Premier round pour le gouvernement de Yingluk
Un semblant de calme est revenu à Bangkok alors que les manifestants royalistes anti-démocratiques ont été autorisés à occuper symboliquement Government House. Ils ont pris des photos et puis sont partis. Une trêve temporaire a eu lieu pour l’anniversaire du roi, les royalistes ne voulant pas paraître irrespectueux vis-à-vis de leur « cher leader ». Le gouvernement veut aussi montrer sa loyauté en organisant les cérémonies d’usage dans une atmosphère calme. Taksin, après tout, est lui-aussi un royaliste. Mais ne soyez pas dupe. Le vieux roi n’a aucun pouvoir réel et il n’a jamais eu le courage de relever la tête et faire quelque chose de sa propre initiative. Il est l’outil de l’armée et des élites. C’est l’armée qui a le pouvoir réel.
Alors quel est le score actuel dans la bataille entre les conservateurs royalistes et le gouvernement élu ?
Du côté du gouvernement, le fait qu’il s’est abstenu d’utiliser la violence contre la foule incontrôlée des royalistes est très à son actif et il a renforcé sa position sur le terrain moral. Sa légitimité l’emporte largement sur les voyous royalistes parce que le gouvernement a été clairement élu démocratiquement tandis que les royalistes ont appelé à une dictature. Jusqu’à présent, le gouvernement a refusé de démissionner ou de dissoudre le parlement. Mais nous ne savons pas ce qui va se passer dans les jours et mois à venir. Il y a eu beaucoup de pression sur le gouvernement de la part des universitaires réactionnaires et des ONG qui ont appelé le Parlement à se dissoudre. Lors de la conférence des recteurs des universités thaïlandaises, ceux-ci ont même ajouté que le futur premier ministre n’a pas besoin d’être élu. La position politique de ces personnes n’est pas une surprise. Ils ont tous soutenus le coup d’Etat de 2006, ont accusés la majorité de la population de manquer d’intelligence et ont applaudis la répression des militaires contre les manifestations pro-démocratie en 2010.
Ce qui est plus surprenant, c’est que quelques universitaires naïfs, avec de bonnes références démocratiques, ont également appelé à la dissolution du Parlement. C’est une erreur. Retour en 2006, Taksin avait dissous le Parlement et convoqué de nouvelles élections. Mais les dirigeants de l’opposition ont ensuite refusé de se présenter aux élections parce qu’ils savaient qu’ils perdraient. Les manifestants royalistes de Sutep ont dit qu’ils rejetteraient une élection de toute façon. Une façon de sortir de la crise serait un référendum, peut-être sur la nécessité d’abolir la constitution militaire. Si le gouvernement le gagnait, ce serait un vote de confiance. S’il le perdait, il devrait démissionner. Mais il est peu probable que le Pua Thai soit assez progressif pour souhaiter un tel référendum.
Du côté de Sutep, ses propositions pour une assemblée non élue, nommée par lui-même et ses amis, ainsi qu’un gouvernement de « bons » dictateurs pour le peuple ne lui ont pas apporté de nouveaux partisans. Il espérait inciter l’armée à organiser un coup d’Etat mais, jusqu’à présent, les militaires ne veulent pas d’un tel coup. L’armée a fait un accord avec Taksin et le Pua Thai en 2011. Même si les militaires étaient intervenus une fois de plus, ils auraient eu du mal à mettre l’ordre du jour de Sutep en pratique. Pourquoi donner le pouvoir à un singe lorsque c’est le joueur d’orgue qui prend les décisions ? La classe dirigeante thaïlandaise sait par expérience qu’elle a besoin d’une sorte de processus démocratique et qu’elle ne peut pas écarter simplement les Chemises rouges et les partisans du gouvernement. Sutep a conduit ses troupes jusqu’au sommet de la colline et a dû ensuite redescendre, ce qui n’a pas augmenté sa crédibilité. Son compagnon Abhisit a dû inventer une nouvelle série de pathétiques mensonges lors d’une interview à CNN pour justifier leur position. Cela peut difficilement renforcer leur légitimité.
