Depuis le déclenchement de la catastrophe nucléaire au Japon, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est restée étonnement discrète, se contentant de relayer des informations fournies par le gouvernement japonais et par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). La raison est à chercher du côté d’un accord signé entre les deux organismes en 1959.
Le 14 mars 2011, dans un document rédigé sous forme de questions-réponses sur les rayonnements ionisants et les mesures à prendre en cas d’irradiation, l’OMS ne consacrait que deux paragraphes au Japon, affirmant que « le risque pour la santé publique est faible ». Dans une version actualisée au 17 mars, l’agence onusienne approuve les « actions proposées par le gouvernement du Japon », sans cependant se prononcer sur les risques encourus autour de Fukushima Daiichi.
Pas d’experts sur place
Mardi 15 mars, Maria Neira, la directrice du département santé publique et environnement a reconnu que l’OMS n’avait pas d’experts sur place. Elle s’est dite prête à répondre à toute requête de Tokyo, précisant que « cette demande devait se faire à travers l’AIEA ». A Genève, l’OMS a actionné sa SHOC Room (centre stratégique d’opérations sanitaires) sur la catastrophe. Mais sur le volet nucléaire, elle reçoit essentiellement ses informations de l’AIEA.
De fait, cette collaboration s’est réalisée au profit de l’AIEA, même si l’OMS a toujours rejeté les accusations de subordination [1]. Cas d’école, le dernier bilan de la catastrophe de Tchernobyl (26 avril 1986), établi conjointement par l’OMS et l’AIEA en septembre 2005, fait état de 50 morts, 9 décès d’enfants de cancers de la thyroïdes, 4000 cancers potentiellement mortels et 4000 cancers de la thyroïde (principalement chez les enfants). Or nombre de recherches indépendantes menées en Russie, Ukraine et au Belarus, ont été ignorées.
Bilan de Tchernobyl sous-évalué
Selon plusieurs rapports, Tchernobyl a fait plus de 200’000 morts. Cinquante fois plus que le bilan officiel de l’OMS et de l’AIEA. Une étude publiée en février 2010 par l’Académie des sciences de New-York et rédigée par les professeurs Alexei Yablokov, Vassili et Alexey Nesterenko, des spécialistes reconnus (« Tchernobyl, conséquences de la catastrophe pour les populations et l’environnement »), estime même à 985’000 le nombre de morts liés à la catastrophe.
Un ancien du département Santé et environnement de l’OMS confie qu’« à l’OMS, certains sont mal à l’aise avec les chiffres minimisés sur Tchernobyl ». Il dit craindre que la situation ne se reproduise avec la catastrophe en cours au Japon. Alison Katz, elle aussi une ancienne de l’agence onusienne, estime que « l’AIEA décide désormais de tout en matière de santé et rayonnement », l’OMS ne comptant que quatre personnes chargées de la radioprotection à Genève. Depuis avril 2007, un collectif anti-nucléaire « Independant WHO » [2], dont Alison Katz est membre, manifeste chaque jour à proximité de l’OMS, réclamant l’abrogation de l’accord contre nature de 1959.
Ron Hochuli, Agathe Duparc, Xavier Nicol