Aujourd’hui âgée de 84 ans et Présidente de la Commission des Droits Humains du Sénat de la République, Rosario Ibarra n’a jamais cessé son combat. Le 18 avril 1975, son fils, Jésus Piedra Ibarra, membre d’une organisation armée, la Ligue Communiste 23 Septembre, est détenu par des éléments de la DFS, une force anticonstitutionnelle créée dans le but de réprimer les organisations de gauche. Il ne réapparaîtra jamais, tout comme des milliers d’autres, étudiants ou ouvriers, qui, après le massacre des étudiants ordonné par le Président Gustavo Díaz Ordaz, le 2 octobre 1968, virent se fermer la possibilité d’une transformation de la société par la voie démocratique.
Eureka
En 1977, elle crée, avec d’autres mères de disparus, le comité Eureka qui est, encore aujourd’hui, le cadre dans lequel s’organisent les familles de disparus. En 1978, les mères de disparus mènent une grève de la faim historique, sur le parvis de la cathédrale, en plein cœur de Mexico. Le courage nécessaire à la réalisation d’une telle action sera payant, le Président José López Portillo faisant voter une loi d’amnistie pour les prisonniers politiques. Dans la foulée de cette première victoire est créé le Front National Contre la Répression, qui obtiendra, l’année suivante, que le Gouvernement commence à libérer les premiers détenus-disparus. Ces derniers apporteront des témoignages précieux sur les prisons clandestines, tel le sinistre Camp Militaire numéro 1, ainsi que sur les autres militants qui y étaient détenus.
Aujourd’hui, le comité Eureka poursuit sa lutte pour faire toute la lumière sur la période de la guerre sale et pour mettre un terme à l’impunité dont jouissent les responsables politiques et militaires de l’époque. Rosario Ibarra vient de demander formellement la comparution devant la justice de Luís Echeverría, ministre de l’intérieur en 1968, pour la disparition de son fils. Comme elle le souligne, les disparitions forcées, dans lesquelles les forces armées sont impliquées, ont été en augmentation constante durant les gouvernements de Vicente Fox et de Felípe Calderón. Ce ne sont plus uniquement des militants sociaux et politiques qui disparaissent ou sont assassinés, mais des migrants et des jeunes, que des hommes armés forcent à descendre des autobus dans lesquels ils voyagent, et que l’on retrouve dans des fosses communes. Les autorités tentent systématiquement de faire passer les victimes pour des membres du crime organisé. Les dénonciations par les familles sont rendues difficiles et nombre d’entre elles préfèrent garder le silence, car elles savent que bien souvent les autorités sont complices de ces atrocités ou qu’elles protègent leurs auteurs.
Héctor Márquez
correspondant de solidaritéS au Mexique