Bien sûr, il y a toujours un réel danger que, dans les prochains jours, des membres influents de l’élite militaire fassent pression sur le Gouvernement pour le remplacer par un « gouvernement d’unité nationale ». Ce serait presque la même chose qu’un coup d’Etat et cela devra être combattu. Il se peut que cela ne se produise pas. La plupart des chemises rouges et probablement la majorité de l’électorat serait contre cela. Mais le gouvernement et la direction des Chemises rouges de l’UDD pourraient essayer de se justifier vis-à-vis des Chemises rouges en disant qu’il n’y avait « pas d’alternative ». Il existe une alternative. L’espace démocratique peut être étendu à travers les actions des mouvements et des syndicalistes pro-démocratie. Les diverses propositions de réforme du Groupe Nitirat doivent être placées au sommet de l’ordre du jour et la loi de lèse-majesté doit être abolie. Ce serait simplement les premiers pas dans la bonne direction.
Giles Ji Ungpakorn
Qui sont les manifestants anti-gouvernementaux thaïlandais que veulent-ils ?
Des milliers de royalistes de la classe moyenne devenus fous, dirigés par le notoire Parti Démocrate aux mains ensanglantées, manifestent pour tenter de se débarrasser du gouvernement et de l’ensemble de l’influence de l’ancien Premier ministre Taksin en politique. Ils espèrent que les militaires vont les aider à le faire. Ils ont occupé des bâtiments gouvernementaux et bloquent des routes.
Ce sont ces gens qui ont appelé à soutenu le coup d’Etat militaire de 2006. A l’époque on les appelait les « Chemises jaunes » et ils rejetaient déjà les résultats répétés des élections qui donnaient une écrasante majorité au parti Thai Rak Thai dirigé par Taksin Shinawat. Ils affirmaient, et affirment encore, que la majorité des Thaïlandais sont « trop stupides et incultes » pour mériter le droit de vote. Ils veulent que les militaires ou le roi interviennent dans la vie politique. Ils défendent le fait que des sénateurs soient nommés. En 2008, après que le Parti Démocrate ait de nouveau perdu une autre élection démocratique, ils ont occupé les aéroports internationaux et saccagé des bâtiments gouvernementaux jusqu’à ce que les tribunaux pro-militaires dissolvent le gouvernement élu et que l’armée installe Abhisit Vejjajiva du Parti démocrate comme Premier ministre. Le mouvement pro-démocratie chemise rouge a été créé à la suite de cela.
Les manifestants sont aussi ceux qui ont soutenu la répression sanglante contre les manifestants pro-démocratie chemises rouges en 2010, où quatre-vingt dix personnes ont été tuées par l’armée. Aujourd’hui, l’homme fort du Parti Démocrate, Sutep Tueksuban, appelle à la « restauration de la monarchie absolue ». Ces réactionnaires ne pourront jamais gagner une élection. Les élections répétées depuis 2006 l’ont prouvé. Ils prétendent être pro-démocratie et aiment porter des masques « Guy Fawkes » pour faire semblant d’être comme le mouvement « Occupy ».
En plus de leurs points de vue anti-démocratiques, ce sont aussi des néo-libéraux extrêmes. Ils parlent constamment de « discipline budgétaire » et sont opposés à ce que des fonds publics soient dépensés en soins de santé et pour améliorer la condition des pauvres. Ils s’opposent à l’appui du gouvernement pour les producteurs de riz et sont opposés à la transformation de l’actuelle infrastructure ferroviaire en décomposition de Thaïlande en un système à grande vitesse. Pourtant, ils ne s’opposent pas aux dépenses massives en faveur de l’armée et la famille royale.
Ils mentent en prétendant être « anti- corruption ». La question de la corruption est utilisée par eux dans le but d’attaquer Taksin, mais ils restent silencieux sur la vieille corruption institutionnelle de l’armée qui dure depuis des décennies et de la corruption morale de la monarchie qui a fait que le roi Pumibon est l’un des hommes les plus riches du monde. Ils font aussi semblant d’ignorer la corruption au sein du Parti Démocrate.
