Tout semble indiquer une élection « dans du velours » pour Sarkozy. Bien sûr, à deux mois de l’échéance, il faut se méfier de pronostics hasardeux. Mais il semble bien que le candidat du camp réactionnaire marque des points, et pas seulement dans les intentions de vote. La situation est paradoxale, alors même que l’UMP, dont Sarkozy est l’héritier, gouverne sans partage depuis cinq ans et que cette droite a, à son actif, ou plutôt à son passif, un bilan antisocial sans précédent. De même, on peut bien s’exercer à une multitude de critiques vis-à-vis d’un candidat de droite qui vient de rassembler son camp autour d’une synthèse libérale autoritaire, mais peut-on lui reprocher de ne pas proposer et assumer son projet ? Son orientation drague ouvertement sur les terres de l’extrême droite, mais elle est susceptible d’aller chercher la gauche dans le monde du travail salarié.
Les intentions de vote pour l’ensemble des candidats de gauche donneraient le score le plus bas depuis 1969, toutes candidatures réunies. Bien que les mêmes intentions de vote donnent, pour le second tour, une victoire sarkozyste, mais dans des proportions plus classiques du point de vue des rapports de force droite/gauche. Dès lors, rien ne peut nous détourner de l’idée que la gauche, le PS et sa candidate, ne sont pas en situation de combattre efficacement la droite. En effet, le PS s’avère, jusqu’à ce jour, incapable de centrer la campagne sur la sanction du bilan de la droite au pouvoir ; il ne parvient pas à dénoncer concrètement les plans de Sarkozy et du Medef ; il ne fait rien pour démystifier la candidature Bayrou... Cela fait beaucoup ! Il semble que le PS et sa candidate se soient fixé un seul cap stratégique : surfer sur le souvenir culpabilisant du 21 avril 2002 pour, dès le premier tour, écraser le reste de la gauche et battre la droite au second tour. Ce scénario ne tient pas compte de cinq années d’épreuves et d’attaques libérales qui ont commencé à remodeler la société en défaveur du monde du travail et créé une situation d’attente sociale, que les libéraux à la tête du PS sont bien incapables de satisfaire.
Pour le PS, le résultat du référendum du 29 mai 2005 demeure un impensé : les dirigeants socialistes continuent à faire comme s’il ne s’était rien passé, alors même que la gauche a été profondément divisée et que, une nouvelle fois, les couches les plus populaires, les plus touchées par les politiques libérales, se sont détachées du PS. Dès lors, le PS s’est concentré sur ses primaires, considérant que le plus dur était de gagner la bataille dans son propre camp. Le reste suivrait. On connaît la suite. L’emploi, le pouvoir d’achat, la précarité, les retraites sont les premières préoccupations de la population. Avec le Smic à 1 500 euros brut en fin de législature et une conférence sur les salaires avec le Medef, tout le monde voit bien que le compte n’y est pas. Revaloriser les « petites pensions » de 5 % - soit de 20 à 40 euros par mois ! - n’est pas à la hauteur de la détérioration de la situation de tous les retraités, organisée par la loi Fillon. On pourrait multiplier les exemples, en ajoutant la surenchère sécuritaire : sur l’essentiel, la différence avec la droite ne saute pas aux yeux. Et cela démobilise
Plus profondément, il semble bien que, sauf situation exceptionnelle, l’orientation sociale-libérale ne parvient pas à mobiliser en profondeur, à combattre efficacement les idées réactionnaires et donc, en définitive, à battre la droite. Seule une gauche antilibérale conséquente, donc anticapitaliste, peut battre durablement la droite en proposant, dans les urnes et par la mobilisation, une alternative globale autour de propositions concrètes. Les 100 propositions et le discours de Villepinte n’ont pas soulevé l’enthousiasme, car elles ne répondent pas à ces problèmes de fond : rien sur la répartition des richesses, pas de modification de la construction européenne et une acceptation des fondamentaux de la mondialisation capitaliste.
Dès lors, l’affaire du second porte-avions apparaît bien anecdotique, d’autant que cette proposition est intégralement « pompée » sur les mesures défendues depuis 2002 - et encore récemment à la télé - par notre candidat. En répétant sur TF1 des choix « réalistes » en ce qui concerne le Smic et les petites retraites, la candidate du PS ne peut répondre, au-delà d’une prestation télévisuelle, aux criants problèmes de niveau de vie, de répartition des richesses, au moment même où les profits cumulés par les entreprises du CAC 40 approchent la somme sans précédent des 100 milliards d’euros.