La victoire du NON à la Constitution européenne (TCE), la crise des banlieues et le succès de la mobilisation contre le contrat première embauche (CPE) indiquent un large rejet des politiques néolibérales. En même temps, le PS a largement réussi à colmater ses divergences sur la Constitution européenne autour de la candidature de Ségolène Royal et la gauche antilibérale n’est pas parvenue à présenter une candidature unitaire. Comment expliquer ces contradictions ?
Deux raisons majeures expliquent le décalage entre l’ampleur des mobilisations sociales contre les politiques libérales et leur traduction sur le plan politique. D’une part, une chose est de refuser le TCE, autre chose est de se reconnaître dans une alternative antilibérale, anticapitaliste d’ensemble au libéralisme et au social-libéralisme. Il en est de même en ce qui concerne la légitime révolte des quartiers populaires et des banlieues ou la mobilisation contre le CPE. D’autre part, il y a une incapacité de la gauche antilibérale d’offrir une réelle perspective d’ensemble et de dépasser ses divisions. Pour le PCF, la raison principale tient au fait qu’il voudrait unifier la gauche antilibérale autour de lui et laisser ouverte des possibilités d’alliance avec le Parti socialiste. D’où l’impossibilité pour lui d’accepter une candidature autre que celle de Marie-George Buffet. Quant à la LCR, elle a sous-estimé l’ampleur dumouvement de fond qui s’est exprimé dans la campagne du « non » de gauche au travers de la création de centaines de collectifs, elle a refusé après le 29 mai toute intervention de ces collectifs sur le champ politique en la limitant auxmobilisations sociales. Et aumoment du lancement des collectifs pour des candidatures unitaires, elle a adopté une posture extérieure qui ne lui a permis de peser sur les processus en cours et surtout qui l’a coupée des dizaines
de milliers de militantes et de militants qui se reconnaissent dans les collectifs et qui aspirent à la création d’une nouvelle force antilibérale et anticapitaliste.
Comment éviter que la gauche antilibérale ne soit happée par des logiques strictement électorales, quiprivilégient la forme sur le contenu ? En effet, vues de Suisse, les discussions des collectifs ont été dominées par le choix d’un ou d’une candidate, au détriment des débats de fond ?
Il s’agit pour partie d’une illusion d’optique. Évidemment, dans une élection présidentielle, le choix du candidat a une certaine importance et a polarisé nombre de débats et c’est surtout cela qui intéresse la presse. Mais les débats ont porté aussi, et même surtout, sur le profil et le contenu de la campagne. Les collectifs ont adopté un document qui trace les contours d’une alternative au social-libéralisme, qui défend 125 propositions qui pour être mises en œuvre nécessitent une rupture avec les institutions de la Ve République et avec les politiques libéralesmenées depuis 25 ans par les divers gouvernements qu’ils soient de droite ou de gauche.
Comment réponds-tu à l’objection de lamajorité de la LCR, qui refuse de renoncer à la candidature Besancenot, tant qu’une liste unitaire antilibérale ne prend pas clairement l’engagement de ne pas participer à un gouvernement ou à une majorité parlementaire avec un PS rallié au social-libéralisme ?
Pour être brutal, la majorité de la LCR a saisi cette question comme un prétexte. La meilleure preuve en est la réponse que la LCR a apportée à la réunion des collectifs des 20 et 21 janvier où dans la déclaration finale adoptée il est écrit : « Son orientation (celle de Segolène Royal) sociale-libérale démontre l’impossibilité d’envisager un accord gouvernemental ou parlementaire avec le PS » et dans laquelle les collectifs s’adressent à la LCR et au PCF pour qu’ils rejoignent le processus unitaire. Et plutôt que de répondre positivement à cette offre, la majorité de la LCR a opposé une fin de nonrecevoir en écrivant « La réunion de Montreuil nous aurait répondu sur la question des rapports au PS. Nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas voir qu’il s’agit là d’une inflexion d’opportunité, destinée à nous placer dans la difficulté ». Cette attitude sectaire a été par ailleurs fortement critiquée par nombre demilitantes etmilitants de la majorité.
Le retrait de la candidature de Marie-Georges Buffet semble aujourd’hui impossible, si bien que la déclaration de candidature de Bové s’adresse au mieux aux membres des collectifs opposés à la candidature Buffet, ainsi qu’à la LCR. S’agit-il toujours d’une candidature unitaire ? Et si la LCR maintient Besancenot, quel sens aura une quatrième candidature de la gauche antilibérale ?
En ce qui me concerne, j’ai toujours été sceptique sur le fait que le PCF aille jusqu’au bout et accepte une candidature qui ne soit pas issue de ses rangs. Mais une unité partielle était possible avec l’essentiel des forces parties prenantes du processus, sans le PCF certes, mais avec de très nombreux oppositionnels du PCF, dont d’ailleurs certains sont très investis derrière la candidature de José Bové. Et si cette unité avait été réalisée, et politiquement les conditions étaient réunies pour le faire, cela aurait constitué un événement politique majeur. Ensuite, le maintien de la candidature de José Bové a-t-elle un sens ? Il faut commencer par dire que c’est un peu fort de café que le PCF et la LCR accusent Bové de diviser ou d’émietter la gauche antilibérale alors que ces deux organisations portent, pour des raisons différentes, une responsabilité écrasante dans cet éclatement de la gauche antilibérale. La décision du maintien ou non de la candidature de José Bové dépendra de plusieurs paramètres : du fait d’avoir les 500 signatures, de la réalité et développement des collectifs, de la dynamique politique de la campagne (affluence aux meetings, élargissement des forces engagées), de son utilité pour poursuivre, après la présidentielle, une démarche de regroupement des forces antilibérales lors des prochaines échéances politiques et des mobilisations sociales. La décision sera prise les 10 et 11mars lors d’une réunion nationale des collectifs qui soutiennent la candidature de José Bové.