du bicentenaire de 1807”. Le Royaume-Uni n’est d’ailleurs pas le seul État à traîner les pieds en la matière, souligne le Financial Times. Il a fallu attendre 2015 pour que “le président français François Hollande inaugure un mémorial sur l’esclavage sur l’île de Guadeloupe et que les Nations unies dévoilent un mémorial à New York”.
Avec le regain d’intérêt pour la question, Oku Ekpenyon reprend espoir. La pétition et la page de crowfunding dédiées au projet ont connu une hausse de fréquentation ces derniers temps. “Certains remettront en question l’esthétisme du mémorial proposé, d’autres diront que les statues sont moins importantes que les musées, l’école et les efforts structurels pour combattre le racisme institutionnel, conclut le Financial Times. Mais, selon Ekpenyon, le travail qu’elle mène fait partie intégrante des réponses à apporter aux injustices actuelles.”
Financial Times
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