Quand les journalistes mettent en garde contre de possibles « violences » à Bangkok, ils devraient essayer de se rappeler quelques faits : C’était l’armée et le Parti Démocrate qui ont délibérément abattu des manifestants pro-démocratie en 2010. Mais les journalistes aiment encore répéter des absurdités sur un soi-disant « affrontement » entre les militaires et les Chemises rouges, alors qu’il s’agissait en fait d’une partie de tir aux canards pour l’armée.
Les militaires ?
Malgré les images de chaos à Bangkok, les manifestants anti-gouvernementaux sont en position de faiblesse. Ils n’ont jamais été en mesure de faire quoi que ce soit sans l’armée et ils n’ont aucune légitimité démocratique. Il est douteux que l’armée soit prête à renverser le gouvernement Yingluk dès maintenant. Un accord entre Taksin et l’armée a été conclu en 2011. Il y a des zones grises non couvertes par l’accord et l’armée ne peut pas contrôler ce que les « jaunes » disent et font. La question concerne plus ce que serait le gain militaire d’un coup. Les militaires ont déjà un accord comme quoi ils ne seront pas poursuivis pour le coup d’Etat ou leurs atteintes graves aux droits de l’homme. Les généraux contrôlent toujours l’armée et ses entreprises lucratives, comme les médias. Quelle excuse donneraient-ils pour un coup d’Etat et comment pourraient-ils gouverner face à une massive opposition populaire vis à vis d’un tel putsch ? Les tribunaux ont eu la possibilité de renverser le gouvernement par la dissolution du parti au pouvoir. Mais ils simplement jugé qu’il était « inconstitutionnel » de la part du Parlement de modifier la constitution militaire afin d’assurer que tous les sénateurs soient élus. Le roi est faible et lâche et fait seulement ce que ses conseillers militaires lui disent de faire. Donc, il semble difficile que le gouvernement soit renversé. Pourtant, la politique peut être pleine de surprises. Nous devrons être attentif à ce qui se passe.
Le gouvernement Yingluk
Le gouvernement du Parti Pua Thai de Yingluk Shinawat a déclenché cette crise contre lui-même en essayant de faire passer un projet de loi d’amnistie générale qui aurait laisser tous les militaires et tueurs du Parti démocrate impunis. Cela aurait également permis à Taksin de revenir en Thaïlande. La possible amnistie de Taksin a rendu furieux les Chemises jaunes, mais c’était aussi une claque dans le visage des Chemises rouges qui avaient combattu la dictature et sont morts pour cela. L’amnistie ne couvrait pas les prisonniers politiques détenus pour lèse-majesté. On ne peut pas faire confiance au gouvernement comme quoi il ne pas conclure un compromis sordide avec ses adversaires de l’élite. La tragédie est que les forces progressistes de gauche sont trop faibles pour prendre la direction du mouvement des Chemises rouges.
Giles Ji Ungpakorn
28.11.13
La clé du problème est l’armée
Le projet de loi d’amnistie désastreux et honteux, proposé par le gouvernement Pua Thai de Yingluk au début de Novembre a suscité un bourdonnement de nid de frelon de la part des « Chemises jaunes ». Des milliers de royalistes de la classe moyenne, dirigées par le Parti Démocrate, ont manifesté et tentent de se débarrasser du gouvernement et de l’ensemble de l’influence de Taksin. Ils étaient furieux car le projet de loi d’amnistie aurait permis à Taksin de revenir. Ce sont ces gens qui ont appelé et soutenu le coup d’Etat militaire de 2006 contre le gouvernement démocratiquement élu de Taksin. Ce sont aussi ces personnes qui ont soutenu la répression sanglante contre les manifestants Chemises rouges en 2010. L’homme fort du Parti Démocrate, Sutep, s’adressant à une foule de partisans, a appelé à la « restauration de la monarchie absolue ».
