Le quartier est l’un des plus fréquentés de la capitale britannique. Tout près des gares de King’s Cross et de Saint-Pancras, le siège de Google UK côtoie celui de Bombardier et d’Universal Music, ainsi que de nombreux établissements scolaires. Chaque jour, des milliers de travailleurs circulent entre les édifices flambant neufs, tandis que les voyageurs se pressent pour rejoindre le nord du pays ou le continent, via l’Eurostar.
“Le site de 27 hectares a récemment été complètement réhabilité”, rappelle le Times.. À l’issue des travaux, le promoteur immobilier Argent “y a installé des dizaines de caméras pour surveiller les allées et venues des passants”. Rien d’extraordinaire, pour une ville dotée de 400 000 appareils de ce type.
Consentement obligatoire
Seulement voilà, les caméras de King’s Cross sont dotées d’un logiciel de reconnaissance faciale, révèle le Financial Times,, une technologie déjà expérimentée par les services de police britanniques avec plus ou moins de succès. Problème, “au titre des lois en vigueur sur la protection des données, la collecte de données personnelles sensibles – notamment les visages – exige un consentement exprès des personnes qui sont observées”.
En vertu du Règlement général sur la protection des données (RGPD), adopté par l’Union européenne au printemps 2018, “les visages et les données biométriques sont des informations personnelles appartenant à la même catégorie que la sexualité, appuie le Times. Les entreprises doivent avertir les citoyens, par exemple au moyen de panneaux, que ces informations sont collectées, mais elles doivent aussi expliquer les usages qu’elles en feront et justifier la légitimité de leur démarche, liée par exemple à des raisons de sécurité.”
Or il est difficile de demander le consentement de plusieurs milliers de personnes à la fois. “On ne peut pas choisir de ne pas marcher dans Londres ou de ne pas travailler ici, ironise Stephanie Hare, une chercheuse dans le domaine de la reconnaissance faciale. C’est très inquiétant pour tout employé qui ne souhaite pas participer. Au fond, c’est comme tester une forme de gardiennage virtuel.”
Un nouveau quartier bientôt équipé ?
Face aux révélations du Financial Times, le gendarme britannique de la protection des données personnelles a ouvert une procédure visant à examiner la légalité du recours à de tels logiciels. De son côté, Argent assure que “ces caméras sont dotées de plusieurs moyens de détection et de surveillance, dont la reconnaissance faciale, mais qu’elles sont également équipées de dispositifs complexes visant à respecter la vie privée du grand public”, sans s’étendre davantage.
Cette opacité autour du devenir des données collectées inquiète particulièrement les experts, dont Alan Woodward, de l’université de Surrey. “Je suis très préoccupé par la collecte de ces données, même si les motifs invoqués sont a priori louables, car les lois ou réglementations sur l’usage de ces données sont limitées voire inexistantes”, confie-t-il au Daily Telegraph.. “La privatisation des espaces publics à Londres soulève des questions juridiques intéressantes [en matière de surveillance]”, confirme Pete Fussey, criminologue spécialiste de la surveillance numérique.
D’autant que la technologie pourrait bientôt être déployée dans le quartier d’affaires de Canary Wharf, “traversé par 140 000 personnes chaque jour” et déjà doté de 1 750 caméras de vidéosurveillance.
Sasha Mitchell
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