« Nous allons appuyer toutes les mesures, tous les projets de loi qui [...] vont dans le sens du progrès social, d’une économie fondée sur une vision écologiste du développement du Québec et la souveraineté », dit Françoise David.
Les coporte-parole de Québec solidaire, Françoise David et Amir Khadir, s’engagent à « tirer vers le centre gauche » du spectre politique le prochain gouvernement — l’élection du Parti québécois (PQ) apparaissant comme le scénario le plus plausible à leurs yeux.
Se posant en personnes « responsables » et « raisonnables », ils se garderont de le faire tomber au premier revers s’ils détiennent la balance du pouvoir.
« On veut l’influencer ! » lance la coporte-parole de Québec solidaire Françoise David lors d’une entrevue éditoriale avec Le Devoir. « On devra regarder le menu législatif, après quoi on pourra indiquer nos couleurs. Il n’y aura pas de grands effets de surprise », précise-t-elle.
Françoise David et Amir Khadir convoitent toujours l’élection d’un gouvernement péquiste minoritaire dont la « balance du pouvoir » serait détenue par quatre, trois ou deux députés solidaires. « Il n’y en aura pas d’autres élections dans l’année qui vient. Le gouvernement va gouverner », assure-t-elle, s’efforçant de dissiper les craintes de « chaos » accompagnant l’élection d’un gouvernement minoritaire.
Les élus solidaires appuieront sans réserve l’abrogation de la loi 12, l’annulation de la hausse des droits de scolarité et la mise au rancart de la « taxe santé » préconisées à la fois par leur parti et le PQ. « Nous allons appuyer toutes les mesures, tous les projets de loi qui […] vont dans le sens du progrès social, d’une économie fondée sur une vision écologiste du développement du Québec et la souveraineté », précise Françoise David. « Ça ne veut pas dire que nous, on demande la lune, le Parti québécois offre beaucoup moins, et nous, en bas de la lune, on n’accepte rien », ajoute-t-elle. Québec solidaire misera sur une « négociation responsable et raisonnable » avec le prochain gouvernement, balayant tout projet de le faire tomber - s’il est minoritaire - « dans l’année qui vient ». « Il est irresponsable de vouloir renverser un gouvernement un mois après l’élection, franchement ! », lance Françoise David.
En plus d’« influencer » le menu législatif du prochain gouvernement, Québec solidaire compte interpeller tous les partis politiques présents à l’Assemblée nationale sur ses priorités. S’il est réélu, Amir Khadir compte revenir à la charge avec son projet de loi prévoyant l’implantation de Pharma-Québec « un pôle public d’acquisition et de production de médicaments qui permettra d’économiser 2,7 milliards $ par année ». « On va espérer pour ce genre de projet de loi avoir l’aval bien sûr du gouvernement en place », dit Françoise David. « Il y a déjà une ouverture de la part du Dr Hébert [candidat péquiste dans la circonscription de Saint-François] », précise Amir Khadir.
Québec solidaire proposera également à l’Assemblée nationale un moratoire sur l’exploitation de « toutes les énergies sales », une réforme de la Loi sur la santé afin de « protéger le caractère public du système de santé » ainsi qu’une modification de la fiscalité ouvrant la porte à « plus d’impôts pour une frange de la population à revenu plus élevé », mais en revanche « moins de cadeaux aux entreprises ».
Québec solidaire se distanciera toutefois d’un éventuel gouvernement dirigé par Pauline Marois s’il fait le choix d’appliquer la loi 101 aux cégeps et d’instaurer une citoyenneté québécoise. « Quand on entre dans les questions de langue, d’identité, de laïcité, on touche à des questions sensibles. Pour le moment, en tout cas, on dit non, mais on est prêts à en débattre », de dire Françoise David.
D’ailleurs, elle invite le Parti québécois à « prendre le temps de réfléchir, débattre, aller voir où sont les consensus sociaux » sur ces questions. « Il va y avoir un référendum sur le projet d’indépendance. Il me semble que le PQ doit être conscient qu’on a besoin du plus grand nombre possible [de votants du Oui]. Je ne comprends pas en quoi ça nous avance de heurter les minorités, de les mettre à l’index, de susciter ce genre de tensions qui ne sont pas à l’avantage du camp souverainiste », poursuit Amir Khadir.
Vote stratégique
Exaspérés par les appels au vote stratégique, Françoise David et Amir Khadir exhortent les Québécois à faire la sourde oreille et à voter selon leurs convictions politiques. « Le meilleur choix de leur vote, c’est de voter Québec solidaire. Il y a peut-être une dizaine de comtés où même l’idée du vote tactique a vraiment un impact réel, c’est tout. Donc, pour des centaines de milliers de progressistes partout à travers le Québec, c’est vraiment futile, c’est un vote perdu » affirme le député sortant de Mercier.
À quatre jours du scrutin, Québec solidaire compte ravir trois circonscriptions c’est-à-dire Gouin et Sainte-Marie-Saint-Jacques au Parti québécois, ainsi que Laurier-Dorion au Parti libéral du Québec. S’il réussit ce tour de force, trois nouveaux députés se joindraient à Amir Khadir si celui-ci est réélu dans la circonscription de Mercier. « Si on obtenait mardi prochain 7, 8, 9 % du vote, sait-on jamais, et quelques députés… je vous soumets qu’on aurait accompli un progrès important depuis 2008 », fait remarquer Françoise David. « C’est très exigeant », ajoute Amir Khadir.
En 2008, Québec solidaire a recueilli 3,78 % du vote populaire.
À une « électrice déchirée » de la circonscription de Gouin qui signait jeudi une lettre dans Le Devoir soulignant qu’elle « doit voter dans l’intérêt de la collectivité » et du coup réélire le candidat du PQ sortant, Nicolas Girard, afin de ne pas priver le PQ « d’une circonscription qui pourrait faire la différence », Françoise David répond « en toute humilité » « que l’intérêt de la collectivité québécoise, c’est que je sois élue ».
« Je pense que les gens ont découvert une femme d’État, et ça, c’est peut-être un peu différent de ce qu’ils connaissaient avant. Ils me voyaient comme une militante féministe, des droits sociaux, ce que je suis encore, ce que je serai toujours, quoi qu’il arrive », déclare-t-elle, avant que son confrère la décrive comme une « leader d’envergure nationale et internationale ».
Alliance des forces souverainistes
S’ils ne rejettent pas d’emblée une alliance des forces souverainistes et progressistes en vue des prochaines élections générales, les coporte-parole de Québec solidaire posent néanmoins une condition sine qua non : la réforme du mode de scrutin, ce à quoi se refuse le Parti québécois. « Il n’y en aura pas d’alliance souverainiste et progressiste si le Parti québécois s’obstine à vouloir conserver un mode de scrutin [uninominal à un tour] hérité de l’empire britannique, ce qui est en passant un tout petit peu contradictoire », dit Mme David, précisant du même souffle qu’elle n’en ferait pas une question de vie ou de mort d’un éventuel gouvernement minoritaire péquiste, contrairement au chef d’Option nationale, Jean-Martin Aussant. « Poser cette condition-là pour maintenir un gouvernement minoritaire ne serait pas responsable », fait valoir M. Khadir.
Marco Bélair-Cirino, 31 août 2012