Ceux qui ont ordonnés le massacre de sang-froid en 2010, les généraux de l’armée et les politiciens démocrates, aurait également bénéficiés de l’amnistie du Pua Thai. Cependant les Chemises rouges progressistes étaient préoccupés par le fait que les tueurs de l’Etat échapperaient à la justice une fois de plus. Eux seuls craignaient que l’amnistie ne bénéficierait pas aux prisonniers politiques comme Somyot, qui sont en prison pour crime de lèse-majesté. Récemment, Anudit Nakorntup, le ministre thaïlandais des télécommunications « pour la censure » du Parti Pua Thai, a de nouveau menacé de lèse-majesté ceux qui exprimeraient des opinions politiques sur Internet. Il se vantait d’avoir fait fermer 90 000 pages internet. Les tribunaux ont également jugé que quiconque critiquerait la dynastie royale présente ou les rois précédents, jusqu’à 200 ans en arrière, serait coupable de lèse-majesté !
Les Démocrates sont en position de faiblesse. Les Chemises jaunes et eux n’ont jamais été en mesure de faire quoi que ce soit sans l’armée. Pourtant, l’armée n’est pas sur le point de renverser le gouvernement de Yingluk actuellement. Un accord entre Taksin et l’armée a été fait en 2011. Il y a des zones grises non couvertes par l’accord et l’armée ne peut pas contrôler ce que les « jaunes » disent et font, d’où l’amusement et les jeux autour de la loi d’amnistie. La question concerne plus ce que serait le gain militaire d’un coup. Les militaires ont déjà un accord comme quoi ils ne seront pas poursuivis pour le coup d’Etat ou leurs atteintes graves aux droits de l’homme. Les généraux contrôlent toujours l’armée et ses entreprises lucratives, comme les médias. Quelle excuse donneraient-ils pour un coup d’Etat et comment pourraient-ils gouverner face à une massive opposition populaire ?
Le Pua Thai et la direction des Chemises rouges de l’UDD hurlent sans cesse au « coup d’Etat ! » tout comme le petit berger qui criait « Au loup ! » Cela est suffisant pour mobiliser la plupart des Chemises rouges derrière le gouvernement, en dépit de leur dégoût pour le projet de loi d’amnistie.
La semaine dernière, le Pua Thai a organisé un vote parlementaire pour modifier la constitution militaire de 2007 de sorte que tous les sénateurs soient élus au lieu d’avoir la moitié du Sénat nommé. Auparavant, la Constitution de 1997 avait stipulé que tous les sénateurs devaient être élus. Il s’agissait de la constitution que l’armée avait déchirée après le coup d’Etat de 2006. En dépit du soutien de la majorité du parlement, la Cour constitutionnelle, nommée par les militaires, a statué que le Parlement ne pouvait pas modifier la constitution et qu’il était « plus démocratique » d’avoir la moitié des sénateurs désignés par les élites. Les députés du Pua Thai ont juré d’ignorer la cour, mais les conservateurs peuvent encore faire échouer cet amendement s’ils obtiennent du roi qu’il refuse de signer le projet de loi.
Le groupe habituel de « commentateurs » continue à avancer l’idée que le pouvoir réel derrière la politique thaïlandaise est le roi « semi- féodal ». Un exemple récent est Marc Saxer, directeur du bureau Friedrich-Ebert-Stiftung de Thaïlande. Il affirme que les féodaux ont mis des restrictions sur le pouvoir politique de Taksin. La vérité est que le roi Pumibon de Thaïlande est un monarque faible et sans caractère qui a passé sa vie inutile et privilégiée dans une bulle, entouré de serviles, de rampants, et lèche-bottes qui prétendent qu’il est un « dieu ». Pourtant, il n’est que l’instrument docile de l’armée. À la fin des années 1950 et au début des années 1960 Pumibon a été utilisé par des dirigeants corrompus et une coalition forte entre les militaires et les monarchistes. Mais l’utilisation de la monarchie pour soutenir les élites n’est pas un phénomène « féodal ». Cela a été utilisé en permanence par les classes capitalistes modernes partout dans le monde depuis le milieu du 17e siècle. Dans les années 1980 et 1990, les capitalistes thaïlandais dont Taksin ont également utilisés la monarchie et Taksin est soucieux de maintenir la loi de lèse-majesté, car elle protège l’ensemble de l’élite. Taksin est un royaliste. C’est aussi un capitaliste de même que Pumibon. Ce dernier contrôle énormément d’entreprises. Les derniers vestiges de la féodalité ont disparus à la fin du 19e siècle.
