Le syndicat UAW [1], notamment actif dans l’automobile, a lancé une campagne afin d’établir un syndicat dans l’entreprise que Volkswagen a montée il y a 3 ans à Chattanooga, Tennessee. A cause des lois cyniquement nommées right to work (droit à travailler) qui sont en vigueur depuis des décennies, surtout dans les Etats du sud comme le Tennessee, il est toujours très difficile d’implanter des syndicats – ce malgré des lois et appareils administratifs fédéraux qui assurent le droit des syndicats d’appeler en faveur de la création d’un syndicat auprès des salarié·e·s avec une élection. Après une campagne très mouvementée, les salarié·e·s ont voté par 636 voix contre 712 voix pour la création d’une section.
Lutte de classe en revers ?
A tous égards, la campagne autour du vote syndical ne fut pas du tout comme on a l’habitude de voir. La direction de Volkswagen a publiquement déclaré sa « neutralité », faisant même savoir que la présence d’un syndicat aiderait la mise en place du système des « conseils de travail » utilisés en Allemagne et favorisés par la direction, mais aussi par le syndicat allemand IG Metall qui s’est prononcé en faveur de ce système pour les usines dans le Tennessee. Par contre, les élu·e·s qui réclament normalement une neutralité par rapport aux affaires « privées », sont massivement et publiquement intervenu·e·s dans la campagne pour appeler à voter non. Le maire de Chattanooga [2] et sénateur réactionnaire républicain du Tea party Bob Corker et d’autres, ont donné dans le chantage en insinuant que Volkswagen (qui n’a pas démenti) augmenterait ses activités et donc le nombre d’emplois si les salarié·e·s rejetaient le syndicat. Le camp antisyndical a bénéficié aussi des dons financiers des milliardaires et réactionnaires frères Koch, qui fonctionnent comme une espèce de comité de soutien pour toute cause réactionnaire qui se présente.
Bas les masques
Vu de l’intérieur de l’usine, la « neutralité » de la direction n’était qu’une façade : les cadres portaient des t-shirts antisyndicaux et ont exercé une pression pour le vote non sur les ouvrières et ouvriers.
La direction bureaucratisée de l’UAW s’est laissée leurrer par les déclarations publiques de Volkswagen. Sa façon de mener les luttes d’en haut au lieu d’encourager les militant·e·s sur place à mener leurs propres luttes, a certainement affaibli la campagne syndicale. Sa politique d’acceptation de niveaux salariaux et d’avantages différents entre les ancien·ne·s et les nouvelles et nouveaux salarié·e·s n’aidera pas non plus l’attraction du syndicat.
Des syndicats comme UAW et USW (sidérurgie) perdent beaucoup de leur pouvoir et influence depuis des années à cause des délocalisations, des attaques patronales et du gouvernement, et le manque d’efficacité de la bureaucratie syndicale. L’idée d’implanter un syndicat dans une entreprise du sud, dans un secteur automobile caractérisé par un lourd investissement en capital fixe, est excellente. Mais les façons bureaucratiques de mener les luttes sont plus que jamais vaines.
La lutte chez Volkswagen est une défaite, certes, mais le fait que malgré les pressions énormes, plus de 47% des ouvrières et ouvriers ont voté pour le syndicat, indique qu’on n’a pas encore entendu le dernier mot du mouvement syndical états-unien.
Keith Mann