Depuis le 5 décembre et pendant six jours entiers, les 250 salarié-e-s de l’entreprise de fabricaton de portes et de fenêtres « Republic Windows and Doors » ont occupé leur usine, qui venait de fermer, « simplement » pour exiger que la loi sur les licenciement soit appliquée et qu’ils-elles reçoivent leur dû en matière d’indemnités et de couverture sociale.
La « Bank of America », qui contrôlait l’entreprise, leur refusait en effet un peu moins de deux millions de dollars en tout, après avoir reçu la promesse de 25 milliards au titre du plan Paulson. La direction avait - en outre - acquis un établissement dans un état voisin, l’Iowa, pour se débarrasser d’une main d’œuvre combative, organisée par un syndicat historiquement radical (UE).
Cette lutte a été un nouvel exemple du rôle majeur des salarié-e-s d’origine latino-américaine dans la lutte sociale aux USA. Après les manifestations de masse des sans-papiers en 2006, ceux-celles-ci réintroduisent une forme d’action collective et radicale sur la scène nationale aux USA et ont obtenu gain de cause face à un géant bancaire arrogant et précédemment intraitable.
A l’issue de leur combat les travailleurs-euses se félicitaient d’une victoire éclatante, source d’une fierté immense. On leur avait dit que leur usine fermerait définitivement ses portes en trois jours et qu’ils ne toucheraient aucune espèce d’indemnité. Les machines étaient en train d’être démontées et c’est pour exiger leur dû et faire pression sur leur employeur en plaçant sous leur contrôle direct les machines restantes et le stock, qu’ils-elles ont immédiatement occupé l’entreprise, évènement quasi unique aux USA depuis les années 1930.
Par leur action, ces travailleurs-euses ont obtenu une couverture massive... et positive de médias habituellement hostiles et ils-elles ont déclenché un mouvement de soutien d’une ampleur inégalée, qui a forcé l’une des plus grandes banques des Etats-Unis à leur payer tous et toutes leurs deux mois de salaires et de couverture sociale en matière de frais médicaux.
On pourrait penser que c’est peu de choses, mais ce mouvement est devenu un véritable symbole de résistance ouvrière à l’échelle de tout le pays, dans une économie étatsunienne en crise profonde. Des centaines et des centaines de syndiqué-e-s, de syndicalistes et de sympathisant-e-s sont venus sur place, pendant les quelques jours de l’occupation, en provenance non seulement de Chicago, mais de tout le Midwest pour leur exprimer leur solidarité et leur apporter un soutien matériel indispensable, sous forme de dons de nourriture et d’argent.
En outre, le soutien a cette lutte a largement dépassé les rangs du mouvement ouvrier organisé. Cette riposte ouvrière radicale a servi de catalyseur à une indignation collective de masse, dirigée contre le cadeau de 700 milliards de dollars offert à Wall Street. En effet, alors que la Bank of America était en passe de recevoir 25 milliards de dollars des contribuables, la banque refusait de payer les deux mois de salaires dus au travailleurs-euses en cas de fermeture sans préavis d’une usine en en vertu du de la législation fédérale étasunienne elle-même (WARN act). Une contradiction et un scandale particulièrement criants.
Ainsi, quand le syndicat engagé dans ce conflit - l’UE - a appelé à une manifestation dans le quartier financier de Chicago, le 10 décembre dernier, 1000 personnes s’y sont mobilisées pratiquement immédiatement et sans préavis. Ils-Elles y ont entendu un responsable syndical tenir un discours inhabituel. « Regardez autour de vous, leur a-t-il dit en nommant les banques et instituts financiers environnants, qui a crée toutes leurs richesses ? » …et la foule lui a répondu « C’est nous qui l’avons fait ! » Il a continué en évoquant les martyrs de Chicago tombé en 1886 dans la lutte pour la journée de 8 heures et a conclu par le mot d’ordre « Le pouvoir aux ouvriers ! »
Les travailleurs-euses de la Republic Windows and Doors sont le visage d’une résistance de classe indispensable. Ils ont incarné l’espoir et montré la voie à des millions de salarié-e-s étasuniens et d’au-delà des frontières des USA. Ils-Elles ont montré qu’un petit syndicat comme l’UE, qui privilégie l’action militante et l’organisation démocratique à la base des travailleurs-euses, plutôt que le « partenariat social » et la collaboration avec les patrons, peut remporter des victoires significatives. Une leçon renouvelée, qui doit nous parler aussi dans une Suisse où les milieux dominants se calquent volontiers sur leurs grands frères étasuniens…