Le vieux roi, faible et lâche, dans son palais au bord de la mer à Hua Hin ne veut tout simplement pas être impliqué dans le chaos actuel et il ne se déplacera que si cela lui est demandé par l’armée. Quand il mourra, rien ne changera vraiment à moins que le pouvoir de l’armée et des élites ne s’écroule. Ce sont eux qui utilisent la monarchie et ils vont tout simplement utiliser le fils comme ils le faisaient pour le père.
Giles Ji Ungpakorn
26.11.13
Le feuilleton de l’amnistie
La Thaïlande est soumise à un écœurant feuilleton « soap opéra » avec le projet de loi d’amnistie qui cherche à blanchir les crimes de l’armée et du Parti Démocrate ainsi que permettre à Taksin de revenir tout en laissant les prisonniers pour lèse-majesté pourrir en prison.
Lors de la première scène, la direction des Chemises rouges de l’UDD a demandé un « divorce » avec le Parti Pua Thai au pouvoir en raison d’un différend au sujet de la couverture par la télévision. Cette petite crise a été utile pour satisfaire les Chemises rouges mécontents de la loi d’amnistie. Mais nous devons réfléchir attentivement à ce que l’UDD a omis de dire. Le mouvement n’a jamais affirmé qu’il allait mobiliser les Chemises rouges afin de s’opposer au gouvernement Pua Thai et appeler au jugement des généraux Prayut et Anupong et des politiciens du Parti Démocrate, Abhisit et Sutep, pour avoir massacré des civils non armés. Il est aussi resté silencieux, comme d’habitude, à propos des prisonniers politiques pour lèse-majesté détenus et sur la loi elle-même. En fait, l’UDD a seulement affirmée qu’elle allait protéger le gouvernement. Dans l’ensemble, le but de l’opposition de l’UDD à la loi d’amnistie était simplement de conserver une bonne image.
Durant la deuxième scène, le Pua Thai a annoncé qu’il allait retirer le projet de loi d’amnistie si le Sénat le rejetait. Mais il n’a à aucun moment mentionné que Prayut, Anupong, Abhisit et Sutep seraient poursuivis en justice. En fait, le Pua Thai et ses partenaires de la direction de l’UDD ont cessé de parler des crimes de l’armée depuis 2011. Ils ne parlaient que d’Abhisit et de Sutep, mais n’ont pas réussi à parvenir à les envoyer devant la Cour pénale internationale. Ceci en dépit du fait que l’armée ait organisé un coup d’Etat en 2006, nommé le gouvernement d’Abhisit et ensuite massacré les manifestants pro-démocratie en 2010. Le Pua Thai a également omis de promettre qu’il s’opposerait à tout projet de loi d’amnistie proposée par d’autres à l’avenir dans le but de blanchir les coupables.
La troisième scène a vue l’intrigue prendre une petite diversion. Taksin est intervenu pour dire que tout ce tapage au sujet de la loi d’amnistie était « juste pour moi » ... Moi ! Moi ! Moi ! Il a expliqué combien il avait souffert mais n’a jamais mentionné les prisonniers pour lèse-majesté. Cependant, les millionnaires comme Taksin ont la vie facile partout où ils se trouvent dans le monde à la différence des prisonniers qui croupissent dans les prisons thaïlandaises ou des autres exilés plus pauvres. Taksin a également eu l’audace de demander à chacun « d’avaler un peu de sang pour la paix ». Le fait est que beaucoup de chemises rouges ont déjà avalé de grandes quantités de sang quand ils ont été abattus par l’armée.
La quatrième scène s’est tournée vers une histoire de fantôme. Les dirigeants de l’UDD et ceux qui soutiennent sans réserve le gouvernement Pua Thai, ont commencés à agiter le spectre d’un « coup d’Etat ». Ils font toujours cela afin de ramener les Chemises rouges dissidents dans la ligne. Mais il n’y a absolument aucun danger de putsch en ce moment. Les militaires ne veulent pas être traduits en justice et ils ont fait, de toute façon, un bon petit pacte avec Taksin et le Pua Thai. Depuis 2011 Yingluk a été vu souriante en compagnie des généraux. Parler d’un coup d’Etat, c’est faire comme le petit garçon qui pleurait « Au loup ! » Nous ne devons pas nous laisser berner par cette absurdité.
Dans une autre partie de la ville, divers réactionnaires chemises jaunes ainsi que les politiciens du Parti démocrate, qui ont tous soutenus le coup d’Etat militaire de 2006 et les atrocités commises contre les chemises rouges, se rassemblent pour s’opposer au projet de loi d’amnistie. Mais ils font cela pour une seule raison. Ils détestent Taksin. Ils se fichent complètement des droits de l’homme ou de la démocratie. Pourtant, ce problème a été créé par le fait que le Pua Thai voulait amnistier Taksin. Le Pua Thai et l’UDD sont désormais opposés à la démocratie et aux droits de l’homme, tout comme les Chemises jaunes, car ils veulent s’assurer que les meurtriers de l’Etat restent, une fois de plus, en liberté, tout en protégeant la loi draconienne de lèse-majesté.
Dans la cinquième scène la direction de l’UDD et le gouvernement Pua Thai s’embrassent et maquillent une réconciliation. Apparemment, l’UDD a seulement joué à « difficile à obtenir ».
Ceux qui croient en la démocratie et aux droits humains, ne doivent pas être détournés par ce feuilleton ridicule. Les questions fondamentales sont que les meurtriers de l’Etat doivent être punis, la loi de lèse-majesté doit être abolie et les prisonniers politiques pour lèse-majesté libéré.
Giles Ji Ungpakorn
08 November 2013
« Le jeu des corps »
On pourrait être tenté de célébrer le fait que Tarit Pengdit, chef du Département des enquêtes spéciales, ait transmis les affaires contre l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva et son adjoint Sutep Tuaksuban au procureur. Tarit a déclaré qu’il y avait suffisamment de preuves comme quoi ils avaient commandés le massacre des manifestants chemises rouges pro-démocratie en 2010. Cependant, j’ai un point de vue différent.
Premièrement, il n’y a aucune garantie que le procureur inculpera effectivement Abhisit et Sutep. Deuxièmement, même s’ils devaient finalement aller au tribunal, il faudrait s’interroger sur les raisons de croire qu’ils seront effectivement condamnés à la prison à vie pour assassinat en masse. Je ne crois pas en la peine de mort et je ne souhaiterais jamais qu’ils soient exécutés comme autant de « meurtriers » l’ont été dans ce pays. Troisièmement, et surtout, Tarit a annoncé qu’aucun des soldats ne seront poursuivis, continuant ainsi la tradition effroyable de permettre à l’armée d’agir en toute impunité.
C’est l’armée qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu de Taksin Shinawat en 2006. Les putschistes ont ensuite nommés une junte militaire pour diriger le pays pendant un an. Lorsque les élections ont eu lieu, ce sont les militaires qui ont à nouveau organisés en coulisse, avec les juges, le renversement du gouvernement élu. Ensuite, l’armée, sous le commandement des généraux Anupong Paojinda et son adjoint Prayut Junocha a « mis en place » un gouvernement soutenu par les militaires dirigé par Abhisit Vejjajiva et son mal nommé « Parti Démocrate ». Le Parti Démocrate n’avait jamais remporté la majorité aux élections et était totalement redevable à l’armée. Formellement Abhisit était premier ministre, mais le pouvoir réel restait entre les mains de l’armée commandée par les généraux Anupong et Prayut. Ces deux officiers de l’armée avaient déjà joué un rôle clé dans le coup d’Etat de 2006.
Lorsque le Centre pour la résolution de la situation d’urgence (CRES) a été créé en réponse aux protestations des Chemises rouges exigeant des élections démocratiques, il a été créé et exploité à l’intérieur d’un camp de l’armée et a été contrôlé par les plus importants généraux de l’armée, y compris Anupong et Prayut. Prayut était le responsable pour les opérations militaires. Abhisit et Sutep avaient également un rôle central et Sutep avait la position officielle de « directeur ». Cependant, il aurait été impossible pour ces deux politiciens civils d’avoir eu un réel pouvoir sur l’armée et d’avoir ordonné les opérations militaires contre les chemises rouges qui ont abouti à près de 90 morts. Les ordres devaient provenir de Prayut et d’Anupong et ont dus été approuvés par Abhisit et Sutep. Tous les quatre sont coupables d’assassinat en masse.
Alors, pourquoi laisser les généraux de l’armée en dehors du coup ?
Nous pouvons immédiatement rejeter l’excuse que certains Chemises rouges pro-Yingluk et pro-Taksin pourraient donner, à savoir que « c’était le Roi qui avait en fait ordonné les massacres ». Le Roi Pumipon a toujours été incapable de donner des ordres réels. Il est une créature de l’armée et des élites, qui se servent de lui pour légitimer leurs actions. En plus de cela, il a été malade et hospitalisé pendant de nombreuses années. Quoi qu’il en soit, cette excuse signifierait que Abhisit et Sutep devraient eux-aussi être laissés en dehors du coup.
Les militaires ont été laissés hors du coup dans « le jeu des corps » de la Thaïlande parce que Taksin, Yingluk et le parti Pua Thai au pouvoir ont fait il y a longtemps un pacte avec les militaires. En contrepartie d’avoir toléré l’élection du gouvernement Pua Thai en 2011, l’armée a été absous de tout acte répréhensible. Dans l’avenir Taksin sera également autorisé à retourner en Thaïlande. La loi de lèse-majesté, qui a été utilisée contre les Chemises rouges progressistes, ne sera également ni amendée ni abolie. Au début de 2012 Taksin a prononcé un discours au Cambodge, où il a affirmé qu’il n’avait pas de querelle avec l’armée et que son seul adversaire était le Parti Démocrate.
L’affaire contre Abhisit et Sutep sert un certain nombre de buts importants. Tout d’abord, il s’agit d’une « activité de déplacement » pour créer une image d’un gouvernement qui cherche à conduire les assassins des Chemises rouges devant la justice. Le gouvernement dépend du vote des Chemises rouges. Mais à moins que le fondement même de la société thaïlandaise ne soit modifié par les actions de puissants mouvements sociaux, Abhisit et Sutep ne passeront jamais le reste de leur vie en prison. Si cela se produisait, cela créerait un précédent qui pourrait conduire Taksin au tribunal pour avoir ordonné les massacres de la Guerre contre la Drogue et à Tak Bai dans le Sud. Deuxièmement, une affaire qui pèse sur Abhisit et Sutep est aussi une bonne monnaie d’échange dans les négociations pour faire revenir Taksin et modifier la Constitution en faveur des politiciens du Pua Thai. Il n’est pas prévu par le parti Pua Thai de modifier la Constitution ou de rédiger une Constitution qui assurerait une véritable démocratie. Les propositions de loi des universitaires progressistes du groupe Nitirat n’ont pas le soutien du Pua Thai. Surtout cette monnaie d’échange ne sera pas contesté par l’armée car celle-ci et le Pua Thai estiment que Abhisit et Sutep peuvent être utilisés et abusés.
Les élites des deux camps aimeraient voir un retour à leur forme de stabilité où les crimes des généraux et des politiciens sont blanchis et les prisonniers de lèse-majesté pourrissent en prison. Le seul défi contre ce plan proviendra d’un fort mouvement progressiste pro-démocratie qui peut se développer grâce aux meilleurs éléments des Chemises rouges. Ces éléments devront rejeter le Pua Thai, Taksin et la direction de l’UDD. Ils devront également à rejeter les tactiques brutales et réactionnaires des Chemises rouges du groupe « 51 » de Chiang Mai qui se sont comportés comme des voyous et ont eu un comportement homophobe.
Giles Ji Ungpakorn
Tuesday, 18 June 2013
Trois ans après la sanglante répression:Pas d’illusions sur Yingluk ou le Pua Thai
Trois ans après la sanglante répression des militaires contre les manifestants chemises rouges pro-démocratie à Bangkok, il serait stupide de se faire des illusions sur le gouvernement du Parti Pua Thai de Yingluk. Ce n’est pas un gouvernement qui se soucie de la justice, de la liberté ou de la démocratie, et c’est pourquoi le général Prayut, le général Anupong, l’ancien premier ministre Abhisit et l’ancien ministre Sutep bénéficient encore de la liberté et de l’agréable vie des élites.
Toute personne, si elle se soucie d’ouvrir les yeux, peut comprendre que Yingluk, Taksin et le Pua Thai ont conclu un accord avec l’armée depuis la victoire électorale du parti en 2011. Taksin a déclaré dans le passé qu’il n’avait « pas de différend » avec l’armée et que son adversaire n’était que le Parti Démocrate d’Abhisit. Il espère être en mesure de retourner en Thaïlande dans un proche avenir. Yingluk s’est fait un devoir d’être photographié en association étroite avec Prayut et le conseiller privé Prem. Elle a aussi une relation chaleureuse avec le boucher de Bahreïn.
Malheureusement, la direction chemise rouge de l’UDD soutient à fond cette trahison de la lutte pour la démocratie. Taksin pourra bientôt être en mesure de rentrer chez lui, mais les prisonniers pour lèse-majesté ne le pourront pas. Ni ne le pourront ceux qui sont exilés à l’étranger accusé en vertu de la même odieuse loi et les parents et amis de ceux qui ont été tués ne verront pas les assassins traduits en justice. Traduire les criminels de l’Etat en justice est quelque chose qui n’a jamais été fait en Thaïlande. Si cela était, ça conduirait aussi Taksin à une accusation d’assassinat, notamment pour ses crimes à Takbai et Krue Sa dans le Sud et dans la guerre contre la drogue.
Naturellement, Yingluk et le Pua Thai doivent faire semblant de « faire quelque chose » au sujet du massacre de Rajprasong et même du coup d’Etat de 2006. D’où la farce qui est jouée par le Département des Enquêtes Spéciales dans leur cas contre Abhisit et Sutep et le récent discours anti-coup d’Etat de Yingluk en Mongolie. Mais ce n’est qu’une partie de la négociation avec les militaires et cela ne donnera lieu à aucune poursuite ni peines de prison contre les assassins de l’Etat ou les putschistes.
Le Pua Thai, Yingluk et Taksin sont fermement dans le camp de la classe dirigeante thaïlandaise et celle-ci, en particulier l’armée, a une longue histoire d’utilisation de la faible et pathétique monarchie pour se donner une légitimité et attaquer ses opposants politiques. C’est ce qui explique leur refus catégorique d’abolir la loi de lèse-majesté et de libérer les prisonniers en vertu de celle-ci. Les emprisonnements pour lèse-majesté continuent sous ce gouvernement et les sites sont toujours bloqués ou censurés. Le ministre des Télécommunications a même laissé entendre que ceux qui critiquaient Yingluk pourraient aller en prison et que leurs sites Web seraient bloqués.
La dernière trahison du gouvernement de Yingluk est de proposer un système de « ticket modérateur » pour faire payer les soins de santé aux citoyens. Ceci est un retour en arrière à l’ère pré-Taksin et c’est une attaque néo-libérale contre les pauvres. Aussi bien le Parti Pua Thai que le Parti Démocrate soutiennent cette réforme. Cela montre que le gouvernement de Yingluk a abandonné le « populisme » TRT de Taksin, qui visait à répondre à certains des besoins des pauvres. Ainsi, dans leur arrogance, ils pensent que, malgré tout ce qu’ils font, les Chemises rouges vont continuer à les suivre comme des moutons naïfs. Ils pensent qu’ils peuvent marcher sur les corps des Chemises rouges et cracher au visage de ceux qui les ont élus en ignorant la nécessité de la justice, des droits démocratiques et de l’égalité et que personne ne s’opposerait. Certes, les Chemises rouges réactionnaires, comme ceux de Chiang Mai qui détestent les gays et les manifestations des pauvres, ou ceux qui appellent les rebelles malais musulmans du sud « simples criminels », continueront à applaudir ce gouvernement. Mais il y a aussi des Chemises rouges progressistes qui ont besoin de devenir plus organisés et coordonnés afin que nous n’ayons pas à commémorer les anniversaires futurs du bain de sang alors que rien n’a été fait pour créer la justice dans la société.
Giles Ji Ungpakorn
Tuesday, 18 June 2013